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Été 2024 (Volume 34, numéro 2)

Progrès en rhumatologie : où en sommes-nous?

Par Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR

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Il y a vingt ans, j’ai assisté à une conférence sur la rhumatologie, probablement à la réunion de l’American College of Rheumatology (ACR), et j’ai pris du temps pour visiter divers kiosques de l’industrie entre les séances. Les cadeaux étaient la norme à l’époque. En effectuant un peu de ménage récemment, je suis tombé sur l’un d’entre eux : Dorland’s Dictionary of Rheumatology. Je me souviens l’avoir offert à ma secrétaire pour qu’elle le consulte lorsqu’elle rédige des lettres et comme référence générale. Elle l’a peut-être utilisé, peut-être pas : il avait l’air en parfait état et à ce stade, son utilité était probablement limitée. Mais avant de l’envoyer au recyclage, j’ai décidé de le parcourir pour avoir un aperçu de la façon dont la rhumatologie était perçue par les auteurs en 2004.

Le livre est intéressant autant par ce qu’il contient que par ce qu’il ne contient pas. Le mot « biologique » n’apparaît pas, bien que l’infliximab et l’étanercept soient déjà disponibles depuis 5-6 ans. Les termes « apiothérapie » et « mélissothérapie » ont été inclus, car la thérapie au venin d’abeille pour la polyarthrite rhumatoïde (PR) avait suscité un certain intérêt à l’époque. « La chrysothérapie, l’aurothérapie et l’oléochrysothérapie » font toutes référence à la thérapie par l'or de la PR, qui était déjà en net recul en 2004, mais le méthotrexate n’y figure pas. La première page comportait de nombreux termes que je ne connaissais pas, notamment « acampsia » (rigidité ou inflexibilité d’une partie ou d’une articulation), « acnemia » (atrophie des mollets) et « acrocinesis » (motilité excessive; liberté de mouvement anormale). L’avant-dernière page traite de la « subluxation de Volkmann » (une forme d’arthrite tuberculeuse) et de la « tumeur blanche » (arthrite tuberculeuse chronique). Entre les deux, j’ai rencontré un très grand nombre de termes liés à la goutte : « urarthrite », « uarthritis », « arthrolithiasis », « anconagra », « omagra », « cheiragra », « pechyagra », « gonagra » et « podagra » (ce dernier terme m’était familier).

Avais-je reconnu « anconite » comme une inflammation de l’articulation du coude? Non. « Arthroncus », « arthrocele » et « arthrophyma » signifient-ils tous un gonflement d’une articulation? Non. Les éponymes étaient beaucoup plus souvent répertoriés qu’ils ne le seraient aujourd’hui. Nous ne manquerons pas de devoir nous souvenir des conditions réelles représentées par Albers-Schonberg, Albright, Bechterew, Marie-Strumpell, Poncet, Hench-Rosenberg et bien d’autres. Curieusement, le « syndrome de Sjögren », qui est un survivant, n’a pas été défini. La définition de la « maladie du collagène » incluait non seulement ce que nous appelons aujourd’hui les MRAS (maladies rhumatismales auto-immunes systémiques), mais aussi la PR, et ne devait pas être confondue avec le « trouble du collagène », qui n’était pas défini. Jack Cush inclut la « maladie du tissu conjonctif » parmi les termes qui appartiennent au cimetière des mots morts de la rhumatologie1, et nous pourrions tout aussi bien enterrer le « trouble vasculaire du collagène » en même temps. Heureusement, il a également enterré le SAARD (slow acting anti-rheumatic drug) qui pouvait facilement être confondu avec le SARD aujourd’hui reconnu.

Je doute que la « maladie sacro-iliaque » ait jamais été définie comme une « inflammation tuberculeuse chronique de l’articulation sacro-iliaque », mais c’est ce que j’ai trouvé dans ce prétendu ouvrage de référence. De même, la « PR séronégative »  a été définie comme « l’un des divers types rares de PR dans lesquels les patients sont séronégatifs pour le facteur rhumatoïde (FR) ». Une fréquence de 25 % de FR négatif dans la PR est loin d’être rare! Enfin, le LED et l’ANA négatif ne sont pas synonyme de syndrome des antiphospholipides. En fait, les critères les plus récents du LED ont défini le LED ANA négatif comme n’ayant plus lieu d’être.

D’autres termes ne sont plus politiquement corrects et ne l’ont jamais été. La « bosse de la douairière » se distingue, de même que le « genou de la femme de ménage » et l’ « arthrite de la ménopause ». Le mot « sénile » apparaît fréquemment, notamment « morbus coxae senilis » et « senile coxitis » (maladie de l’articulation de la hanche chez les personnes âgées).

L’ « articulation irritable » a été définie comme une articulation sujette à des crises d’inflammation sans cause discernable. Je suis sûr que si je disais à un patient qu’il s’agit de son diagnostic, j’aurais un patient irritable sur les bras.

Mon dictionnaire de 2004 était basé sur la 30e édition du Dorland’s Illustrated Medical Dictionary. Selon amazon.ca, je peux encore acheter la 33e édition, publiée en 2019, pour seulement 65,85 $. C’est une décision facile à prendre sur la base de mes recherches : je ne vais pas me le procurer.

Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR
Rédacteur en chef, JSCR
Scarborough (Ontario)

Référence :

1. Cush Jack. Rheumatology Dead Word Cemetery 2019 (Cimetière des mots morts de la rhumatologie 2019). Disponible à l’adresse suivante : rheumnow.com/blog/rheumatology-dead-word-cemetery-2019. Consulté le 13 mai 2024.

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