Été 2020 (volume 30, numéro 2)
Prix du rhumatologue émérite
de la SCR : Dr Jamie Henderson
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Pourquoi êtes-vous devenu
rhumatologue? Quels sont les facteurs
ou quelles sont les personnes qui
vous ont inspiré à entreprendre
cette carrière?
Ma décision de suivre une formation en
rhumatologie est née d’une discussion
avec un résident en orthopédie qui avait
repris sa formation après de deux ans de
pratique générale. Il m’a alors confié que
ses consultations les plus utiles (pour luimême
et ses patients) étaient celles auprès
de rhumatologues. Je voulais que les gens
disent cela de mes consultations!
Le Dr Jack Woodbury m’a appris le langage
de la rhumatologie et le Dr Howard
Stein m’a montré comment fonctionner en
tant que rhumatologue.
Vous avez occupé divers postes
de direction au sein de la SCR, notamment en tant que
président, et maintenant en tant que président du conseil
d’administration du Journal of Rheumatology.
Vous avez également participé à l’organisation de
réunions conjointes entre la SCR et le Collège mexicain
de rhumatologie. Pourquoi ce type d’engagement est-il si
important pour vous? J’avais le sentiment d’avoir une contribution à apporter à la
SCR, mais je n’avais aucune idée de ce que cela pouvait être.
Mon implication s’est approfondie, et lorsque je me suis joint au
conseil d’administration, j’ai beaucoup aimé les interactions avec
le groupe. J’ai assumé le rôle de trésorier et cela a ouvert la porte
à un engagement de six ans au sein du comité exécutif. L’engagement
en temps était considérable, mais j’ai apprécié chaque
minute consacrée à ce rôle.
Comment votre travail a-t-il aidé à façonner le domaine de
la rhumatologie ici et ailleurs? L’un des legs durables a été l’Initiative canadienne pour des résultats
en soins rhumatologiques (ICORA). J’y ai participé dès le premier
jour avec Paul Haraoui et Alf Cividino. Nous avons pu transférer
l’ICORA d’Abbott à la SCR et l’initiative s’est avérée être un bon
tremplin pour que les membres puissent se familiariser avec les propositions
de recherche et la réalisation de travaux de recherche. Je
suis encore fier que de nombreuses collaborations établies entre les
Mexique et le Canada soient encore actives aujourd’hui.
Quel est le défi organisationnel et professionnel le plus
important auquel vous avez été confronté et comment
êtes-vous parvenu à le surmonter? Le plus grand projet a été, sans aucun doute, la réunion conjointe
entre le Canada et le Mexique. Heureusement, je pouvais compter
sur Michel Zummer dans l’équipe, et il
avait de nombreux contacts ainsi qu’une
expertise à partager (en plus d’être assez
à l’aise en espagnol). Il a fallu deux années
complètes pour régler les détails et, finalement,
tenir la réunion.
Quels changements majeurs dans le
paysage de la rhumatologie avez-vous
observés au cours de votre carrière? Ce qui m’a le plus impressionné, c'est
l’évolution des options de traitement pour
les patients atteints d’arthrite inflammatoire.
Lorsque j’ai commencé à exercer,
les injections d’or, la D-pénicillamine et
l’hydroxychloroquine formaient la pierre
angulaire des traitements médicaux.
L’introduction du méthotrexate nous
a apporté une arme plus efficace, sans
toutefois nous permettre de stopper les
dégâts. Puis, les agents biologiques ont révolutionné l’issue des
traitements. Mon besoin en lits d’hôpital a disparu, les résultats
chez les patients se sont améliorés de manière significative et les
options de traitement ont continué à évoluer. Malheureusement,
le coût de ces nouveaux traitements amène aujourd’hui les gouvernements
et les compagnies d’assurance à regarder par-dessus
notre épaule et à remettre en question nos décisions. J’ai constaté
que la quantité de paperasse à soumettre pour justifier les décisions
est devenue exorbitante.
Selon vous, quels seront les défis que les rhumatologues
canadiens devront affronter dans l’avenir et qu’est-ce que
la SCR et eux peuvent faire pour les surmonter? Je crains que la prise de décision finale sur les médicaments ne
soit usurpée par les compagnies d’assurance et les gouvernements.
Les économies de coûts semblent prendre le pas sur les résultats
plus favorables. Notre succès dans la modification des résultats à
long terme chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde
(PR) pourrait être compromis par la prise de décisions économiques
à court terme. De nombreux décideurs politiques ne se
souviennent peut-être pas de la dévastation qui était couramment
observée dans le passé. Malheureusement, la SCR et les rhumatologues
peuvent sembler servir leurs propres intérêts lorsqu’ils
s’insurgent contre l’ingérence dans la prise de décision. Je pense
que la bonne façon de procéder pourrait être que les groupes de
patients prennent position et exigent moins d’ingérence extérieure
dans les décisions relatives aux médicaments.
Quels conseils donneriez-vous aux nouveaux rhumatologues
et à ceux qui aspirent à exercer cette spécialité? Je leur suggérerais, lorsqu’ils commenceront à exercer, d’envisager
de réserver chaque semaine une plage horaire de trois heures à ne pas combler avant la veille. Cela leur permettrait d’être réactifs
lorsque de nouvelles consultations urgentes sont nécessaires.
J’ai constaté que les médecins de famille sont toujours soulagés
lorsque les patients qui les préoccupent sérieusement peuvent
être évalués rapidement. Cela permet d’établir une réputation de
ressource « incontournable » lorsque le temps presse.
Pourquoi avez-vous décidé de prendre votre retraite au
moment où vous l’avez fait? Qu’aimez-vous le plus de
la retraite? J’étais épuisé après 35 ans passés sur la ligne de front. J’ai exercé
ma profession à une époque où les rhumatologues étaient peu
nombreux au Nouveau-Brunswick et où la pression pour voir
les patients a été incessante pendant de nombreuses années. La
retraite m’a permis de prendre le contrôle de mon temps et de
faire des activités qui me procurent du plaisir (activités avec mes
petits-enfants, pêche, jardinage, golf et exercice physique, entre
autres).
Qu’aimez-vous le plus du fait de vivre dans les Maritimes? Les Maritimes sont un endroit merveilleux pour vivre. Nous
sommes près de l’Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse,
et les beaux endroits à visiter ne manquent pas. Le coût du logement
est tout à fait raisonnable et posséder sa propre maison est
un projet facilement réalisable. Mon chalet est à 15 minutes de
chez moi! L’heure de pointe à Fredericton dure 15 minutes. Les
activités pour les enfants étaient sans limite et de nombreuses
activités extrascolaires étaient accessibles à proximité. La qualité
de vie est spectaculaire et les gens sont accueillants et amicaux.
Quel livre emporteriez-vous sur une île déserte? Je suis actuellement en train de lire Crime et châtiment. Un livre ne
suffirait pas. J’ai généralement quatre ou cinq livres téléchargés
sur mon iPad à partir de notre bibliothèque locale.
Vous avez prouvé qu’un rhumatologue d’un petit centre
peut très bien réussir à devenir un chef de file de la
rhumatologie à l’échelle nationale. Le fait d’être basé à
Fredericton vous a-t-il aidé ou nui dans votre carrière et
votre parcours de leadership? Et de quelle manière? La taille de la communauté a été un plus pour moi. Lorsque je
suis arrivé à Fredericton, il y avait un autre rhumatologue dans
la province. J’ai dû m’engager dans la défense des intérêts dès le
début de ma carrière. Je suis devenu à l’aise de rencontrer des
sous-ministres afin d’obtenir des lits protégés, l’approbation de
produits biologiques, etc. Je me suis également impliqué auprès
de la Société de l'arthrite en tant que conférencier régulier et j’ai
finalement été président de la section provinciale. Je vois maintenant
que le fait d’avoir pu m’exprimer au début de ma carrière m’a
donné le niveau de confort nécessaire pour participer à des discussions
à l’échelle nationale et apporter une expérience locale
qui a trouvé un écho chez les autres.
Vous étiez le chef médical de la Fredericton Clinic.
Quelles leçons tirées de ce travail pourriez-vous appliquer
à votre rôle auprès de la SCR? Quelles différences
avez-vous relevées entre la direction de la SCR et
celle de votre clinique? Je dirigeais le secteur commercial d’une clinique privée qui
comptait 90 médecins. Cela m’a aidé à communiquer de manière
claire et transparente. Les médecins sont très impliqués lorsque
leurs propres finances sont en jeu. La conduite de réunions est
devenue une forme d’art où des points de vue multiples (parfois
contradictoires) sont exprimés. Il est essentiel de s’assurer que
tous les points de vue sont écoutés dans un climat d’acceptation.
J’ai constaté que ces compétences m’ont bien servi lorsque j’ai
commencé à travailler pour la SCR. Mon premier rôle important
a été celui de trésorier et le fait de comprendre l’aperçu des états
financiers et d’être en mesure de le communiquer aux membres a
été un plus.
Le Dr Henderson reçoit son prix des mains de Vandana Ahluwalia,
présidente de la SCR, et du Dr Raheem Kherani.
Jamie Henderson, M.D., FRCPC
Rhumatologue (à la retraite)
Président, The Journal of Rheumatology – Conseil d’administration
Fredericton (Nouveau-Brunswick)
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