Automne 2021 (volume 31, numéro 3)
La pratique accueillante Créer un environnement qui favorise la sécurisation
culturelle des patients autochtones
Par Cheryl Barnabe, M.D., FRCPC, M. Sc.
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C’est un privilège de notre spécialité que
de mener un accompagnement longitudinal
des patients de notre cabinet, et
je pense que nous sommes tous adeptes des
techniques de communication qui permettent
d’entretenir et de maintenir ces relations. Les
sessions de l’initiative de la Société canadienne
de rhumatologie sur la santé des Autochtones
sont consacrées à la discussion et à la mise en
place de méthodes de communication pour nos
interactions avec les membres des communautés
autochtones. Ces méthodes sont nécessaires
pour rétablir la confiance dans les systèmes de
santé et les prestataires de soins occidentaux, car les patients
autochtones se sont longtemps sentis punis de recourir à des
pratiques de santé traditionnelles; ils ont subi des préjudices
dans les pensionnats et les hôpitaux indiens, et continuent d’être
confrontés au racisme dans les systèmes de santé. Voici quelques
suggestions que nous transmettons pendant les sessions quant
aux moyens de créer un environnement clinique culturellement
sécurisant pour les soins aux patients autochtones. (Si vous avez
d’autres idées, veuillez m’envoyer un courriel, et nous les inclurons
dans nos documents pédagogiques.)
Préparation personnelle et du personnel : Les sources des
inégalités auxquelles les peuples autochtones sont confrontés
dans la société et leurs conséquences sont complexes, et il faut
du temps pour les comprendre. Progressez dans votre apprentissage
personnel et offrez à votre personnel la possibilité de le
faire également. Sachez que la désinformation et la déformation
des faits est une stratégie utilisée par les gouvernements
et les sociétés coloniales pour conserver leurs privilèges; choisissez
donc vos ressources pédagogiques avec discernement.
Commencez à utiliser des questions sans jugement dans vos
interactions cliniques, afin qu’elles deviennent votre approche
par défaut. Par exemple, au lieu de demander « Prenez-vous vos
médicaments régulièrement? », vous pourriez demander « Y
a-t-il des circonstances qui vous ont empêché de prendre vos
médicaments régulièrement? ». Informez-vous sur les ressources
existantes qui pourraient aider les membres de la communauté
autochtone à gérer leur maladie rhumatismale, comme les services
de santé locaux, ou le moyen de les mettre en lien avec les
pratiques de guérison traditionnelles s’ils le demandent. Repérez
les collègues d’autres spécialités qui ont de l’expérience dans
la prise en charge de patients autochtones, de façon à pouvoir
vous adresser à eux de préférence lorsque cela est indiqué.
Prise de rendez-vous et notification : Demandez à votre
personnel de réunir plusieurs moyens de prendre contact avec
les patients pour les informer de leurs rendez-vous, et prévenez-
en également le prestataire de soins primaires – En raison
de ressources limitées, les patients autochtones peuvent ne pas
avoir accès aux moyens de communication que nous considérons
comme évidents. Les heures et jours de
rendez-vous peuvent devoir s’aligner sur les
modalités de transport du patient plutôt que
sur les préférences horaires du rhumatologue.
Il est important de prendre un rendez-vous
d’une durée appropriée pour permettre la
conversation et l’établissement d’une relation
qui mène à la confiance. Vous pouvez proposer
des rendez-vous téléphoniques ou virtuels aux
patients plutôt que de compter uniquement
sur des examens en personne. Envisagez également
de proposer une option de consultation
sans rendez-vous en cas de problème urgent.
Les frais de rendez-vous manqués doivent être supprimés, et les
patients ne doivent pas être renvoyés du cabinet pour un rendez-vous manqué. Ces méthodes ne feront que décourager un
patient de revenir dans votre cabinet. Prenez plutôt l’initiative
de communiquer avec le prestataire de soins primaires, qui peut
être en mesure de fournir la raison du rendez-vous manqué et
pourrait assurer le lien en matière de soins jusqu’à ce qu’un
nouveau rendez-vous soit fixé.
Environnement de la clinique : Garantissez un confort et
de l’espace pour le patient et les éventuels membres de sa famille
ou amis qui l’accompagnent. La norme culturelle veut que
la famille et les amis soutiennent les personnes malades, et ils
faciliteront la visite en complétant l’examen des symptômes et en
aidant à prendre les décisions relatives au traitement. Certains
participants à l’initiative de la SCR sur la santé des Autochtones
ont expliqué avoir exposé des oeuvres d’art achetées à des artistes
autochtones locaux afin de témoigner leur soutien à la
communauté.
Votre approche : Soyez vigilant au langage corporel et aux
actions qui sont signe d’autorité. Il est préférable de ne pas porter
votre blouse blanche et de vous assurer d’être assis lorsque
vous parlez avec le patient (et de régler votre chaise un peu plus
bas que le siège du patient). Acceptez s’ils refusent la présence
d’un étudiant dans la salle. Préparez-vous à la première visite
du patient, à en apprendre davantage sur lui, et à lui proposer
d’en dire un peu sur vous-même avant de passer à la raison de
la visite. Bien que nous soyons tous soumis à des contraintes de
temps dans nos pratiques, ces quelques minutes sont essentielles
pour instaurer la confiance dans les soins longitudinaux. Au moment
de l’examen physique, expliquez d’abord ce que vous allez
faire et pourquoi, et demandez la permission avant de procéder.
Tenez vos promesses de les mettre en lien avec des ressources.
Si quelque chose ne va pas : L’humilité culturelle va au-delà
de la simple compréhension ou connaissance d’une culture ou
de ses normes; elle comprend des éléments de réflexion personnelle
sur nos interactions avec les patients autochtones, et une
croissance longitudinale en apprenant grâce à eux. Soyez attentif
au langage corporel du patient, et si vous percevez une tension
ou une gêne, arrêtez-vous et cherchez à comprendre. Demandez
respectueusement si vous avez fait quelque chose qui a offensé
la personne. Écoutez attentivement, présentez des excuses au
besoin, et engagez-vous à tirer des enseignements de cette interaction.
C’est parfois là qu’un inconfort personnel surgit dans le
processus d’apprentissage, mais c’est un pas en avant important
pour fournir des soins rhumatologiques de meilleure qualité aux
patients autochtones.
Cheryl Barnabe, M.D., FRCPC, M. Sc.
Professeure,
Université de Calgary,
Calgary (Alberta)
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