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Été 2020 (volume 30, numéro 2)

Soins virtuels en rhumatologie :
la suite – Réflexions en date de mars 2020

Par Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR

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« Il ne faut jamais gaspiller une bonne crise. »
– Attribué tour à tour à Winston Churchill, Rahm Emanuel et Saul Alinsky (Don’t Waste a Crisis – Your Patient’s or Your Own. M. F. Weiner Medical Economics, 1976.)

Je ne pensais pas revenir sur ce sujet si tôt, mais la COVID-19 change beaucoup de plans. Parmi toutes ces mauvaises nouvelles, les restrictions imposées aux interactions en personne ont bouleversé notre monde du travail, offrant toutefois des avantages potentiels à long terme pour nous et nos patients.

Au sortir de l'Assemblée scientifique annuelle de la SCR, qui était comme toujours excellente et dont il est question abondamment dans ce numéro du JSCR, je nourrissais de grands espoirs pour mars 2020 dans la vie réelle. Ma femme et moi avions prévu présenter des conférences dans le cadre d’ateliers de formation médicale continue (FMC) au Maroc pendant deux semaines. Ce voyage a été annulé à trois jours de la date prévue, ce qui nous a évité de rester coincés à Casablanca lorsque le Maroc a fermé son espace aérien. J’ai ensuite voulu assister à une réunion médicale à Vancouver : cette réunion a été annulée elle aussi, alors que je m’étais déjà enregistré en ligne pour mon vol. Pas de problème : j’ai obtenu une place après une annulation pour une opération de la cataracte dont j’avais besoin. Encore une fois, l’événement a été annulé avec moins de 24 heures de préavis en raison de la COVID-19.

Pendant ce temps, toutes les réunions médicales, du club de lecture et de la FMC ainsi que tous les contacts avec l’industrie ont été reportés, annulés ou déplacés en ligne. Maintenant que la distanciation sociale est la nouvelle norme, notre groupe d’intérêt local sur la psychiatrie de catastrophe nous a rappelé que la connexion émotionnelle était encore plus importante que d’habitude. Dans ce monde branché, il est plus facile que jamais d’établir cette connexion, même lorsque la séparation physique est nécessaire. En Ontario, nous avons eu le plaisir de voir les membres de notre communauté de rhumatologie, si soudée, travailler ensemble, en petits groupes et par l’intermédiaire de l’ORA, pour se soutenir mutuellement dans cette situation si peu familière.

Dans ce contexte d’entraide, nous avons également dû trouver des façons de répondre aux besoins de nos patients atteints de maladies rhumatismales. Bien que bon nombre d’entre nous ne soient pas enthousiasmés par nos dossiers médicaux électroniques (DME) au quotidien, dans la situation actuelle, les avantages de tels dossiers par rapport aux dossiers papier sont évidents. Nous pouvons travailler de n’importe quel endroit, du moins tant que nous ne sommes pas privés d’électricité et qu’Internet fonctionne. Les gouvernements provinciaux ont agi rapidement pour permettre la facturation des consultations téléphoniques, auxquelles nous avions eu recours pour la dernière fois pendant l’épidémie de SRAS, en 2003, et ont élargi les options de consultations vidéo à un plus grand nombre de plateformes. Nous pouvons maintenant continuer de dispenser des soins même si certains édifices abritant des services médicaux sont fermés et que certains médecins en bonne santé se retrouvent en isolement après un voyage.

Évidemment, tout nouvel environnement de travail nécessite des ajustements. L’adoption des DME n’est pas synonyme d’optimisation des DME, comme je l’ai rapidement appris. Alors que nous n’avions jamais favorisé l’envoi de courriels aux patients pour des raisons de confidentialité et de rapidité de la réponse, nous désirions tout d’un coup obtenir les adresses courriel de tous afin de pouvoir numériser et envoyer les demandes d’analyse de laboratoire et d’autres documents, car la plupart des patients n’ont pas accès au télécopieur et la livraison du courrier par les employés de la poste pourrait être interrompue à tout moment. Les options de transmission d’ordonnances en ligne sont plus intéressantes que jamais lorsqu’elles sont possibles; pour tous les autres patients qui ont obtenu une consultation virtuelle, la consignation du nom et du numéro de télécopieur de la pharmacie devenait une nouvelle exigence.

J’ai dû accomplir ces tâches administratives lors de mes premières consultations téléphoniques, qui se sont par ailleurs étonnamment bien déroulées. Les consultations de suivi de routine des patients stables fonctionnent bien dans ce format, ce qui évite à certains patients de longs trajets jusqu’à mon cabinet. Nous avons également pris en charge des patients qui s’étaient isolés au retour d’un voyage et qui auraient été obligés de retarder leurs consultations. Pour les experts en technologie, les consultations vidéo permettent de prendre en charge d’autres patients : ils peuvent examiner visuellement des éruptions cutanées et des articulations visiblement gonflées et obtenir les lectures de tension artérielle faites par les patients, mais il est évident qu’un tel examen à distance ne permet pas de déceler des signes plus subtils. Les patients se sont révélés très habiles pour dénombrer eux-mêmes le nombre d’articulations douloureuses, et nos questionnaires d’évaluation de la santé multidimensionnelle (MDHAQ) sur papier ont été remplacés par des versions orales.

Il ne fait pas de doute qu’il subsiste certains problèmes. Les injections articulaires et les perfusions d’agents biologiques ne peuvent être faites virtuellement. Les patients qui ne vont pas bien doivent souvent être examinés en personne. La prise en charge de nouveaux patients est également difficile à gérer virtuellement, sauf lorsqu’il y a une découverte fortuite d’anomalies suivant un examen d’imagerie ou des tests de laboratoire, dont beaucoup n’auraient pas dû être demandés au départ. Les nouveaux cas de vascularite, de polyarthrite rhumatoïde et de lupus érythémateux systémique doivent être examinés et traités d’urgence. Les analyses de laboratoire de suivi peuvent être espacées, mais elles restent nécessaires.

Ceux qui se rendent au cabinet sont confrontés à de nouvelles réalités : portes de bureau verrouillées, distanciation sociale dans la salle d’attente, restrictions concernant les accompagnateurs et les visiteurs impromptus et utilisation d’équipements de protection individuelle lorsque cela est nécessaire. Tous les patients sont désormais soumis à une évaluation des risques basée sur les antécédents de voyage, les contacts avec une personne atteinte de la COVID-19, la fièvre et d’autres symptômes inquiétants. Ma secrétaire a un nouveau scénario téléphonique pour les rappels et l’affichage sur notre porte d’entrée ainsi que dans l’ensemble de l’édifice abritant des services médicaux où nous sommes situés est constamment mis à jour.

Nous n’avons pas encore de réponses aux questions passionnantes que soulève le traitement de la COVID-19. Faut-il éviter l’ibuprofène? Les promesses des antipaludéens, du baricitinib et des inhibiteurs de l’IL-6 comme traitements se concrétiseront- elles? Y aura-t-il un vaccin? S’agira-t-il de la dernière pandémie de tous les temps? On peut facilement répondre « non » à cette dernière question. À quoi ressemblera la nouvelle normalité une fois la pandémie terminée? Je prédis que la médecine virtuelle est là pour de bon. Comme l’a déclaré la Dre Theresa Tam, responsable de la santé publique au Canada : « Les gens utilisent des méthodes novatrices pour essayer de fournir des soins de différentes manières. Cela inclut l’obtention de codes de facturation pour les médecins qui effectuent ces consultations à distance. L’objectif est d’augmenter la capacité maximale du système de santé à traiter ceux qui présentent des symptômes plus graves du virus de la COVID. Les médecins utilisent la télémédecine d’une manière qui devrait survivre à l’épidémie, selon moi. »

Si vous avez des conseils, des expériences ou des histoires à communiquer sur la COVID-19, n’hésitez pas à les faire parvenir au JSCR pour que nous puissions éventuellement les publier sur papier ou en ligne dans les prochains numéros.

Philip A. Baer, MDCM, FRCPC,
Rédacteur en chef, JSCR
Scarborough, Ontario

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