Automne 2024 (Volume 34, numéro 3)
Prise de décision partagée interprofessionnelle pour atteindre l’équité en matière de santé
Par Karine Toupin-April, Ph. D.; et Cheryl Barnabe, M.D., M. Sc., FRCPC
Au nom de Natasha Trehan, fondatrice de Take a Pain Check; Elizabeth Stringer, M.D., M. Sc., FRCPC; Laurie Proulx, Alliance canadienne des arthritiques (ACA); Linda Li, physiothérapeute, Ph. D.; Glen Hazlewood, M.D., Ph. D., FRCPC; Claire Barber, M.D., Ph. D., FRCPC; et
Chance McDougall, M.D., FRCPC
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La prise de décision partagée interprofessionnelle
La prise de décision partagée (PDP) est considérée comme un moyen optimal de prendre des décisions médicales complexes. Il s’agit d’un processus de collaboration entre les patients (et/ou leurs mandataires) et les professionnels en soins de santé, fondé sur les meilleures données disponibles et sur les valeurs et les préférences du patient1,2. Il existe différents modèles de PDP, dont certains incluent des membres de l’équipe interprofessionnelle3, ce qui est très pertinent en matière de rhumatologie. La PDP n’est pas toujours utilisée dans la pratique clinique, principalement en raison du point de vue des professionnels en soins de santé – ils estiment souvent que sa mise en œuvre prend trop de temps, qu’elle n’est pas applicable à leurs patients ou que la décision prise par le patient n’est pas conforme aux lignes directrices et aux recommandations de la pratique clinique4,5. Toutefois, la PDP peut être plus efficace dans le cas des maladies chroniques. Les choix qui correspondent aux valeurs et aux préférences du patient sont plus susceptibles d’entraîner l’adhésion au plan de traitement sélectionné.
Éléments importants de la PDP
La PDP n’est pas une solution unique et elle doit être centrée sur les besoins de chaque patient. Les patients soulignent la nécessité pour les professionnels de la santé d’écouter leurs questions et leurs préoccupations et de leur fournir les informations nécessaires pour prendre des décisions autonomes (voir l’infographie contenant des conseils donnés par des patients : choiceresearchlab.ca/tools-and-resources-to-facilitate-the-use-of-shared-decision-making-sdm/. Une vidéo met également en évidence les éléments essentiels à une mise en œuvre de qualité de la PDP : www.youtube.com/watch?v=4OxXIXMfJAo). Les aides à la décision pour les patients (ADP) et le coaching décisionnel sont des interventions qui facilitent la PDP (decisionaid.ohri.ca/). Ils permettent d’accroître les connaissances et de jouer un rôle plus actif dans la prise de décision6,7. Toutefois, des efforts supplémentaires en matière de mobilisation des connaissances sont nécessaires pour que les professionnels de la santé se familiarisent avec les rôles uniques des ADP par rapport à d’autres types de matériel pédagogique pour les patients utilisés dans la pratique clinique8.
Utilisation de la PDP dans la pratique de la rhumatologie
Une revue exploratoire des applications de la PDP en rhumatologie est disponible9. Il existe plusieurs ADP en rhumatologie s’adressant aux adultes et aux enfants (choiceresearchlab.ca/tools-and-resources-to-facilitate-the-use-of-shared-decision-making-sdm/). La PDP est particulièrement importante lors de décisions tenant davantage compte des préférences, c’est-à-dire lorsqu’il n’existe pas de meilleure option de traitement en fonction des données disponibles et que la décision dépendra des valeurs et des préférences du patient, comme c’est souvent le cas en rhumatologie.
La PDP est incluse dans les lignes directrices relatives aux pratiques cliniques en rhumatologie, telles que les lignes directrices en matière de vie de la Société canadienne de rhumatologie (SCR) pour la polyarthrite rhumatoïde (PR) rheum.ca/resources/publications) et un outil de prise de décision a été élaboré aux fins de vaccination contre la COVID-19 chez les patients souffrant de maladies rhumatismales auto-immunes (rheum.ca/decision-tool/). Dans un exemple récent d’application pratique de la PDP, une aide à la décision de la SCR sur la réduction progressive des médicaments antirhumatismaux modificateurs de la maladie (ARMM) de synthèse biologiques/ciblés pour le traitement de la PR a été envoyée aux patients un mois avant leur visite annuelle10. L’aide à la décision a été bien accueillie, a suscité des discussions sur la réduction progressive des médicaments et a amené de nombreuses personnes à décider d’essayer de réduire leur traitement après en avoir discuté avec leur rhumatologue. Cette recherche fournit des données préliminaires montrant que l’utilisation d’une aide à la décision cohérente avec les lignes directrices relatives aux pratiques cliniques associée à la réflexion du patient et aux discussions avec les rhumatologues peut appuyer une prise de décision rentable et centrée sur le patient en ce qui concerne la diminution progressive des médicaments.
Équité en matière de santé et PDP
L’équité en matière de santé est un droit humain fondamental. Comme le décrit l’Organisation mondiale de la santé, « l’équité est l’absence de différences injustes, évitables ou rectifiables entre des groupes de personnes, que ces groupes soient définis socialement, économiquement, démographiquement ou géographiquement ou par d’autres dimensions de l’inégalité... » (who.int/health-topics/health-equity#tab=tab_1). Le fait pour les patients de participer à la prise de décisions concernant leur santé au moyen de la PDP relativement à leur propre situation peut les aider à atteindre leur plein potentiel de santé et de bien-être et à renforcer l’équité en matière de santé. La PDP rééquilibre les pouvoirs entre les patients et les professionnels en soins de santé, en augmentant l’autonomie, en réduisant le paternalisme et en améliorant la confiance dans les professionnels en soins de santé. Elle peut également réduire les variations injustifiées dans les soins en dissipant les préjugés, car les suppositions du prestataire au sujet des valeurs du patient peuvent influencer les options de traitement présentées
11,12,13.
Quelques-uns des membres du panel d'un des ateliers de l'ASA 2024 de la SCR intitulé Lignes directrices pour la pratique clinique et prise de décision partagée interprofessionnelle : un voyage vers l'équité en santé. De gauche à droite : les docteurs(es) Karine Toupin-April, Cheryl Barnabe, Chance McDougall, Natasha Trehan et Elizabeth Stringer.
La PDP pour les femmes autochtones
La PDP peut être particulièrement utile pour les populations autochtones. Pour établir un lien de confiance avec les patients autochtones, les soins doivent être empreints d’empathie et culturellement sécurisants et intégrer tous les aspects de la santé en plus de respecter les connaissances et l’expérience des visions du monde autochtone. La prise de décision doit être collaborative et le patient doit y participer activement. Les professionnels doivent être bien informés et honnêtes et ils doivent employer des techniques de communication efficace, y compris des techniques d’écoute active. Selon une étude menée auprès de femmes autochtones atteintes de PR dans la ville de Calgary, les priorités étaient d’utiliser des décisions de traitement éclairées par les données de la population autochtone, d’inclure des options de traitement traditionnelles et culturelles dans les plans de soins et de tenir compte des coûts des médicaments disponibles et des options de couverture14,15. En plus des aides à la décision adaptés pour les patients, le coaching décisionnel pourrait être préférable, avec des infirmières, des membres de la famille ou un aîné servant de source d’information et de soutien de confiance, l’accent étant mis sur le dialogue et l’aide à la décision et à la consultation au sein de la communauté14,15.
Implications
La PDP a un fort potentiel en ce qui concerne l’amélioration de l’implication et l’autodétermination dans la prise de décisions, ce qui pourrait aplanir les obstacles à l’équité en matière de santé. L’adaptation des outils et des approches en matière de PDP pourrait se révéler nécessaire pour qu’ils soient efficaces auprès de diverses populations.
Karine Toupin-April, Ph. D.
École des sciences de la réadaptation,
Faculté des sciences de la santé,
Département de pédiatrie, Faculté de médecine,
Université d’Ottawa
Institut de recherche du Centre hospitalier
pour enfants de l’est de l’Ontario,
Institut du savoir Montfort
Cheryl Barnabe, M.D., FRCPC, M. Sc.
Professeure agrégée,
Université de Calgary,
Calgary (Alberta)
Références :
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4. Légaré F, Ratté S, Gravel K, et coll. Barriers and Facilitators to Implementing Shared Decision-making in Clinical Practice: Update of a Systematic Review of Health Professionals' Perceptions. Patient Educ Couns. 2008 Dec; 73(3):526-35.
5. Légaré F, Thompson-Leduc P. Twelve Myths About Shared Decision Making. Patient Educ Couns. 2014; 96(3):281-6. doi: 10.1016/j.pec.2014.06.014.
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10. Lee J, Barber C, Jung M, et coll. Decision Aid-led Tapering of Biologic and Targeted Synthetic DMARDs in Rheumatoid Arthritis: A Qualitative Study. J Rheumatol. 2024 Aug 15:jrheum.2024-0383.
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