Hiver 2020 (Volume 30, numéro 4)
L'héritage de Hugh Réflexions : la Northern Ontario Outreach Clinic
Par Laurence Rubin, M.D., FRCPC
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Hugh Little est décédé subitement
en octobre 1992. Il avait
58 ans.
Le printemps précédent, j’avais accepté
le poste de chef de la division
de rhumatologie au Women’s College
Hospital. J’en avais longuement discuté
avec lui, et malgré l’incidence
que cela aurait sur la division de rhumatologie
de Sunnybrook, il m’avait
fortement encouragé à postuler et a
soutenu ma démarche. Il a été mon
mentor et mon ami et m’a apporté un
soutien inestimable pendant mes années
postdoctorales. C’est lui qui m’a
recruté à Sunnybrook, mon premier
poste. Il était un chef de file aux standards exigeants, tant sur
le plan de l’enseignement que sur le plan personnel, mais avait
aussi un coeur généreux et un sens de l’humour aiguisé.
Bien que j’aie exercé des activités cliniques limitées pendant
mes années à Sunnybrook, l’une qui m’a plu énormément a été
notre visite semestrielle à Timmins pour la clinique d’arthrite.
Hugh avait lancé ce programme au début des années 1970 en
tant que programme itinérant de la Société de l’arthrite dans
le nord-est de l’Ontario, Timmins en étant la plaque tournante
naturelle. À l’époque, la prise en charge de la polyarthrite
rhumatoïde (PR) consistait à prescrire de l’acide acétylsalicylique
et de l’or injectable, ainsi qu’à utiliser judicieusement
les stéroïdes.
De nombreux rhumatologues de passage à Sunnybrook ont
accompagné Hugh lors de ces voyages; arrivée le jeudi soir au «
Senator », l’hôtel préféré (en fait le seul) de la ville, fréquenté par
les cadres des mines, et souper au restaurant de l’hôtel. Le restaurant
avait une réputation bien méritée pour son menu et sa
carte des vins. Le souper était à la fois liquide et copieux, mais le
lendemain à 7 heures, il fallait prendre un petit déjeuner rapide
et se rendre, à pied, à la clinique. Feu Bill Bensen m’a parlé à
plusieurs reprises des rigueurs du pénible trajet vers St. Mary’s.
À la fin des années 1980, Hugh m’a demandé si je voulais
bien me joindre à lui. À l’époque, le fellow en rhumatologie de
Sunnybrook avait une peur bleue de l’avion et a refusé l’offre.
J’ai immédiatement dit oui.
À la suite de ce premier séjour, et à ma demande, je suis
devenu un habitué. C’est ainsi qu’a commencé ma relation de
plus de 30 ans avec Timmins.
Lorsque Hugh est mort soudainement,
je suis devenu, par défaut, le responsable.
L’hôpital m’a remercié d’avoir accepté de
poursuivre l’aventure et de fournir ce qu’il
considérait comme un service important et
essentiel. Cet engagement et cette relation
de longue date nous ont tous bien servis.
Avec une population locale et une zone
desservie totalisant 60 000 personnes, et en
mettant l’accent sur les maladies rhumatismales
inflammatoires, principalement la PR,
nous avons créé un modèle de soins efficace,
performant et durable. Ceci est le résultat de
multiples contributions, et en particulier de
notre partenariat avec la Société de l’arthrite.
Après que Geraldine Carlier, thérapeute locale
de Timmins et membre de longue date de la Société de
l’arthrite, se soit installée à Beyrouth, nous avons eu la chance
incroyable de recruter Mary Ellen Marcon de Sault Ste. Marie.
Mary Ellen a été la première diplômée du programme Advanced
Arthritis Practitioner (créé par Rachel Shupak). J’ai participé au
programme de formation à Toronto, et c’est là que j’ai rencontré
Mary. Tant sur place qu’à distance, et grâce à sa connaissance
approfondie de la région, elle a joué un rôle essentiel dans notre
succès au fil des ans.
En 2000, Simon Carette s’est joint au programme. Simon
avait été très proche de Hugh Little pendant sa formation à
Sunnybrook et après. En 1983, il a coécrit un article classique
sur l’histoire naturelle de la spondylarthrite ankylosante. Simon
avait participé à des cliniques en région éloignée lors de
son séjour à Québec, et je savais qu’il était un clinicien compétent
doté d’un vif sens de l’humour (une exigence absolue
pour Timmins). En plus, il parlait couramment le français!
En 2000, nous avons déménagé dans le nouvel Hôpital de
Timmins et du district (HTD). Au cours de ces deux dernières
décennies, nous avons eu l’immense chance de pouvoir compter
sur des infirmières cliniciennes, des coordonnateurs et des
bénévoles compétents, avec lesquels nous avons établi des
relations fructueuses, malgré nos trépidantes visites trimestrielles
de deux jours. Nous disposons d’un espace suffisant, de
tout l’éventail des technologies et des services de laboratoire
ainsi que de toutes les voies nécessaires pour offrir d’excellents
soins rhumatologiques aux patients du XXIe siècle. Nous
avons continuellement sollicité la participation des groupes
de médecins de soins primaires, que ce soit directement ou par la formation médicale continue (FMC). Nous avons même
séjourné pendant de nombreuses années dans une ancienne
maison de cadres miniers convertie en chambres d’hôtes, appartenant
à l’un des médecins de famille les plus anciens de
la ville. Nous avons mangé dans presque tous les restaurants
réputés de la ville, et dans certains moins réputés. Casey’s demeure
notre restaurant de prédilection, car Simon peut toujours
y déguster son dessert préféré à base de brownies et de
beurre d’arachide!
En 2013, nous avons commencé à accepter des patients
de Kapuskasing, après le départ soudain du précédent rhumatologue
itinérant. Au départ, Simon voulait y faire des visites
d’une journée, mais je lui ai rappelé qu’il fallait parcourir
150 km sur une autoroute à deux voies, et qu’en hiver, nous
pourrions y croiser des orignaux! Nous avons également reçu
des patients provenant de communautés autochtones éloignées
le long de la baie James et avons récemment rencontré
l’ophtalmologiste local pour collaborer à la prise en charge de
l’uvéite.
Il y a deux ans et demi, Simon et moi avons convenu de proposer
un stage optionnel à Timmins pour les fellows en rhumatologie.
Avec le soutien du directeur de l’éducation de l’Unité
de rhumatologie, la Dre Dana Jerome, nous avons fait venir nos
premiers stagiaires de troisième niveau, le Dr Sahil Koppikar,
puis la Dre Bahar Moghaddam. En décembre dernier, nous
avons même fêté l’anniversaire de Bahar dans le style Timmins,
avec du champagne mis au frais dans les bancs de neige du
stationnement de l’hôpital!
Et maintenant, nous nous sommes tous les deux éloignés.
Ma dernière visite a eu lieu en juin, virtuellement, bien sûr, en
raison de la pandémie, mais Simon s’est rendu à Timmins début
octobre. Mary Ellen, après plus de deux décennies de services
dévoués, a pris sa retraite en 2018. Nous avons de nouveau
eu la chance, avec le soutien de la Société de l’arthrite, de
recruter Lynn Richards de Kingston, à qui on a complètement
inculqué la « manière Timmins ».
Sahil a exprimé un vif intérêt pour le programme et a excellé
dès sa première visite. Je suis très heureux qu’en juillet dernier,
il ait accepté d’assumer mon rôle de directeur du programme
du HTD sur l’arthrite. Simon et moi avons toute confiance
dans ses compétences et sa vision. Il recrutera également un
remplaçant pour Simon.
Ces quelque trente ans ont passé comme l’éclair. Je suis très
fier de ce que nous avons accompli. Nous avons construit et
maintenu un modèle de soins pour l’arthrite inflammatoire, en
élargissant les possibilités d’éducation et, surtout, en créant un
plan de relève viable dans une communauté éloignée du Nord.
Sahil et ses collègues vont sans aucun doute faire évoluer et
améliorer ce programme, et j’ai hâte de voir les changements.
Nous avons eu la chance incroyable d’être rhumatologues
en cet âge d’or de notre spécialité. La clinique de Timmins
est un microcosme et un laboratoire vivant pour exercer notre
profession et observer les résultats de ces avancées dans une
communauté unique et reconnaissante.
Pour terminer, merci, Hugh, de m’avoir demandé de me
joindre à vous; et merci aussi à ce résident anonyme dont la
peur de l’avion m’a permis de vivre une expérience incroyable
et gratifiante.
L'équipe de Timmins. Sur la photo, de gauche à droite :
Laurence Rubin, Simon Carette, Bahar Mogghadam, Sahil Koppikar
et Lynn Richards
Mary Ellen Marcon, SAO, à gauche et Denise Marin, infirmière de la
clinique du HTD, à droite.
Laurence Rubin, M.D., FRCPC
Médecin,
Département de médecine,
St. Michael’s Hospital
Professeur de médecine,
Université de Toronto
Toronto (Ontario)
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