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Été 2024 (Volume 34, numéro 2)

Héros canadiens de la rhumatologie : entrevue avec le Dr Paul Davis

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Pourquoi êtes-vous devenu rhumatologue? Quels sont les facteurs ou qui sont les personnes qui vous ont inspiré à entreprendre cette carrière?
J’ai commencé à m’intéresser à la rhumatologie avant même d’entrer à l’école de médecine. J’ai travaillé comme technicien en laboratoire au Canadian Red Cross Memorial Hospital, à Taplow, en Angleterre. Il s’agit du premier institut clinique et de recherche sur l’arthrite en Grande-Bretagne, dirigé à l’époque par le Pr Eric Bywaters et la Dre Barbara Ansell.

L'une de mes tâches en tant que technicien de laboratoire consistait alors à préparer les vitesses de sédimentation érythrocytaire de même que les tests de dépistage du facteur rhumatoïde et du lupus érythémateux pour les patients présentant des affections rhumatismales. Je suis devenu fasciné par les pathologies concernées par ces tests et cela a éveillé mon intérêt pour la rhumatologie, qui s'est manifestement prolongé jusqu'à la fin de ma carrière.

D’où provient votre passion et votre intérêt pour la rhumatologie?
Tout au long de ma formation, j’ai eu la chance d’être exposée à d’autres domaines de spécialisation. À un certain moment, on m’a même convaincu de devenir chirurgien orthopédiste, ce que je n’ai heureusement pas fait. Quoi qu'il en soit, tout au long de ma carrière, j'ai trouvé un grand nombre de spécialités fascinantes. Pourtant, à chaque fois, je revenais vers la rhumatologie. Je pense que cela s'explique notamment par le fait que l'immunologie clinique et ses applications dans les processus pathologiques évoluaient rapidement à cette époque. Il s'agissait donc là pour moi d'une opportunité exceptionnelle permettant à mon intérêt pour l'immunologie clinique de se confronter aux pathologies cliniques telles qu'elles sont observées en rhumatologie.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours, depuis vos études de médecine en Angleterre jusqu'à votre installation en tant que rhumatologue à Edmonton, en Alberta?
Après avoir quitté Taplow comme technicien de laboratoire, je suis allé étudier à l’Université de Bristol pour y obtenir mon diplôme en médecine; parallèlement à ma formation de premier cycle, ma relation avec l'institut de recherche de Taplow s'est maintenue, puisque j'y travaillais pendant les grandes vacances. Plus tard, une fois mon diplôme obtenu, j'y ai travaillé pendant une courte période à titre de résident en médecine. J'ai ensuite suivi une formation de trois ans en médecine interne générale, puis j'ai décroché un poste à la Royal Postgraduate Medical School, à l'Hôpital Hammersmith de Londres, en Angleterre, toujours sous la direction du Pr Eric Bywaters et du Dr Graham Hughes. Ce fut pour moi l'occasion de revigorer, si l'on peut dire, mon intérêt pour la rhumatologie.

Successivement, je suis devenu membre de l'Université de Bristol puis de l'Universirté de Bath, où j'ai travaillé au sein des services de rhumatologie du Bath Mineral Hospital, période au cours de laquelle mon enthousiasme pour la rhumatologie s'est maintenu et même accru.

En 1974, j’ai eu l’occasion de participer au Congrès panaméricain de rhumatologie de Toronto. J’y ai rencontré le Dr Tony Russell, avec qui j’avais déjà travaillé à Taplow. Il m’a dit que l’Université de l’Alberta, à Edmonton, était en période de recrutement en rhumatologie. En 1975, j’ai pris une année sabbatique de mon poste à l’Université de Bristol. Je suis ensuite déménagé à Edmonton pendant un an et je ne suis jamais reparti. Heureusement, je voulais rester et ils étaient prêts à m’offrir un poste permanent. Alors voilà, c’est ainsi que je suis arrivée à Edmonton. C’est également à cet endroit que je suis resté pour le reste de ma carrière professionnelle.

Comment la rhumatologie au Canada a-t-elle évolué au cours de votre carrière et quelles sont ses perspectives d'avenir?
Je pense que les changements survenus au fil des ans sont liés, premièrement, à une meilleure compréhension de la pathogenèse et des manifestations cliniques des maladies rhumatismales et, deuxièmement, au fait que notre compréhension de la physiopathologie nous a permis de mettre davantage l'accent sur des thérapies ciblées. À titre d'exemple, lorsque j'ai commencé à travailler en rhumatologie, le traitement de la polyarthrite rhumatoïde faisait appel à de fortes doses d'aspirine, à d'autres anti-inflammatoires, parfois à des antipaludéens et, dans les cas les plus graves, à des médicaments à base d'or injectable. Si vous posez la question aux stagiaires d'aujourd'hui, ils vous riraient au nez avec ce régime de traitement archaïque. Je pense qu'avec la définition des différents sous-groupes de maladies rhumatismales, notre compréhension de la physiopathologie et notre capacité à développer des thérapies ciblées, en particulier des produits biologiques, le traitement des patients atteints de maladies rhumatismales s'est considérablement modifié.

Vous avez été président de la Société canadienne de rhumatologie (SCR) de 1990 à 1992 et avez mené à bien le processus visant à rendre la SCR indépendante du Collège royal. Pouvez-vous nous en dire plus sur les raisons pour lesquelles vous vous êtes impliqué au sein de la SCR et pourquoi il était si important de faire en sorte que cette dernière soit indépendante vis-à-vis du Collège royal?
Je pense qu’un certain nombre de facteurs sont entrés en jeu à peu près au même moment. La SCR était certes importante, mais elle n’était pas pertinente pour de nombreux rhumatologues praticiens, en particulier ceux de la communauté. Lorsque j'ai adhéré à la SCR, il s'agissait plutôt d'un club réservé à l'élite qui travaillait en milieu universitaire dans des unités spécialisées dans les maladies rhumatismale. Sa pertinence pour les rhumatologues de la communauté était donc limitée.

Ainsi, le Collège royal, principalement sous l'effet de pressions extérieures, a décidé qu'il était important que les médecins puissent démontrer leur engagement durable en faveur du développement professionnel au-delà de l'obtention de leur diplôme de médecine ou de certains diplômes de spécialisation.

La SCR a été parmi les premières entités spécialisées à participer au programme de maintien des compétences du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Ce programme, comme vous le savez probablement, est devenu le programme de Maintien du certificat (MDC), qui fait désormais partie de la vie quotidienne des médecins. Je pense que la SCR peut se féliciter d'avoir pris l'initiative de participer à l'élaboration de ce programme, ce qui, je dois le dire, a été quelque peu stressant et parfois très controversé.

Par conséquent, il incombait à la SCR de mettre en place des programmes éducatifs pertinents pour les rhumatologues, leur permettant ainsi de satisfaire aux exigences du programme de maintien des compétences/du certificat. Nous ne pouvions pas le faire dans la structure existante; il était donc important que la SCR prenne l’initiative de développer un programme de formation pertinent pour tous les rhumatologues (universitaires ou communautaires) afin qu’ils puissent répondre à ces exigences. Encore là, il s’agissait d’une démarche audacieuse qui n’était pas acceptée à l’unanimité au départ. Cependant, nous avons maintenu cette pratique et, bien sûr, elle perdure depuis je ne sais combien d’années. En fait, nous avons établi un programme et la structure de base que nous avons établie à l’époque est toujours utilisée dans la programmation aujourd’hui.

Quels sont, selon vous, les défis que devront relever les rhumatologues canadiens à l'avenir et que peut-on faire, à titre individuel et au sein de la SCR, pour relever ces défis?
Je pense que les rhumatologues sont confrontés à un certain nombre de problèmes, mais qu’ils ne sont pas propres à la rhumatologie. Je pense qu’ils sont probablement pertinents pour tous les médecins praticiens, qu’ils soient spécialistes ou médecins de famille. Je pense que la première chose à faire en rhumatologie est de s’assurer que nous maintenons un bon équilibre entre le travail et la vie personnelle. Il y a eu un changement important en termes de main-d’œuvre. Nous avons un grand nombre de rhumatologues praticiens qui sont des femmes, en fait, probablement même qu’aujourd’hui il s’agit de la majorité. Nous devons respecter leur besoin de trouver un équilibre entre la pratique clinique et leur la vie personnelle. Je pense que, dans une certaine mesure, cela s’applique également aux hommes dans le domaine. Nous devons veiller à ce que cet équilibre soit maintenu, car je pense qu’il se reflète dans la qualité des soins que nous prodiguons à nos patients.

Je crois qu’il est nécessaire de garantir que nous utilisions au maximum le temps passé au bureau. Il devient de plus en plus évident pour moi que les médecins passent énormément de temps à gérer la paperasse, la bureaucratie et tout cela sans être rémunérés. Mais surtout, c’est du temps qui leur est retiré pour se consacrer aux soins des patients. Lorsque nous sommes au bureau, nous devons nous assurer de faire réellement ce pour quoi nous avons été formés et que nous ne soyons pas surchargés par la bureaucratie.

Pour conclure, je pense qu’il est crucial de nous assurer que lorsque nous sommes en clinique, nous recevons les patients pour lesquels nous sommes spécifiquement formés à poser un diagnostic et à traiter. Il est de plus en plus évident qu’un diagnostic et un traitement précoces ont des effets très positifs. Nous devons garantir, par le biais de divers mécanismes tels que des processus de dépistage ou autres, que nous accordons la priorité aux patients pour lesquels nous avons une formation particulière en traitement, à savoir les patients souffrant de polyarthrite inflammatoire et de maladies du tissu conjonctif. Ce sont les patients pour lesquels nous pouvons faire plus et ce sont ceux à qui nous devons donner la priorité; ils ne devraient pas rester sur une liste d’attente pendant 6 mois, 9 mois ou 1 an.

Quelles sont les réalisations dont vous êtes le plus fier à ce jour?
C’est une question délicate, c’est difficile de se vanter soi-même. Mais à bien y penser, j’ai accompli certaines choses au cours de mon mandat au sein de l’exécutif à titre de président de la SCR. Je pense que j’ai influencé de manière significative le développement de la SCR, que j’ai changé son orientation et j'ai contribué à en faire ce qu’elle est devenue aujourd’hui.

Je suis particulièrement fier d'avoir été co-organisateur, avec Bonnie Thorne de la Société de l'arthrite, d'Arthrite 2000. Il s'agissait d'une réunion indépendante unique à laquelle participaient toutes les parties prenantes de la communauté de la rhumatologie. Cette rencontre, organisée à Ottawa, avait attiré un très grand nombre de participants. Le succès rencontré a été tel que de nombreuses autres initiatives ont vu le jour à partir de cette expérience initiale, et se poursuivent encore aujourd'hui.

Je dois dire que je suis également très fier du fait que nous ayons créé, avec John Esdaile, la Western Alliance for Rheumatology. Au départ, ce n'était qu'une réunion ponctuelle. Nous ne nous attendions pas à ce que l'événement aille au-delà d'une seule réunion. Nous célébrerons ainsi dans quelques semaines notre 21e anniversaire; cette réunion locale et régionale est devenue extrêmement populaire et a constitué un excellent point de convergence pour les rhumatologues de la région, mais aussi pour soutenir les stagiaires recrutés localement qui se lancent par la suite dans une carrière à long terme en rhumatologie.

Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être à la retraite? Quelles sont vos autres passions en dehors de la rhumatologie?
Bien que je n’aie plus autant l’occasion d’en faire qu’auparavant, les voyages ont toujours été une passion pour moi. Au fil des ans, j’ai eu la chance de pouvoir voyager dans le cadre d’activités professionnelles et personnelles. J’ai eu l’occasion de pratiquer mon métier au Zimbabwe et au Kenya et j’ai toujours eu, et j’aurai toujours, un grand amour de l’Afrique. Je ne sais pas si j’y retournerai un jour, mais cela ferait certainement partie de ma liste de choses à accomplir. Aussi, je suis un grand adepte de rugby. J’ai pratiqué ce sport jusqu’à l’âge de 40 ans et je continue à suivre avec passion le rugby international. Enfin, je suis aussi un collectionneur. Je collectionne les petits soldats, les trains, les timbres anglais et je suis très fier de ma collection d’art du Canada et ça me rend heureux tous les jours.

Paul Davis, MB, Ch.B., FRCP(UK), FRCPC
Professeur émérite de médecine,
Université de l'Alberta,
Edmonton (Alberta)

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