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Automne 2022 (Volume 32, numéro 3)

Still’s Got That Fever : la maladie de Still de l’adulte se manifestant par une fièvre d’origine inconnue

Par Ming K. Li, B.H. Sc., Calandra Li, M. Sc.,
Anas Makhzoum, M.D. et Rohan Philip, M.D.

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Résumé :Still’s Got That Fever est un rapport de cas d’une patiente dans la soixantaine, qui s’est présentée alors qu’elle souffrait depuis deux semaines de fièvres, d’arthralgies diffuses et d’éruptions cutanées de couleur saumon. Compte tenu de la rareté de cette maladie, il a fallu attendre près d’une semaine après son admission pour que le diagnostic de la maladie de Still de l’adulte (MSA) soit posé comme cause de sa fièvre d’origine inconnue. Ce cas souligne l’importance des critères de Yamaguchi, qui demeurent la norme pour poser le diagnostic, un diagnostic clinique. Notre patiente a subi des examens approfondis pour exclure d’autres causes infectieuses, malignes et auto-immunes. En outre, le syndrome d’activation des macrophages (SAM) est une complication potentiellement mortelle de la MSA que les cliniciens doivent connaître. L’examen de référence pour exclure le SAM est la biopsie de la moelle osseuse, qui révèlerait une hémophagocytose. Notre patiente ne présentait pas de SAM; elle a été traitée par des stéroïdes et a montré une réponse clinique immédiate. Nous proposons d’autres options pour le traitement de la MSA en fonction de la gravité de la maladie, notamment le méthotrexate et les agents biologiques.

Points clés :

  • La MSA est une maladie inflammatoire rare, dont le diagnostic est établi sur des bases cliniques, qui se manifeste par des symptômes comprenant de fortes fièvres, des arthralgies et une éruption maculopapulaire.
  • Les investigations doivent inclure un bilan infectieux et inflammatoire, qui montre généralement une élévation de la VSHa, de la PCRb et de la ferritine, mais des hémocultures, des taux d’ANAc et un FRd négatifs.
  • Le SAM est une importante complication potentiellement mortelle rarement associée à la MSA. Il se présente également avec de fortes fièvres, une ferritinémie élevée et des résultats anormaux aux épreuves d’enzymes hépatiques, mais il peut évoluer vers des cytopénies profondes et un dysfonctionnement hépatique. Une biopsie de la moelle osseuse est le meilleur moyen d’exclure le SAM.
  • Les stéroïdes sont le pilier du traitement dans les cas modérés de la maladie (habituellement 0,5 à 1 mg/kg/jour). Cependant, les stéroïdes pulsés, le méthotrexate et les biothérapies peuvent être envisagés dans les cas plus sévères ou résistants.

Présentation du cas :
Une femme de 64 ans, par ailleurs en bonne santé, s’est présentée alors qu’elle souffrait depuis deux semaines de fièvres récurrentes (température maximale de 40,0 °C), de frissons, d’otalgie bilatérale, de maux de gorge, d’éruption cutanée généralisée, d’arthralgies et de myalgies migratoires, et de diarrhée non sanglante. Son examen à l’admission a révélé une fièvre (38,8 °C), des ganglions cervicaux antérieurs mobiles et sensibles de 0,5 cm, et des plaques d’éruptions prurigineuses sur le tronc antérieur, ainsi que sur les deux cuisses et les deux bras. Avec le temps, ses douleurs d’oreille et son mal de gorge se sont résorbés, mais elle a continué à avoir des fièvres quotidiennes à résolution spontanée et des arthralgies, et elle a commencé à manifester une éruption cutanée de couleur saumon.

Ses examens ont révélé une élévation de la ferritine, de la VSH et de la PCR le cinquième jour de son hospitalisation, ainsi que des signes d’arthrite inflammatoire aux poignets, aux coudes et aux genoux. Son bilan infectieux, y compris les pancultures et la TDMe, n’a révélé aucune source d’infection, et ses épreuves des marqueurs rhumatologiques (ANA, ENAf, ANCAg, facteur rhumatoïde, anti-CCPh, étude du complément) étaient toutes normales. La biopsie de la moelle osseuse était normale. D’un point de vue clinique, on lui a diagnostiqué une maladie de Still et instauré un traitement par la prednisone, ce qui a entraîné une amélioration de ses symptômes et des marqueurs inflammatoires. Elle est sortie de l’hôpital dans un état stable sous prednisone avec un suivi rhumatologique ambulatoire. Lors de son suivi à huit semaines, ses symptômes étaient encore bien maîtrisés et le méthotrexate a été ajouté comme agent d’épargne stéroïdienne.

Manifestations cliniques
Les patients atteints de la MSA présentent une multitude de symptômes, les plus courants étant des arthralgies/arthrites sévères, des fièvres et des éruptions subaiguës1. C’est une maladie rare dont l’incidence est de
1/625 0002. Dans environ 70 % des cas, comme dans le cas de notre patiente, les patients présentent un mal de gorge prodromique avant la manifestation des symptômes de MSA3. Il existe une distribution bimodale de l’âge (maximas entre 15 et 25 et entre 36 et 46), bien que notre patiente ait été asymptomatique jusqu’à la soixantaine, ce qui est une présentation tardive par rapport aux âges typiques d’apparition de la maladie1.

Les fièvres qui accompagnent la MSA sont généralement quotidiennes,
> 39 °C, et se résolvent spontanément dans les 2 à 4 heures4. Une minorité de patients (< 20 %) ont des fièvres deux fois par jour avec une deuxième poussée de fièvre dans la journée4. Les patients ont tendance à se sentir très mal pendant ces poussées de fièvre. Compte tenu de ces fièvres, de nombreux patients subissent un bilan d’épreuves à la recherche de causes infectieuses, qui de révèle négatif, et ne répondent pas aux antibiotiques.

L’atteinte articulaire chez les patients atteints de MSA peut commencer par une ou quelques articulations, puis évolue le plus souvent pour devenir polyarticulaire, touchant à la fois les petites et les grandes articulations5. L’arthrocentèse révèle généralement une arthrite inflammatoire. Notre patiente présentait des arthralgies bilatérales du genou, du poignet et du coude. Nous n’avons pas procédé à l’arthrocentèse étant donné l’amélioration de son état sous stéroïdes et notre niveau de certitude diagnostique.

Les éruptions cutanées sont très fréquentes chez les personnes atteintes de MSA. Elles sont décrites de manière caractéristique comme des éruptions non prurigineuses de couleur saumon généralement présentes sur le tronc, les bras ou les jambes5. Chez certains patients, cette éruption ne se manifeste que pendant les fièvres4. Notre patiente présentait effectivement une éruption de couleur saumon, mais elle était assez prurigineuse, nécessitant des lotions topiques puissantes, et persistait pendant les périodes afébriles.

Diagnostic
La MSA est avant tout un diagnostic clinique, et un diagnostic différentiel exhaustif doit toujours être envisagé, étant donné la multitude de symptômes non spécifiques. Il n’existe pas d’examen permettant de confirmer qu’il s’agit bien de la MSA, mais la présentation clinique et les résultats de laboratoire doivent être utilisés conjointement pour poser le diagnostic. Il s’agit généralement d’un diagnostic d’exclusion. Les critères de Yamaguchi, décrits pour la première fois en 1992, ont une sensibilité de 96,2 % et une spécificité de 92,1 %2. Un diagnostic de MSA requiert ≥ 5 critères (≥ 2 critères majeurs) et l’absence de critères d’exclusion. Les critères sont présentés au Tableau 1, les critères majeurs comprenant une fièvre ≥ 1 semaine, des arthralgies ≥ 2 semaines, une éruption cutanée non prurigineuse caractéristique et une leucocytose correspondant à ≥ 10 000/mm3(2). Notre patiente répondait à 3 critères majeurs et 3 critères mineurs.

En cas de suspicion d’une MSA, les examens importants sont les suivants : FSCi, enzymes hépatiques, VSH, PCR, ferritine, ANA et FR4. Un bilan infectieux comprenant des pancultures doit être réalisé pour exclure les maladies infectieuses. Comme le montre le cas de notre patiente, les patients présentent généralement une numération leucocytaire, une ferritinémie, une VSH et des taux de PCR élevés, mais des résultats négatifs aux épreuves d’ANA et de FR. Il n’y avait aucun signe clinique d’une autre maladie rhumatologique. Enfin, sa TDM intégrale n’a montré aucun signe d’affection maligne. Elle ne répondait donc à aucun des critères d’exclusion.

La MSA n’est généralement pas une maladie qui met la vie des patients en danger. Cependant, le SAM est une complication rare potentiellement mortelle et dont les médecins doivent être conscients. Ces patients présentent une forte fièvre, une ferritinémie élevée et des résultats anormaux aux épreuves d’enzymes hépatiques. De plus, leur état peut se détériorer rapidement. Une biopsie de la moelle osseuse montrerait une hémophagocytose, et devrait être fortement envisagée pour exclure cette complication potentiellement mortelle4. La biopsie de notre patiente était normale.


Traitement
Étant donné que la MSA est assez rare, le traitement est extrapolé à partir d’autres affections auto-immunes telles que la polyarthrite rhumatoïde (PR) et le lupus érythémateux disséminé (LED). La prise en charge de la MSA dépend de la gravité de la maladie, les stéroïdes constituant le pilier du traitement6.

Comme il n’existe pas d’outil de pronostic bien validé pour la MSA, les objectifs du traitement visent à maîtriser les signes inflammatoires, les symptômes et les indices de laboratoire4. Une maladie légère à modérée, définie par des symptômes non invalidants, peut être traitée initialement par des AINSj et des glucocorticoïdes. Selon la gravité de la maladie et l’évaluation individuelle du patient, les doses initiales de glucocorticoïdes, comme la prednisone, peuvent aller de 0,5 mg/kg/jour à 1 mg/kg/jour.

La maladie modérée à sévère, caractérisée par des symptômes débilitants persistants, peut nécessiter l’ajout d’un agent biologique, comme l’anakinra, ou d’autres inhibiteurs de l’interleukine-1. L’anakinra a montré son efficacité en monothérapie en début de maladie et pour prévenir l’arthrite chronique et l’inflammation par la suite7. À ce stade, un traitement d’association avec des glucocorticoïdes peut être nécessaire pour maîtriser les symptômes. En outre, les ARMMk, tels que le méthotrexate, peuvent être instaurés lorsque les symptômes persistent plus de deux semaines, ou en tant qu’adjuvants à long terme de la corticothérapie dégressive. Le méthotrexate peut être utilisé pendant 3 à 6 mois après l’arrêt des stéroïdes.

Conclusion
Compte tenu de sa rareté et de ses symptômes non spécifiques, la MSA est une maladie inflammatoire systémique qui peut être difficile à diagnostiquer et à traiter. Ses caractéristiques (poussées de fièvre, arthrite, éruption cutanée et ferritinémie élevée) peuvent échapper aux cliniciens. Ce rapport souligne l’importance de reconnaître la MSA afin d’instaurer un traitement précoce, et la nécessité de poursuivre les recherches pour optimiser les options thérapeutiques.


Remerciements : Les auteurs tiennent à remercier la Dre Melissa Sergi, le Dr Gregory Gaisano et le Dr Vlad Dragan pour leur participation au sein de l’équipe médicale. Nous tenons à remercier notre patiente pour avoir donné son consentement à faire l’objet de ce rapport de cas clinique.

Ming K. Li, B.H. Sc.
Faculté de médecine Temerty, Université de Toronto, Toronto (Ontario)

Calandra Li, B. Sc.
Faculté de médecine Temerty, Université de Toronto, Toronto (Ontario)

Anas Makhzoum, M.D.
Division de rhumatologie, Trillium Health Partners,
Mississauga (Ontario)

Rohan Philip, M.D.
Médecine interne générale, Hôpital général de Toronto,
Université de Toronto
Toronto (Ontario)

Glossaire :

a. VSH : vitesse de sédimentation des hématies
b. PCR : protéine C réactive
c. ANA : anticorps antinucléaires
d. FR : facteur rhumatoïde
e. TDM : tomodensitométrie
f. ENA : antigène nucléaire soluble
g. ANCA : anticorps antineutrophiles cytoplasmiques
h. anti-CCP : anticorps antipeptides cycliques citrullinés
i. FSC : formule sanguine complète
j. AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens
k. ARMM : médicaments antirhumatismaux modificateurs de la maladie

Références :

1. Yamaguchi M, Ohta A, Tsunematsu T, et coll. Preliminary criteria for classification of adult Still's disease. J Rheumatol. 1992 Mar 1; 19(3):424-30.

2. Magadur-Joly G, Billaud E, Barrier JH, Epidemiology of adult Still's disease: estimate of the incidence by a retrospective study in west France. Ann Rheum Dis. 1995 Jul; 54(7):587-90.

3. Gerfaud-Valentin M, Jamilloux Y, Iwaz J, et coll. Adult-onset Still's disease. Autoimmunity reviews. 2014 Jul 1; 13(7):708-22.

4. Giacomelli R, Ruscitti P, Shoenfeld Y. A comprehensive review on adult onset Still's disease. J Autoimmun. 2018 Sep; 93:24-36.

5. Kadavath S, Efthimiou P. Adult-onset Still's disease—pathogenesis, clinical manifestations, and new treatment options. Ann Med. 2015 Feb; 47(1):6-14.

6. Pouchot J, Sampalis JS, Beaudet F, et coll. Adult Still's disease: manifestations, disease course, and outcome in 62 patients. Medicine (Baltimore). 1991 Mar; 70(2):118-36.

7. Franchini S, Dagna L, Salvo F, et coll. Efficacy of traditional and biologic agents in different clinical phenotypes of adult-onset still's disease. Arthritis Rheum. 2010 Aug; 62(8):2530-5.

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