Automne 2021 (volume 31, numéro 3)
Ouvrir la voie au changement
Par Tooba Ali, MBBS, FRCPC
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Je suis une femme de couleur visiblement musulmane.
J’ai émigré dans ce pays il y a moins
de 10 ans. Je suis rhumatologue et j’exerce ma
profession dans une communauté essentiellement
rurale située à l’est de la région du Grand Toronto.
Mes patients ne sont pas d’origines raciales
et ethniques très diversifiées, ce qui, selon mon
expérience, est assez typique du Canada rural. Ma
clientèle se compose de professeurs d’université à
la retraite, de pompiers, d’infirmières diplômées,
d’agriculteurs, d’apiculteurs et de propriétaires
de petites entreprises.
L’islam enseigne l’égalité et la justice universelles.
Pour citer l’imam Ali AS, « une personne est votre frère
dans la foi ou votre égal au regard de l’humanité ». Ma religion
exige que j’incarne l’excellence au quotidien en matière d’équité
et d’inclusion. Elle prône la tolérance à l’égard des points de vue
divers. En tant que médecin, j’ai l’obligation de traiter toutes les
personnes avec respect et dignité et d’honorer leur autonomie.
À une époque où les différences de race, d’orientation sexuelle
et de religion continuent d’être au coeur des conflits dans nos
collectivités, nous pouvons choisir d’être des agents du changement.
Soit de manière active, en participant à des organisations,
à la mobilisation collective et à la manifestation contre l’injustice.
Soit de manière passive, en s’informant sur ce que nous ignorons,
en adoptant un autre point de vue et en incarnant le changement
que nous voulons voir s’opérer dans le monde.
Souvent, lorsque j’entre dans une salle d’examen pour rencontrer
un patient pour la première fois, je me demande ce qu’il
pense de moi en me voyant : une femme de couleur visiblement
musulmane. Parfois, je peux déceler sur leur visage une expression
d’étonnement difficilement dissimulée. Je me demande s’ils
s’attendaient plutôt à voir un docteur blanc. Certains patients ont
l’audace pour l’exprimer carrément. Cependant, presque invariablement,
une fois que nous engageons la conversation, nous comprenons
que, malgré nos différences d’apparence ou de vision du
monde, l’humanité qui nous relie est plus profonde. Une écoute
respectueuse, des conseils sincères et une réelle bienveillance
peuvent agir comme un catalyseur plus puissant pour changer les
stéréotypes à l’égard de personnes qui me ressemblent que bien
des campagnes de relations publiques.
Si, la médecine a été longtemps l’affaire de
quelques privilégiés, les données démographiques
sur les médecins ont changé de façon
spectaculaire à l’échelle du Canada. Je suis
très consciente de mes privilèges chaque jour.
Qu’une femme née à l’autre bout du monde,
dans une société peu encline à la scolarisation
des fillettes, devienne rhumatologue au Canada
en l’espace de 30 ans n’est pas un mince privilège
— un privilège que je dois à Dieu et au
travail acharné de mes parents. Nous avons tous
une vie privilégiée d’une certaine manière et
nous avons la responsabilité de créer une société
meilleure et plus juste pour les autres. Nous avons entendu
que la diversité est une grande force de notre pays, eh bien, démontrons-
le en accueillant des voix différentes des nôtres dans les
conversations qui nous entourent.
Si, certains jours, je me lasse du fardeau que représente le fait
d’être toujours identifié comme une ambassadrice de ma foi, je
me rappelle mon devoir envers Dieu, celui d’incarner le changement
que je souhaite voir dans le monde. Je suis membre du
groupe de travail sur l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI) de
la SCR, une organisation dirigée par des médecins enthousiastes
de tout le Canada qui s’efforce d’améliorer la culture de la SCR
et de démanteler le racisme systémique qui a pu se glisser dans
notre organisation. C’est avec humilité que je vois le travail et
les efforts que déploient mes collègues de ce groupe de travail,
chacun s’efforçant d’incarner le changement qu’il souhaite voir
dans le monde.
J’invite tout le monde à en apprendre davantage sur l’EDI et
sur la façon dont elles peuvent toucher les personnes qui les entourent,
et j’invite tout le monde à participer au groupe de travail
sur l’EDI de la SCR, que ce soit en étant membre, en participant
à un atelier ou en nous transmettant vos réflexions sur le sujet,
tout simplement. Efforçons-nous tous d’être des agents du changement
à notre mesure.
Tooba Ali, MBBS, FRCPC
Rhumatologue,
Oshawa (Ontario)
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