Printemps 2023 (Volume 33, numéro 1)
Rebrancher, renouveler et réimaginer : points de vue sur l’épuisement
professionnel
Stephanie Garner, M.D., M. Sc., FRCPC
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Les Dres Faiza Khokhar, Saara Rawn, Maggie Larché et
Stephanie Garner au dîner de gala de l'Assemblée scientifique
annuelle de la SCR, qui a eu lieu en février 2023.
En entrant dans les magasins, j’ai toujours la réaction instinctive
de chercher mon masque. Si la phase aiguë de
la pandémie est peut-être terminée, son incidence sur les
médecins et le système de santé ne l’est pas.
Avant la pandémie, la prévalence de l’épuisement professionnel
chez les médecins était estimée à 51 %1. Après deux
ans de vie et de travail dans un environnement volatile, complexe
et incertain, ce chiffre a grimpé jusqu’à 79,5 % dans
certains groupes2. L’épuisement professionnel des médecins
trouve en grande partie son origine dans des facteurs liés à
l’organisation et au système de soins de santé, notamment
une charge de travail excessive, des ressources inadéquates,
la perte de soutien de la part des collègues et la perte de
contrôle et d’autonomie au sein du système3. Les femmes
médecins, les médecins parents d’enfants de moins de 21 ans
et les médecins en début de carrière sont particulièrement exposés4.
Le terme d’« équilibre entre vie professionnelle et vie
privée » apparaît souvent comme un facteur de protection,
mais il reste insaisissable pour la plupart des médecins. Nous
savons que les conséquences de l’épuisement professionnel
comprennent une augmentation des erreurs médicales et une
diminution de la capacité du système de santé (augmentation
du taux de roulement, augmentation des départs à la
retraite et diminution de la productivité5,6). La rhumatologie
au Canada était déjà confrontée à une crise de personnel
avant la pandémie7.
En tant que femme, membre du corps professoral en début
de carrière avec trois jeunes enfants, l’ironie ne m’a pas échappé
alors que je prenais connaissance de la littérature pour un
manuscrit sur l’épuisement après minuit le soir d’une journée
de travail. Cependant, j’y ai vu des raisons de me réjouir : j’ai
réalisé que nous parlions ouvertement de l’épuisement professionnel
et de la façon d’y remédier. La conversation a cessé
de rejeter la responsabilité du « déséquilibre » entre vie professionnelle
et vie privée sur le médecin lui-même.
En 2021, l’Ontario Medical Association a publié cinq recommandations
pour lutter contre l’épuisement professionnel
au niveau du système. Les recommandations étaient les
suivantes : 1) rationaliser et réduire la documentation et le
travail administratif requis; 2) garantir une rémunération
juste et équitable pour tout le travail effectué; 3) améliorer
l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée en apportant
des changements aux politiques organisationnelles; 4) promouvoir
l’intégration transparente des outils de santé numériques
dans les flux de travail des médecins; et 5) fournir du
soutien institutionnel pour le bien-être des médecins8. Il s’agit
d’objectifs ambitieux qui nécessiteront une pression et une défense
constantes de la part de nos organisations provinciales et
nationales de médecins pour être mis en oeuvre.
Cependant, nous pouvons, en tant que personnes, travailler
à résoudre ces problèmes dans notre propre environnement. Les
étapes peuvent être modestes, comme parler de l’épuisement
professionnel avec nos collègues et apprenants pour normaliser
la conversation. En tant que rhumatologues, nous avons la
possibilité unique de décider comment et où nous exerçons.
Modifier notre environnement de travail pour réduire la charge
administrative et transférer des tâches à des professionnels paramédicaux
peut constituer un énorme pas vers une charge de
travail gérable. Le recours à d’autres modèles de soins et à des
préposés à la transcription et l’optimisation des dossiers médicaux
électroniques pour la facturation et la documentation
sont d’autres stratégies qui peuvent également entraîner des
changements.
J’ai récemment eu l’occasion d’assister à l'Assemblée scientifique
annuelle de la Société canadienne de rhumatologie à
Québec. Cela n’a pas été facile, car il a fallu prévoir des vols avec
escales, faire en sorte que mes beaux-parents gardent mes trois
enfants « animés » et laisser derrière moi la charge mentale de la
famille. Le thème de la réunion était « Reconnecter, renouveler
et réimaginer », et c’est ce qui a été fait. Il a fait renaître le sentiment
d’appartenance qui avait été perdu pendant l’isolement
de la pandémie. Je ne suis pas objective, mais quatre nuits sans
enfant, le retour à la norme sociale consistant à établir des liens
avec des collègues et à partager les défis, les possibilités et les
intérêts ont été incroyablement satisfaisants.
Les changements nécessaires au niveau du système pour lutter
contre l’épuisement professionnel vont demander du temps
et de la persévérance. Néanmoins, nous devrions nous réjouir
d’avoir entamé le processus en déterminant qu’il s’agit d’un
problème lié au système plutôt qu’au prestataire et qu’il existe
désormais un mouvement national pour s’y attaquer.
Stephanie Garner, M.D., M. Sc., FRCPC
Professeure adjointe de clinique, Division de rhumatologie
Rhumatologue, Campus South Health
Présidente, programme Competency by Design
Division de rhumatologie – Éducation
Université de Calgary, Calgary (Alberta)
Références :
1. Shanafelt TD, Hasan O, Dyrbye LN, et coll. Changes in Burnout and Satisfaction With Work-Life
Balance in Physicians and the General US Working Population Between 2011 and 2014. Mayo Clin
Proc. 2015; 90(12):1600-13.
2. Garner S, Anand S, Campbell N, et coll. Impact of the COVID-19 Pandemic on Clinical Practice
and Work–Life Integration Experienced by Academic Medical Faculty. Canadian Journal of General
Internal Medicine. 2022; 17(2):22-32.
3. Khan N, Palepu A, Dodek P, et coll. Cross-sectional survey on physician burnout during the COVID-19
pandemic in Vancouver, Canada: the role of gender, ethnicity and sexual orientation. BMJ Open.
2021; 11(5):e050380.
4. West CP, Dyrbye LN, Shanafelt TD. Physician burnout: contributors, consequences and solutions.
J Intern Med. 2018; 283(6):516-529.
5. Dewa CS, Jacobs P, Thanh NX, et coll. An estimate of the cost of burnout on early retirement and
reduction in clinical hours of practicing physicians in Canada. BMC Health Serv Res. 2014; 14:254.
6. Shanafelt T, Goh J, Sinsky C. The Business Case for Investing in Physician Well-being. JAMA Intern
Med. 2017; 177(12):1826-1832.
7. Barber CE, Jewett L, Badley EM, et coll. Stand Up and Be Counted: Measuring and Mapping the
Rheumatology Workforce in Canada. J Rheumatol. 2017; 44(2):248-257.
8. Gajjar J, Pullen N, Laxer D, et coll. Healing the Healers: System-Level Solutions to Physician Burnout
Recommendations of the Ontario Medical Association Burnout Task Force. Ontario Medical Association.
2018. Disponible à l'adresse : https://www.oma.org/uploadedfiles/oma/media/pagetree/advocacy/health-policy-recommendations/burnout-paper.pdf. Consulté le 3 mars 2023..
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