Été 2023 (Volume 33, numéro 2) Chercheuse émergente 2023 de la SCR : Dre Lihi Eder
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Vous disposez d’une vaste expérience en
rhumatologie, avec une formation et une
expertise spécifiques en arthrite psoriasique,
en échographie musculosquelettique et en
maladies cardiovasculaires chez les patients
atteints de rhumatisme. Vous êtes directrice
du programme sur l’arthrite psoriasique au
Women’s College Hospital et codirectrice
du programme de cardio-rhumatologie
(Université de Toronto), un programme
interdisciplinaire qui vise à améliorer la
gestion des morbidités cardiovasculaires
chez les patients atteints de rhumatisme en
développant de nouveaux modèles de soins
et en menant des activités de recherche et
d’éducation. Pouvez-vous nous en dire plus
sur vos recherches et leurs implications?
Mes questions de recherche découlent des
questions qui surgissent lors de mes rencontres
avec les patients dans la clinique. Mon principal
domaine de recherche est le rhumatisme psoriasique, une maladie
fascinante et hétérogène qui soulève de nombreuses questions
non résolues. Je combine la recherche clinique, basée à la fois sur de
grands registres de patients et des données basées sur la population,
avec la recherche translationnelle, utilisant à la fois l’imagerie et les
biomarqueurs de laboratoire pour améliorer notre compréhension
du rhumatisme psoriasique. Plus précisément, mes recherches sur
la transition entre le psoriasis et le rhumatisme psoriasique visent
à améliorer le diagnostic précoce du rhumatisme psoriasique, en
développant de nouveaux outils de prédiction clinique et en utilisant
de manière ciblée l’échographie musculosquelettique. J’utilise
également l’échographie pour améliorer le phénotypage du rhumatisme
psoriasique en intégrant les données d’imagerie aux données
des biomarqueurs de laboratoire. Avec cette combinaison, je cherche
à trouver des moyens de personnaliser la sélection des thérapies
avancées.
Notre réseau de cardio-rhumatologie, le premier du genre au
Canada, permet une collaboration entre rhumatologues et cardiologues.
Notre objectif est d’optimiser la gestion des facteurs
de risque cardiovasculaire chez les patients atteints de maladies
rhumatismales inflammatoires grâce à un dépistage précoce et à
l’utilisation de l’imagerie vasculaire, telle que le score calcique des
artères coronaires, pour identifier les personnes à haut risque. Cela
permet de démarrer des thérapies précoces, telles que les statines,
pour réduire le risque cardiovasculaire. Nous avons vu plus de
400 patients atteints de maladies rhumatismales depuis l’ouverture
de la clinique en 2017, et environ la moitié d’entre eux ont dû commencer
ou modifier leurs traitements après leur visite à la clinique
pour réduire leur risque cardiaque. Nous avons également observé
quelques cas anecdotiques de patients dont les artères coronaires
étaient gravement obstruées et qui ont été identifiés et traités avec
succès à la suite de leurs visites à la clinique. Dans l’ensemble, je
suis satisfaite que mes recherches contribuent à la compréhension
des maladies rhumatismales et qu’elles influencent également les
soins prodigués aux patients.
Vous avez obtenu la Chaire de recherche
du Canada sur les maladies rhumatismales
inflammatoires (2021-2026) pour votre
étude sur les obstacles à l’équité des
soins en rhumatologie, y compris le
rôle du sexe et du genre en tant que
déterminants de l’évolution de la maladie.
Pouvez-vous décrire quelques-uns des
résultats les plus significatifs obtenus
dans ce domaine de recherche?
Il s’agit d’un domaine de recherche récent
qui découle d’une étude que j’ai publiée en
tant que chercheur associé à la Dre Dafna
Gladman. Nous avons constaté que les
femmes atteintes de rhumatisme psoriasique
se portent moins bien que les hommes en
ce qui concerne leur niveau de douleur, leur
fonction physique et leur qualité de vie. Et
ce, même si les patients de sexe masculin ont
tendance à présenter davantage de lésions
articulaires. Nous avons étudié plus récemment des données basées
sur la population et démontré que les femmes souffrant de rhumatisme
psoriasique, de spondylarthrite ankylosante et de polyarthrite
rhumatoïde comptent plus de visites chez le rhumatologue avant
de recevoir un diagnostic de ces maladies. En outre, j’ai analysé les
données d’essais cliniques à répartition aléatoire et j’ai constaté que
les patientes sont moins susceptibles d’atteindre l’état d’activité minimale
de la maladie dans le cas du rhumatisme psoriasique que
les patients masculins. Les mécanismes engendrant ces différences
dans les caractéristiques cliniques et la réponse au traitement ne sont
pas clairs. Je dirige une étude financée par les Instituts de recherche
en santé du Canada (IRSC) et le GRAPPA (Group for Research and
Assessment of Psoriasis and Psoriatic Arthritis) dans 40 sites à travers
le monde, qui tentera de distinguer les facteurs biologiques liés au
sexe, tels que la pharmacocinétique et les facteurs immunitaires,
des facteurs socioculturels liés au sexe, tels que la déclaration de la
douleur et les mécanismes d’adaptation, chez les patients atteints de
rhumatisme psoriasique qui commencent des thérapies avancées.
Nous espérons qu’une meilleure compréhension de ces mécanismes
liés au sexe et au genre nous permettra d’élaborer des approches spécifiques
au sexe et au genre afin d’améliorer les soins prodigués aux
hommes et aux femmes vivant avec le rhumatisme psoriasique.
Y a-t-il d’autres domaines d’intérêt que
vous voudriez approfondir un jour?
J’espère étudier le rôle de l’obésité dans le rhumatisme psoriasique,
car je pense qu’elle a une influence majeure sur la susceptibilité à
la maladie, son évolution et la réponse au traitement. Mon groupe
mène un essai clinique à répartition aléatoire qui étudie le rôle de la
modification du régime alimentaire en tant que traitement auxiliaire
du rhumatisme psoriasique. J’espère étudier de plus près le recours
à des interventions comportementales et pharmacologiques visant à
améliorer les habitudes alimentaires et à réduire le poids en tant que
moyens de gestion du rhumatisme psoriasique, en particulier chez
les personnes ne parvenant pas à obtenir des résultats optimaux.
La Dre Lihi Eder reçoit son prix des mains du président de la SCR, le
Dr Nigil Haroon, lors de l'Assemblée scientifique annuelle de la SCR
à Québec, qui a eu lieu en février 2023.
Vos travaux de recherche ont donné lieu à plus de
140 publications dans des revues médicales, des chapitres
de livres et des éditoriaux évalués par des pairs. Vous êtes
fréquemment invité à présenter les résultats de vos études
lors de conférences nationales et internationales dans les
domaines de la rhumatologie, de la dermatologie et de la
cardiologie. Vous êtes membre élu du comité directeur du
GRAPPA et président de la Société pour l’ultrasonographie
en rhumatologie au Canada. En tant qu’expert reconnu en
rhumatologie, vous avez reçu le Prix du chercheur émergent
de la Société de l’arthrite (2016) et le Prix des premières
recherches du ministère de la Recherche, de l’Innovation et
des Sciences de l’Ontario (2018). Sur le plan professionnel,
quelle est la réussite dont vous êtes le plus fière à ce jour?
Je suis fière de tous ces prix et réalisations; il est très difficile de n’en
choisir qu’un seul, car ils sont intervenus à différents stades de ma
carrière et ont tous été importants. Ils me rappellent surtout de faire
une pause, de respirer profondément et de reconnaître la chance que
j’ai d’être payé pour faire quelque chose que j’aime autant.
Quels moments forts avez-vous vécus jusqu’à
maintenant dans votre carrière? Quels défis avez-vous
dû surmonter? Quels moyens avez-vous dû prendre?
Mon parcours professionnel a été long et quelque peu imprévu.
J’étais boursière internationale, je n’avais pas l’intention de devenir
scientifique. J’ai passé plus de six ans à suivre une formation doctorale
et postdoctorale. Déménager avec deux bébés à Toronto, retourner
en Israël, puis revenir à Toronto n’a pas été facile, d’autant
plus que toute notre famille élargie vivait de l’autre côté du globe.
Cependant, je ne regrette aucun des choix que j’ai faits.
J’ai toujours aimé voyager et le fait d’être scientifique m’a
donné l’occasion de visiter de nombreux nouveaux endroits et de
rencontrer des gens de différents pays, dont beaucoup sont devenus
de bons amis. C’est sans aucun doute l’un des points forts de
mon travail. J’apprécie également le fait de pouvoir changer les
choses grâce à mes recherches. Étudier les questions cliniques qui
se posent lors de mes rencontres avec les patients et être en mesure
de leur apporter des réponses par le biais de mes recherches, tout en
influençant le domaine, représente un énorme avantage.
Quelle a été votre première pensée lorsque vous
avez appris que vous remportiez ce prix?
C’est formidable de recevoir une telle reconnaissance de la part de
la SCR. Ce prix revêt une grande importance pour moi car il émane
de mes pairs, de la communauté de la rhumatologie au Canada. Je
me sens très honorée.
Quel conseil donneriez-vous aux personnes qui désirent se
spécialiser en rhumatologie et poursuivre une carrière en
recherche? Avez-vous eu des mentors importants qui vous
ont soutenu dans votre parcours professionnel? Si oui, quels
sont les principaux enseignements que vous en avez tirés?
Mon meilleur conseil est de garder l’esprit ouvert, d’explorer différentes
options de carrière et de ne pas se laisser décourager par la
durée de la formation requise pour devenir scientifique. J’ai eu de
très bons mentors qui ont soutenu ma carrière et qui continuent
de le faire. L’un de mes mentors m’a donné un conseil essentiel :
travaillez toujours avec des personnes qui peuvent vous apprendre
quelque chose que vous ne savez pas.
Si vous ne meniez pas une carrière en
recherche, que feriez-vous?
Je serais vétérinaire. C’était mon rêve d’enfant.
Si vos journées comptaient une heure de plus,
comment l’utiliseriez-vous?
Dormir une heure de plus le matin.
Vous êtes coincée sur une île déserte.
Quel livre aimeriez-vous avoir avec vous?
Une histoire d’amour et de ténèbres d’Amos Oz. Un roman israélien
que je recommande.
Quelle est votre nourriture ou cuisine préférée?
En général, je ne refuse aucun type de dessert au chocolat.
Quelle est votre destination de vacances de rêve?
Tout endroit où il fait chaud, où il y a une plage de sable et où on
mange bien.
Combien de tasses de café vous faut-il pour
avoir une journée productive?
Pas plus de deux.
Lihi Eder, M. D., Ph. D.
Chaire de recherche du Canada de niveau 2
en maladies rhumatismales inflammatoires
Professeur agrégé de médecine,
Université de Toronto
Women’s College Research Institute,
Women’s College Hospital
Toronto (Ontario)
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