Été 2025 (Volume 35, numéro 2)
Médecine d'assurance
Par Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR
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Lorsque j’ai suivi ma formation en médecine interne à l’Hôpital général de Montréal, l’un des cliniciens les plus impressionnants que j’ai rencontrés en tant que résident était le Dr Doug Kinnear1. Il était gastroentérologue et médecin de l’équipe des Canadiens de Montréal. Cela semblait étrange, mais lorsque j’ai déménagé à Toronto pour ma bourse de recherche en rhumatologie, le médecin de l’équipe des Maple Leafs était également un rhumatologue. C’était le Dr Murray Urowitz qui avait succédé à un autre rhumatologue, le Dr Hugh Smythe2, à ce titre. Cela ne m’a certainement pas dérangé de rencontrer des joueurs des deux équipes.
Je me souviens que le Dr Kinnear mettait toujours en garde l’équipe médicale de ne pas cataloguer prématurément les patients avec un diagnostic qui pourrait ne pas s’avérer exact. Une maladie inflammatoire de l’intestin (MII) confirmée était une chose, mais une personne qui pouvait être atteinte d’une colite infectieuse ne devait pas être répertoriée dans son sommaire d’hospitalisation comme ayant une MII, afin que cela ne compromette pas sa capacité à souscrire une assurance par la suite. Si le patient avait vraiment une MII, elle se déclarerait d’elle-même au fil du temps. Le même concept pouvait s’appliquer à une arthrite indifférenciée légère, qui peut se résorber spontanément ou évoluer vers une polyarthrite rhumatoïde (PR) établie. C’était un très bon conseil que le Dr Kinnear avait prodigué en raison de son autre activité à temps partiel en tant que médecin consultant auprès de plusieurs compagnies d’assurance-vie basées à Montréal.
Plus tard, parallèlement à ma pratique de la rhumatologie, j’ai commencé à travailler à temps partiel comme directeur médical dans diverses compagnies d’assurance, et je continue de le faire aujourd’hui. La formation initiale consistait à apprendre le principe de la souscription, à sélectionner les risques médicaux et à aborder le vaste domaine de la médecine d’assurance. Le manuel de référence était Medical Selection of Life Risks, publié et rédigé en grande partie par le Dr Robert D.C. Brackenridge, médecin consultant à la Mercantile and General Reinsurance Company (M&G) à Londres, en Angleterre. Comme mon premier poste dans le domaine de l’assurance était chez M&G, on m’a offert un exemplaire dédicacé de la troisième édition de ce manuel. J’ai également eu le plaisir de rencontrer le Dr Brack, comme on l’appelait, lors d’une visite à Londres et d’être présent quand il examinait des cas.
Bien sûr, au fil du temps, à mesure que j’acquérais de l’expérience et de la confiance dans le domaine de la médecine d’assurance, je me référais de moins en moins au manuel. Il était disponible pour référence et réassurance, mais j’avais aussi des manuels d’assurance spécifiques à la compagnie et toute la littérature médicale à consulter. Au bout du compte, le mot « Brack » m’évoquait davantage l’inspecteur Thomas Brackenreid, un personnage de la série Murdoch Mysteries sur la chaine CBC, plutôt que le Dr Brackenridge.
La cinquième édition du manuel de Brack a été publiée en 20063. Vous pouvez toujours acheter un exemplaire d’occasion pour 437 $ en ligne4. Je m’en suis rendu compte fin 2024, lorsque j’ai reçu un courriel d’un collègue spécialisé en médecine d’assurance aux États-Unis. Après pratiquement deux décennies, une sixième édition de Brack était enfin en préparation. On recherchait des auteurs pour des chapitres, et comme il n’y avait apparemment que trois rhumatologues en Amérique du Nord qui travaillaient dans le domaine de l’assurance, nous avons tous été invités à saisir cette occasion. Deux d’entre nous ont accepté de relever ce défi, et je suis donc en train d’écrire un chapitre de livre pour la première fois. Heureusement, j’ai déjà écrit des chapitres sur des sujets de rhumatologie pour des manuels de formation de l’Academy of Life Underwriters, ce qui me permet de m’appuyer sur quelques sources.
Je travaille actuellement pour deux compagnies d’assurance. J’ai contacté ma compagnie principale pour revoir mon contrat d’auteur, pensant qu’elle serait heureuse que mon affiliation avec l’entreprise soit mentionnée dans le nouveau manuel. J’avais tort. Elle était ravie que je sois auteur, à condition que le nom de l’entreprise ne soit pas mentionné. Apparemment, elle a estimé que le risque était trop élevé, et après tout, son activité principale est l’évaluation des risques.
L’étape suivante a été de revoir le chapitre sur les troubles rhumatismaux du manuel de Brack de 2006 pour voir si je pouvais m’en inspirer pour notre mise à jour. La première section portait sur la classification. L’arthrite réactive et certaines formes de vascularite portaient encore leurs éponymes abandonnés, et l’arthrite chronique juvénile était répertoriée comme terminologie préférée. Par la suite, le chapitre abordait les rhumatismes des tissus mous, les syndromes de piégeage nerveux, les lésions du disque intervertébral et l’arthrogrypose congénitale multiple, mais nous n’avons pas l’intention d’inclure ces sujets. De même, nous laisserons de côté : « Peu de maladies rhumatismales ont une mortalité précoce... Les maladies rhumatismales n’étant pas mortelles, les statistiques sont rares. » En ce qui concerne la PR, nous mettrons à jour les critères de 1987 pour les aligner sur ceux de 2010, et nous ne dirons pas que « le traitement par anticorps monoclonaux de la PR est faisable, mais aux premiers stades de développement; les effets secondaires bénéfiques ou à long terme possibles de ce traitement n’ont pas encore été établis. »
Il est intéressant de noter que les affections comorbides étaient déjà reconnues comme des marqueurs importants de l’augmentation de la mortalité, bien que les maladies cardiovasculaires n’aient pas été spécifiquement mentionnées, même si elles sont la principale cause de décès de la PR et dans de nombreuses autres arthrites inflammatoires, et même si l’évaluation du risque cardiovasculaire est un sujet fondamental en médecine d’assurance.
La date limite de soumission des chapitres est fixée à 2025, mon coauteur et moi avons donc du pain sur la planche. Comme au JSCR, on m’a rappelé que la brièveté et la concision sont des aspects importants de la rédaction de manuels. Cet éditorial arrive donc à sa conclusion naturelle. Restez à l’affût d’une éventuelle suite si j’ai d’autres remarques à signaler.
Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR
Rédacteur en chef, JSCR, Toronto (Ontario)
Références :
1. À la mémoire du Dr Douglas Kinnear. Disponible à l’adresse https://cusm.ca/our-stories/article/a-memoire-du-dr-douglas-kinnear. Consulté le 9 juin 2025.
2. Toronto Maple Leafs team doctor made Stanley Cup history (obituary). (en anglais) Disponible à l’adresse https://www.theglobeandmail.com/news/national/toronto-maple-leafs-team-doctor-made-stanley-cup-history/article4627645/. Consulté le 9 juin 2025.
3. Brackenridge’s Medical Selection of Life Risks. (en anglais) 5e édition 2006, Palgrave Macmillan. R.D.C. Brackenridge (rédacteur), R. Croxson (rédacteur), Ross Mackenzie (rédacteur).
4. Brackenridge’s Medical Selection of Life Risks (listing). (en anglais) Disponible à l’adresse https://www.amazon.ca/Brackenridges-Medical-Selection-Life-Risks/dp/1403906769#detailBullets_feature_div. Consulté le 9 juin 2025.
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