Été 2023 (Volume 33, numéro 2)
Chercheur émérite 2023 de la SCR : Dr Murray Baron
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Quelle a été votre première
pensée lorsque vous avez appris
que vous remportiez ce prix?
Je dois dire que les sentiments ressentis à l’obtention
d’un tel prix sont très variés. C’est grand
honneur et je suis profondément satisfait et fier
que mon travail de recherche ait été reconnu.
D’un autre côté, et je suppose que d’autres ont
déjà ressenti la même chose, il s’agit d’un prix
que je n’aurais jamais cherché à obtenir de moimême
et qui me laisse un peu le sentiment que
je ne le mérite peut-être pas vraiment.
Néanmoins, ce prix représente peut-être
également une reconnaissance de mon leadership
au sein d’un groupe de personnes très
talentueuses avec lesquelles j’ai travaillé au
cours de ces 20 dernières années. Le Groupe
de recherche canadien sur la sclérodermie a vu
le jour lors d’une réunion de la Société canadienne
de rhumatologie (SCR) à Québec, il y a 20 ans. Je ne me
souviens pas exactement de tous les participants, mais de nombreux
rhumatologues chargés du recrutement des patients et de l’enregistrement
des données étaient présents, notamment Sharon LeClercq,
Janet Markland, Janet Pope, David Robinson, Doug Smith, Maysan
Abu-Hakima, Peter Docherty, Elzbieta Kaminska, Niall Jones, Evelyn
Sutton, Marie Hudson et Nadir Khalidi. Alena Ikic, Ariel Masetto,
Geneviève Gyger, Maggie Larché, et peut-être d’autres personnes que
j’ai malheureusement oubliées, et je m’en excuse, nous ont rejoints
dans les années qui ont suivi. Et, bien sûr, Marv Fritzler, qui a effectué
tous nos tests d’anticorps, stocké tous nos sérums et prodigué des
conseils inestimables pendant de nombreuses années.
Et les plus de 1 600 patients qui ont fait don de leur temps, de
leurs données personnelles et de leurs échantillons biologiques, sans
lesquels cette recherche n’aurait jamais pu être menée à bien.
C’est donc au nom d’un large groupe que j’ai accepté cette magnifique
récompense.
Pourquoi êtes-vous devenu rhumatologue?
Quels sont les facteurs ou quelles sont les personnes
qui vous ont inspiré à entreprendre cette carrière?
Lorsque j’ai effectué mon internat par rotation à l’Hôpital général
juif de Montréal en 1972, le chef des internes en médecine, le Dr Howard
Stein, qui était aussi un de mes amis, s’est orienté vers la rhumatologie
et a intégré le personnel de l’Hôpital St-Paul de Vancouver
lorsque j’y ai effectué mon internat en médecine interne en 1975. J’ai
participé à ses consultations et j’ai effectué une rotation de trois mois
au sein du G.F. Strong Rehabilitation Centre. J’ai été impressionné
par les compétences cliniques requises en rhumatologie et par les aspects
académiques des avancées dans le domaine des maladies rhumatismales,
et j’ai décidé d’en faire mon domaine de spécialisation.
Selon vous, quelles sont les qualités d’un chercheur émérite?
C’est une question piège! Je pense que tous les chercheurs sont motivés
par la création de nouvelles connaissances. Pour mes recherches et
celles de mes collègues, l’idée de pouvoir créer une base de données
d’informations sur les patients et d’être enfin
en mesure d’interroger toutes ces données et
d’obtenir de nouvelles informations sur une
maladie grave, mais rare, était tout simplement
passionnante. Il s’agissait d’une situation
de type « construisez, l’usage viendra tout
seul ». Des questions auxquelles nous n’avions
jamais pensé lorsque nous avons créé notre registre
nous sont venues à l’esprit lorsque nous
avons étudié les données.
En 1982, vous avez créé une unité
d’hospitalisation pour les maladies
rhumatismales à l’Hôpital juif de
réadaptation, afin d’offrir des soins
multidisciplinaires aux patients. Cette
unité a été fermée il y a une vingtaine
d’années, lorsque des médicaments
biologiques ont été mis sur le
marché pour traiter la polyarthrite rhumatoïde, améliorant
considérablement la santé et le bien-être des patients.
Depuis, la recherche est devenue un élément important
de votre contribution à la médecine, et vous avez créé le
Groupe de recherche canadien sur la sclérodermie (GRCS) en
2003. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces recherches?
Les recherches du GRCS sont multidimensionnelles, mais essentiellement
cliniques, bien que nous ayons collaboré avec plusieurs
laboratoires travaillant sur des biopsies de sérum et de peau. Au
départ, notre travail s’est concentré sur les problèmes fonctionnels
et de qualité de vie de nos patients. Nous avons démontré que nos
patients souffraient de conséquences très graves de leur maladie,
qui pouvaient être mesurées de manière fiable. Cela a permis de
déterminer si la fonction et la qualité de vie pouvaient être améliorées
par des essais interventionnels. Nous nous sommes concentrés
sur les mesures de résultats de cette maladie. En collaboration avec
des collègues australiens, nous avons mis au point une méthode
permettant d’évaluer l’accumulation des lésions organiques au fil
du temps et nous travaillons actuellement avec ces mêmes collègues
sur une mesure de l’activité de la maladie. Nos données
ont également été utilisées dans le développement d’un nouveau
critère d’évaluation, l’indice composite provisoire pour les essais
cliniques sur la sclérose systémique cutanée diffuse et précoce (Provisional
Composite Response Index for Clinical Trials in Early Diffuse
Cutaneous Systemic Sclerosis [CRISS]), qui est actuellement utilisé
dans les essais de médicaments pour la sclérodermie généralisée et
dans le développement de nouveaux critères de classification pour
la sclérodermie généralisée. Trois des quatre membres du comité
central étaient des Canadiens, dont moi-même. Nous travaillons
également sur une mesure de la sévérité de l’atteinte cardiaque dans
la sclérodermie généralisée et nous avons également étudié la fiabilité
et la validité d’autres mesures de résultats.
Le Dr Murray Baron reçoit son prix des mains du président de la
SCR, le Dr Nigil Haroon, lors de l'Assemblée scientifique annuelle de
la SCR à Québec, qui a eu lieu en février 2023.
Y a-t-il d’autres domaines d’intérêt que vous voudriez
approfondir un jour? Quels projets entreprendrez-vous
dans un avenir proche?
Nous sommes très intéressés par un travail plus approfondi sur l’indice
de lésions que nous avons créé et sur le nouvel indice d’activité
en cours de développement. Nous avons également lancé un vaste
projet pour tenter de mieux prédire l’évolution de la maladie pulmonaire
dans la sclérodermie généralisée, qui sera essentiel pour
concevoir efficacement des d’essais cliniques de thérapies pour cette
affection, cause majeure de morbidité et de mortalité dans la sclérodermie
généralisée. Une partie de ce travail a consisté à collecter des
centaines d’examens de tomodensitométrie pulmonaire effectués sur
nos patients dans tout le Canada au cours de ces 20 dernières années.
Nous espérons pouvoir utiliser l’intelligence artificielle pour lire ces
examens et mieux comprendre les variables associées à l’aggravation
de la maladie pulmonaire au fil du temps.
Vous avez également été président du Scleroderma Clinical
Trials Consortium (SCTC) qui représente la plupart des
chercheurs en sclérodermie dans le monde. Vous avez
transformé ce groupe en une nouvelle organisation
dynamique avec de nombreux groupes de travail effectuant
des recherches visant à améliorer l’efficacité des essais
cliniques sur la sclérodermie. Vous êtes maintenant membre
exécutif de l’organisation et vous dirigez deux des groupes
de travail. En outre, vous présidez un sous-comité qui travaille
sur un livre blanc destiné aux organismes de réglementation,
y compris la FDA, qui formulera des recommandations
sur les mesures des résultats des essais thérapeutiques
sur la sclérodermie. Quel est le défi organisationnel et
professionnel le plus important auquel vous avez été
confronté, et comment êtes-vous parvenu à le surmonter?
La participation aux activités du SCTC a été l’un des moments les plus
forts de ma carrière de chercheur. L’organisation a financé des projets
visant à améliorer l’efficacité des essais cliniques. Si vous ne pouvez pas
bien le mesurer, vous ne pouvez pas l’étudier. Telle pourrait être la devise
du SCTC. La difficulté a été de trouver les fonds nécessaires pour soutenir
ces projets de recherche. J’ai créé une table ronde SCTC-PHARMA
qui a permis de collecter des fonds importants auprès des entreprises
pharmaceutiques, ce qui a aidé le SCTC à soutenir ce type de recherche.
Je suis très heureux d’avoir contribué à cela.
Quels sont les aspects les plus gratifiants de votre
expérience dans le domaine de la rhumatologie
et quels sont les aspects les plus difficiles?
Les aspects gratifiants : contribuer à améliorer la qualité de vie de nos
patients et avoir été présent lors de la transition de médicaments médiocres
comme les injections d’or vers les produits biologiques très
efficaces. Les aspects difficiles : la lenteur des progrès dans le traitement
des maladies non inflammatoires comme l’arthrose. Ces maladies
représentent un pourcentage très élevé des maladies rhumatismales et
sont responsables de la majeure partie de la morbidité dont souffrent
nos patients. Au cours de mes 40 années de pratique clinique, je n’ai pas
l’impression que nous ayons fait des progrès majeurs dans le traitement
de ces affections. Heureusement, de nombreux chercheurs hautement
qualifiés travaillent sur l’arthrose au Canada et à l’étranger et contribueront,
espérons-le, à améliorer la situation.
Quelle est la réalisation dont vous êtes le plus fier?
La création du GRCS et la collaboration avec de nombreux contributeurs
au Canada et à l’étranger.
Quel conseil donneriez-vous à une personne qui souhaite
mener une carrière de rhumatologue universitaire?
Lancez-vous! Le Canada est l’endroit idéal pour effectuer ce type de
travail, car notre travail repose sur une importante tradition de collaboration
qui n’existe pas dans tous les pays. Il est fondamentalement
important que les jeunes chercheurs potentiels comprennent que la
recherche est amusante et passionnante. La création de connaissances
est différente de ce qui nous est enseigné à l’école de médecine. Nous
y apprenons à utiliser nos connaissances. Je peux donc comprendre
qu’il est difficile pour un stagiaire ayant consacré de nombreuses années
à apprendre l’utilisation des connaissances à passer à la création
de connaissances. Essayez et relevez le défi, car les résultats sont très
gratifiants!
Quel est votre livre préféré de tous les temps?
Je suis en train d’écouter Demon Copperhead de Barbara Kingsolver
et c’est formidable. Je ne suis pas sûr d’avoir un seul livre préféré. Je
me rends au travail à pied et j’écoute des livres sur le chemin. À la
maison, je le fais à l’ancienne, je lis.
Quelle est votre nourriture ou cuisine préférée?
Tout ce que ma femme cuisine. Elle est une excellente cuisinière. Je
ne le dis pas juste au cas où elle lirait ceci. C’est vrai.
Quelle est votre destination de vacances de rêve?
Un endroit où les températures ne sont pas trop élevées, où le ciel
est dégagé tous les jours et où je peux jouer au golf pendant que ma
femme joue au tennis.
Combien de tasses de café vous faut-il
pour avoir une journée productive?
Aucune. Mais j’ai besoin d’un Pepsi Zero une fois par jour, alors je
suppose que cela couvre mes besoins en caféine.
Murray Baron, M.D., FRCPC
Chercheur principal, Lady Davis Institute
Division de rhumatologie de l’Hôpital général juif
Ancien directeur du Groupe canadien de recherche sur la sclérodermie
Professeur de médecine, Université McGill
Montréal (Québec)
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