banner

Automne 2025 (Volume 35, numéro 3)

Un changement radical : ma transition vers la rhumatologie au Canada

Par Denis Poddubnyy, M.D., Ph. D.

Télécharger la version PDF

Cela fait exactement un an aujourd'hui que j'ai atterri à l'aéroport Pearson de Toronto avec deux valises et le cœur rempli d'un optimisme prudent. Tout ce que j'avais emporté était, à l'époque, considéré comme indispensable pour démarrer ma nouvelle vie au Canada, du moins pendant l'été. Des vêtements chauds ont suivi dans quelques cartons et sont arrivés à temps pour la première neige.

Cette arrivée a été précédée par près d'un an de procédures bureaucratiques incessantes, suffisamment difficiles pour décourager même les universitaires les plus déterminés.  Lorsque j'ai finalement confirmé ma volonté de venir, j'ai rapidement reçu un fichier PDF rempli d'abréviations mystérieuses : CPSO, CMPA, RCPSC, OHIP... Cela ressemblait davantage à un livre de codes qu'à un guide de bienvenue. Le responsable administratif, bien intentionné, semblait supposer que les rhumatologues en Allemagne travaillent selon les mêmes règles que ceux de l'Ontario et que le CPSO est peut-être une puissance mondiale en matière d'octroi de licences.

Parmi les nombreuses surprises, il y avait l'obligation de fournir un « certificat de bonne conduite ». Au début, je ne savais pas du tout ce que cela signifiait, et encore moins où je pouvais m'en procurer un. S'agissait-il d'une évaluation morale? D'un test de personnalité? D'une lettre de ma mère? Heureusement, après quelques coups de fil frénétiques et les démarches habituelles auprès d'une administration allemande déroutante, j'ai appris que les autorités sanitaires locales de Berlin délivraient ce type de certificat aux personnes souhaitant quitter le pays (un service étrangement spécifique). Heureusement, j'étais toujours en règle, du moins aux yeux
de l'employé, et j'ai obtenu ce certificat sans délai.

Ce n'était que le début.

Vous connaissez le dicton : l'herbe est toujours plus verte chez le voisin. En Allemagne, lorsque j'ai annoncé à mes collègues que je déménageais au Canada, beaucoup ont réagi avec envie. Dans l'imaginaire allemand, le Canada occupe une place presque utopique : une nature époustouflante, une culture à la fois décontractée et sophistiquée, les opportunités nord-américaines associées à la sécurité européenne. À leurs yeux, je partais vers un pays de rêve.

Imaginez ma surprise lorsque je suis arrivé au Canada et que j'ai rencontré exactement la réaction inverse : « Vous avez quitté l'Allemagne... pourquoi? » De nombreux Canadiens semblaient perplexes à l'idée que quelqu'un puisse volontairement troquer une vie dans un « pays européen sûr et stable » contre... Toronto? Pour eux, l'Allemagne était le pays des opéras, des pistes cyclables et d'une assurance maladie qui ne nécessite pas de glossaire.

Pourtant, je suis rapidement tombé amoureux de Toronto. L'un des aspects que je préfère dans cette ville, c'est le lac qui ressemble davantage à une mer, pour être honnête. À Berlin, l'absence d'eau à proximité me manquait, et l'horizon vaste et infini du lac confère à la ville une certaine sérénité difficile à décrire. Mais ce qui m'a encore plus impressionné, c'est le véritable esprit multiculturel de la ville. L'endroit d'où vous venez, la couleur de votre peau ou votre accent n'ont vraiment aucune importance. Ici, les gens s'intéressent bien plus à ce que vous avez dans la tête qu'à votre nationalité. Malheureusement, je ne peux pas toujours en dire autant de l'Allemagne, qui est plutôt conservatrice.

Et la gentillesse... Wow! Le niveau de politesse et de chaleur humaine est visible partout : dans les cliniques, les magasins, les couloirs et les ascenseurs. Mais je dois admettre que cela semble s'arrêter brusquement dès que quelqu'un prend le volant. C'est comme si le fait de monter dans une voiture déclenchait une transformation : le piéton aimable et souriant devient instantanément un conducteur impatient et klaxonnant. C'est peut-être la version canadienne du Dr Jekyll et M. Hyde.

Heureusement, cet environnement bienveillant et multiculturel m'a également accueilli à l'hôpital. Commencer à travailler n'a pas été aussi difficile qu'on pourrait le croire : la médecine reste la médecine. Les maladies sont globalement les mêmes des deux côtés de l'Atlantique, et mes 20 années d'expérience en médecine interne, en rhumatologie et en maladies infectieuses m'ont aidé à faciliter la transition. J'ai trouvé que le système de santé canadien était globalement équitable. Contrairement à l'Allemagne, où le système à deux vitesses privilégie la minorité assurée par le secteur privé avec des délais d'attente plus courts et un accès plus large (mais pas toujours fondé sur des preuves) aux traitements, le modèle canadien à payeur unique peut entraîner des retards, mais il uniformise les règles du jeu et protège également les médecins. Une fois qu'un traitement est approuvé, personne ne remet en question la prescription. En Allemagne, les rhumatologues vivent souvent dans l'ombre des vérifications des assurances, avec le risque permanent de devoir rembourser le coût des produits biologiques utilisés hors indication, quels que soient les résultats ou les bénéfices pour le patient.

Autre changement important : mon rôle dans les soins hospitaliers. En Allemagne, j'étais toujours le médecin le plus responsable. Ici, je suis consultant. Cela peut bien fonctionner, en particulier lorsque la rhumatologie est clairement le problème principal, mais dans les cas complexes comme le syndrome d'activation des macrophages ou les infections concomitantes, la communication peut s'avérer plus difficile.

Je travaille désormais dans un établissement universitaire clinique, où j'essaie de concilier mes trois vies : celle de clinicien, d'enseignant et de scientifique. Ce que j'apprécie particulièrement ici, c'est que ces rôles sont reconnus comme distincts et méritent qu'on leur consacre du temps. Malgré mon emploi du temps chargé, j'ai trouvé le temps de réfléchir de manière conceptuelle, de développer des idées et de lancer de nouveaux projets. L'environnement universitaire qui m'entoure est à la fois stimulant et inspirant, ce qui, je l'espère, continuera à me motiver non seulement pendant cette période de transition, mais aussi pendant de nombreuses années à venir.

Denis Poddubnyy, M.D., FRCPC
Professeur de médecine,
Division de rhumatologie,
Département de médecine,
Faculté de médecine Temerty,
Université de Toronto
Chercheur principal,
Directeur du programme d'études avancées en imagerie
pour les maladies rhumatismales,
Codirecteur,
Programme Gladman-Krembil sur l’arthrite psoriasique,
Schroeder Arthritis Institute,
Krembil Research Institute,
University Health Network
Toronto (Canada)

Skyscraper

The access code to enter this site can be found on page 4 of the most recent issue of The Journal of the Canadian Rheumatology Association (CRAJ) or at the top of the most recent CRAJ email blast you received. Healthcare professionals can also obtain the access code by sending an email to CRAJwebmaster@sta.ca.

Remember Me