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Hiver 2023 (Volume 33, numéro 4)

Rapport de la réunion Convergence 2023 de l'ARC

Par Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR

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Cet article vous est présenté par le Journal de la Société canadienne de rhumatologie (JSCR); il ne fait pas l'objet du soutien – et ne provient pas – de l'American College of Rheumatology.

Cette année, la réunion Convergence de l’American College of Rhumatology (ARC) a eu lieu à San Diego, du 10 au 15 novembre 2023. San Diego est une ville très prisée par l’ACR car la dernière réunion, où j’y ai assisté en personne, s’y était aussi déroulée en 2017. Encore cette année, la réunion était offerte dans un format hybride où certaines séances étaient diffusées en direct tandis que d’autres étaient accessible sur demande ou uniquement en personne. Dans l’ensemble, 80 % des participants ont choisi d’y assister en personne et 20 % ont choisi d’y participer virtuellement. Il y avait plus de 240 séances et des milliers de résumés à choisir.

À la demande générale, la salle d’affichage en personne est revenue pour faciliter les échanges et le réseautage. Apparemment, l’affiche la plus intéressante a été celle d’une étude récente de phase 2b du TAK-279 dans le traitement de l’arthrite psoriasique. Malheureusement, l’affiche a été dérobée de son panneau d’affichage et les recherches dans les poubelles, ainsi que sur les images de vidéosurveillance, n’ont pas été fructueuses. Les données elles-mêmes ne sont pas un secret : l’étude a rempli son critère d’évaluation principal et le résumé est disponible en ligne sur le site de l’ACR.

Pour ma part, j’ai choisi d’assister à la séance virtuelle. La connexion était excellente et les problèmes de diffusion étaient plutôt du côté du téléspectateur et non de l’ACR. Les fichiers PDF des diapositives étaient disponibles pour un certain nombre de séances. Pourquoi passer au virtuel? C’est moins coûteux, plus respectueux pour l’environnement, moins de temps perdu au travail, possibilité de faire plusieurs choses à la fois, etc. J’ai pris exemple sur de nombreux animateurs sportifs qui présentent désormais les matchs depuis un studio, à Toronto, au lieu de se déplacer avec l’équipe lors des matchs à l’extérieur. Si c’est assez bien pour Arash Madani et Sharon Fichman, qui ont couvert la victoire historique du Canada dans la Coupe Billie Jean King le même week-end que l’ACR, je peux y arriver aussi. Toutefois, je prévois assister en personne aux assemblées de la SCR et de l’ORA, en 2024, et à celle de l’EULAR qui n’offre plus l’option virtuelle.

La métaconférence permet également de ne rien manquer. J’entends par là les conférences diffusées sur X, LinkedIn, RheumNow, le Cytokine Signalling Forum (CSF) et la couverture venant du comité de l’ACE (Arthritis Consumer Experts) où les séances et les résumés clés y sont analysés et déconstruits. L’ACR publie également des communiqués de presse sur les principales études et tous les résumés sont disponibles en ligne.

Vendredi dernier, j’ai assisté au Global Rheumatology Summit qui s’est déroulé entièrement en ligne. Les séances étaient excellentes, y compris celle sur la rhumatologie et les populations indigènes, à laquelle participait notre collègue, la Dre Cheryl Barnabe. Le samedi, plusieurs activités ont été proposées et le cours de révision fût le plus populaire. Nous sommes passés des maladies oculaires à la polychondrite récidivante, puis à la spondylarthrite et la vascularite. Les conférences étaient variées et très intéressantes.

Les cérémonies d’ouverture ont présenté les lauréats des prix ACR/ARP, notamment les Drs Jorge Sanchez-Guerrero de Toronto (maître ACR) et Catherine Backman de Vancouver (maître ARP). L’animateur principal était également canadien : il s’agissait de l’économiste Avi Goldfarb, du Creative Destruction Lab de l’Université de Toronto. Son exposé sur l’intelligence artificielle (IA) a suscité la curiosité et de l’intérêt. Le coût de la prédiction est en baisse, mais le jugement humain sera toujours nécessaire, à la fois pour décider des règles que l’IA ou le modèle de langage étendu suit et pour décider de ce qu’il faut faire avec les résultats. Il a aussi mentionné que le secteur de la santé est à la traîne dans l’adoption de cette technologie comme c’est le cas pour beaucoup d’autres secteurs (nous essayons toujours de remplacer le télécopieur avec un succès limité). Le Canada est un leader dans la recherche sur l’IA, comme il l’a été pendant des décennies lorsque ce domaine était encore largement ignoré. Amazon en est un autre leader. Si son moteur de prédiction « Recommandé pour vous » continue de s’améliorer, le jour viendra peut-être où Amazon vous enverra ce qu’il pense être votre envie sans que vous ayez à passer de commande parce qu’il sera persuadé que vous voudrez la plupart de ce qu’il vous enverra. Le brevet pour cela date de 2013. Mon seul bémol sur la conférence est qu’elle n’a pas donnée accès à des crédits de FMC sur le Credit Tracker de l’ACR. L’IA a également été présentée lors de la séance du CPC intitulée « My Oh Myositis ».

La réunion a commencé par la populaire séance sur le bilan de l’année. Le Dr Philip Seo, ancien rédacteur en chef de The Rheumatologist, a réalisé l’examen clinique des adultes. Notre collègue, la Dre Marinka Twilt, a dirigé la séance sur bilan de l’année pour la pédiatrie. Il est intéressant de noter que ces deux séances ont mis en évidence la déficience en DOCK11, une maladie rare dont je n’avais jamais entendu parler, qui se caractérise par une actinopathie et un dysfonctionnement immunitaire. Le VEXAS a également été mentionné comme une maladie qui est peut-être plus courante que nous ne le pensions. En effet, le conseil donné lors de plusieurs séances était que, en tant que groupe, les maladies rares ne sont peut-être pas aussi rares que nous le pensons et qu’elles devraient être prises en compte chez les patients présentant une polyarthrite rhumatoïde (PR) séronégative, un lupus avec résultats négatifs pour les anticorps antinucléaires (AAN) (ce qui n’est plus possible avec les nouveaux critères du LES), et d’autres présentations atypiques. Parmi les nombreux points forts de l’année écoulée, nous pouvons citer les nouvelles analyses de la surveillance-ORAL qui a montré que le risque se limite principalement au groupe des plus de 65 ans ayant toujours fumé. De plus, les analyses montrent une augmentation massive de l’arthrose du genou et de l’arthrose en général (les agonistes des récepteurs du GLP-1 changeront-ils la donne?), ainsi que d’autres affections rhumatismales, ce qui prévoit un problème mondial de l’arthrite en 2050. Donc, la sécurité de l’emploi pour les rhumatologues, en 2050, est certaine alors qu’un monde sans émission de gaz à effet de serre ne l’est pas. Les études présentées comprennent LODOCO, MAINRITSAN, SAPHYR et des rapports de cas où la thérapie cellulaire CAR-T a échoué dans la myosite et la sclérose systémique, tandis que la déplétion des cellules T TRBV9+ a fonctionné chez un patient atteint de spondylarthrite ankylosante (SA) qui avait connu un échec de la thérapie du facteur de nécrose tumorale et de la transplantation de cellules souches. Le segment des sciences fondamentales a abordé de nouveaux concepts, dont la ferroptose.

Nous avons aussi assisté à deux grands débats. Celui consacré aux adultes posait la question suivante : « Faut-il traiter la RPM et la CMA avec des thérapies avancées dès l’apparition de la maladie? » Il n’y a pas eu de vote à la fin. Les débatteurs étaient Philip Seo pour le camp du OUI et Robert Spiera pour le camp du NON. D’ailleurs, le Dr Spiera est l’investigateur principal de la récente étude SAPHYR sur le sarimumab dans la polymyalgie rhumatismale réfractaire et son père, le Dr Harry Spiera, est apparemment la première personne à avoir décrit la polymyalgie rhumatismale aux États-Unis. Le grand débat consacré à la pédiatrie a porté sur le thème du « traitement combiné ou traitement d’appoint de l’arthrite juvénile idiopathique ».

Ensuite, les séances plénières ont été marquées par une excellente représentation canadienne. Janet Pope a animé diverses séances orales, dont la séance plénière 2 et les résumés de dernière minute, ainsi que la séance finale de synthèse « Clinical Year in Preview » (pas de panel ici, car c’était le spectacle de Janet Pope, Joan Bathon et Jill Buyon). La Dre Maria Powell a présenté le résumé 726 lors de la séance plénière 1 sur les « Recommandations consensuelles d’experts pour l’enseignement de l’échographie musculo-squelettique dans les programmes canadiens de formation des résidents en rhumatologie ». Apparemment, 40 % de ces programmes ne proposent pas de formation spécifique à l’échographie musculo-squelettique. La Dre Arielle Mendel, de l’Université McGill, a présenté le résumé 1584 intitulé « Effet de la prophylaxie par triméthoprime-sulfaméthoxazole sur les infections au cours du traitement de la granulomatose avec polyangéite par le rituximab : une étude longitudinale ».

J’ai également pris connaissance de l’étude SMART portant sur le traitement de méthotrexate en doses fractionnées (résumé nº 1583). Cette étude a évalué si le méthotrexate (MTX) en doses fractionnées pouvait être plus efficace qu’une dose hebdomadaire unique de MTX. Cet essai contrôlé, à répartition aléatoire, a comparé 253 patients atteints de PR. Certains ont reçu une dose unique de MTX de 25 mg toutes les semaines (n = 128) tandis que d’autres ont reçu une dose fractionnée de MTX (10 mg QAM, 15 mg QPM toutes les semaines; n = 125). Les patients étaient autorisés à ajouter du léflunomide ou de la sulfasalazine à la semaine 16 s’ils présentaient une activité persistante de la maladie. Le critère d’évaluation principal était une bonne réponse EULAR à la 24e semaine, ce qui n’a pas montré de signification statistique. Cependant, à la semaine 16, la dose fractionnée de MTX était supérieure au placebo (DAS28-ESR, ACR20, ACR50, ACR70) et les patients étaient moins susceptibles de devoir ajouter un autre DMARD (35 % contre 54,5 %, p = 0,005). La fréquence des transaminites était plus élevée dans le groupe ayant reçu une dose fractionnée que celui ayant reçu une dose hebdomadaire unique, qui lui, présentait une plus grande fréquence de leucopénie. Les implications pour la pratique : l’administration fractionnée de MTX peut s’avérer plus efficace à un stade précoce que l’administration d’une dose hebdomadaire unique; une surveillance plus étroite des enzymes hépatiques peut s’avérer nécessaire en cas d’administration fractionnée.

Au cours de la réunion Convergence 2023, l’American College of Rheumatology (ACR) a annoncé la nomination de Deborah Dyett Desir, M.D., en tant que 87e présidente du Collège. À ce titre, la Dre Desir est la première femme noire à diriger l’organisation pour sa 90e année d’existence. Aileen Ledingham, PT, MS, Ph. D. est devenue la 58e présidente de l’ARP. La présidente de la Fondation pour la recherche en rhumatologie est désormais Liana Fraenkel, M.D., MPH, diplômée de l’Université McGill, où elle a obtenu sa licence et son diplôme de médecine.

La conférence Daltroy, donnée par la Dre Puja Mehta, portait sur le syndrome de l’imposteur, qui, selon elle, devrait être rebaptisé « injustice testimoniale causée par des préjugés ». En effet, les femmes et les groupes minoritaires sont les plus touchés. « Recruter pour la croissance et non pour l’adaptation » a été un message clé à retenir. Aussi, La conférence du Dr Kaleb Michaud, de l’Association of Rheumatology Professionals (ARP), a été la plus évocatrice et la plus émouvante de toute la réunion de l’ACR. Il a retracé l’histoire de sa vie depuis son diagnostic d’arthrite juvénile idiopathique (AJI) à l’âge de 3 ans. Ceci l’a conduit à être traité par le regretté Dr Fred Wolfe, avec lequel il a fini par s’associer dans la recherche en utilisant de grandes bases de données de médecins et de données rapportées par les patients. La trajectoire pénible de sa maladie me rappel mon parcours professionnel en rhumatologie, avec des thérapies allant de l’aspirine à forte dose et des sels d’or à l’utilisation timide du méthotrexate, puis au succès des produits biologiques et de la chirurgie reconstructive. La disparité entre la perception qu’a le patient concernant l’évolution de sa maladie et son impact par rapport à celle du médecin traitant a été mise en évidence.

L’arthrite la plus courante, c’est-à-dire l’arthrose, n’a pas été oubliée. Cependant, les nouvelles étaient tristement similaires à celles que nous avons déjà entendues. La Dre Tuhina Neogi, une conférencière ayant des liens avec le Canada, a présenté la conférence commémorative de la Rheumatology Research Foundation à la mémoire du Dr Roy Altman – « Arthrose : les avancées du passé éclairent l’avenir ». Ce que nous avons appris : il n’y a pas de percée thérapeutique. La conception des essais est un problème, et nous devrions cesser d’utiliser le terme péjoratif de « thérapie non pharmacologique » pour le remplacer par le terme plus long, mais plus positif, d’« approches physiques, psychosociales et psychocorporelles ». Une autre séance a porté sur « L’arthrose du genou : injecter ou ne pas injecter », avec un panel composé de deux rhumatologues étant favorables aux injections répétées qui sont indiquées comme sûres et efficaces, mais sans impact majeur sur la progression structurelle. Un radiologue, étant aussi membre, a déclaré avoir vu une succession de patients souffrir d’ostéonécrose, d’arthrose rapidement progressive et de fractures d’insuffisance après l’injection. Toutefois, les autres cliniciens ont estimé qu’il ne s’agissait d’événements relativement rares.

L’année prochaine, la réunion Convergence de l’ARC se tiendra à Washington DC, en novembre, peu après les élections américaines. Faites une croix dans vos agendas!

Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR
Rédacteur en chef, JSCR
Scarborough (Ontario)

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