Automne 2024 (Volume 34, numéro 3)
Perspective d’une patiente : Carrie Barnes
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À l’âge de 32 ans, je suis devenue incapable de m’occuper de moi-même ou de ma famille. Mes articulations étaient gonflées et douloureuses, et cela avait des répercussions sur tous les aspects de ma vie. Réaliser des tâches simples comme préparer à manger ou m’habiller n’étaient plus possibles sans l’aide d’autrui, et même ma capacité à mâcher variait. Je me sentais perdue et effrayée; j’avais du mal à reconnaître la personne qui me regardait dans le miroir.
Au moment où mes symptômes ont commencé à se manifester, nous avions récemment déménagé à l’autre bout de la province, me laissant sans médecin de famille. Le fait de dépendre exclusivement de cliniques sans rendez-vous a rendu presque impossible la continuité de mes soins ou une régularité. Mon corps continuait de se modifier à un rythme alarmant, me rendant de plus en plus inapte chaque jour. Après avoir eu du mal à répondre aux exigences de mon travail, j’ai été mise en contact avec une clinique interdisciplinaire locale spécialisée dans les maladies rhumatismales. C’est à partir de ce moment-là que les choses ont commencé à changer.
C’est toute une expérience que de recevoir un diagnostic de maladie chronique. Je n’oublierai jamais le jour où l’on a établi le mien. D’une certaine manière, c’est un soulagement lorsqu’il est possible de donner un nom aux symptômes plutôt que de parler de « douleur » ou de « maladie », mais les seuls mots que j’entendais étaient « chronique, injections, médicaments, rendez-vous... ». Je suis passée de « Enfin! Un diagnostic! » à « S’il vous plaît, non. Je ne suis plus capable. » J’étais accablée, je me sentais seule et vraiment incapable de faire un pas dans la bonne direction (jeu de mots).
À la clinique, j’ai été évaluée, orientée et vue en temps voulu par plusieurs membres de l’équipe soignante. On ne m’a jamais demandé de refaire le même test, la même scanographie, le même examen ou la même évaluation; on ne m’a jamais posé la même série de questions et j’ai toujours participé aux discussions à propos de mes soins. Un changement bienvenu après les situations répétées que j’avais connues auparavant et l’objet brisé que j’avais l’impression d’être devenue.
Je me souviens d’avoir été assise dans une pièce entourée de divers professionnels de la santé : assistant social, ergothérapeute, pharmacien, physiothérapeute et rhumatologue, tous discutant de mes soins, tous lisant un dossier, mon dossier. La façon dont ils communiquaient et interagissaient m’a permis de constater qu’ils respectaient le rôle et la contribution de chacun. Le fait de voir un groupe de professionnels en soins de santé se réunir, de donner le meilleur d’eux-mêmes, de faire part de leur expertise, puis de créer un plan d’une seule et même voix m’a donné la confiance dont j’avais désespérément besoin pour faire MA part... le suivi.
Peu après le diagnostic, j’ai assisté à une séance d’information à la clinique, dispensée par les différentes disciplines de soins de santé. On m’a donné des informations sur ma maladie, mes médicaments et la façon de commencer à comprendre ce qui se passait dans mon corps. On m’a appris à reconnaître les changements subtils et les symptômes avant qu’ils ne s’aggravent; ce sont des compétences que j’utilise encore aujourd’hui et qui m’ont permis d’éviter les salles d’urgences pendant près de quinze ans. Enfin, on m’a montré comment contacter les différents membres de l’équipe lorsque j’avais besoin d’aide.
Ma prise en charge ne s’est pas arrêtée au diagnostic. Il y a eu des hauts et des bas, mais j’ai pu accéder aux soins spécifiques dont j’avais besoin avec le membre de l’équipe approprié à chaque fois. Qu’il s’agisse d’ajuster mes orthèses, de commander des médicaments spécifiques en vue de voyages, de traiter une articulation avant une nouvelle poussée ou de recevoir des injections en passant par tout le reste, mon équipe est disponible et prête à m’aider en cas de besoin.
Grâce à cela, j’ai conservé mon emploi, j’ai vécu des événements marquants et je profite de la vie au maximum de mes capacités. Je ne serais pas là où je suis rendue aujourd’hui sans les soins interdisciplinaires que j’ai reçus et que je continue de recevoir.
L'auteure sur le sentier côtier du lac Supérieur.
Carrie Barnes, Défenseuse des patients (Ontario)
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