JSCR Été 2019

Été 2019 (Volume 29, numéro 2)

Prix du formateur d’enseignants :
D^re Shirley Tse

D’où croyez-vous que provient votre passion pour la formation médicale?
J’ai toujours aimé côtoyer des apprenants de tous les niveaux et pas seulement pour les aider à acquérir de nouvelles connaissances, mais également pour apprendre d’eux. Je peux dire humblement que mes stagiaires me gardent jeune et dans le coup. J’ai pu transposer cette expérience dans mon rôle de directrice de programme pour le programme de formation en rhumatologie pédiatrique à l’hôpital SickKids de l’Université de Toronto. Mon rôle de directrice de programme et ma participation au Education Scholars Program m’ont permis de faire preuve d’innovation et de créativité dans l’élaboration de programmes, l’enseignement interactif, l’évaluation des apprenants, le mentorat et l’utilisation de la technologie en enseignement.

Vous avez remporté de nombreux prix prestigieux en enseignement, mais quelle a été votre première pensée lorsque vous avez appris que vous remportiez ce prix? Êtes-vous toujours surprise d’avoir gagné?
Je ne le savais absolument pas et j’ai été très surprise lorsque j’ai appris que j’avais remporté ce prix. En fait, j’étais en train de donner un atelier sur la compétence par conception et je recevais sans cesse des messages de mes collègues en rhumatologie (les personnes extraordinaires qui ont soumis ma candidature) me demandant de vérifier mes courriels. Ce fut un sentiment incroyable et un véritable honneur d’être reconnue, considérée et récompensée par ce prestigieux prix en enseignement.

Selon vous, quelles sont les qualités d’un bon pédagogue?
Dans quelles mesures possédez vous ces qualités?
Il y a toujours des moments propices à l’enseignement, même dans un environnement clinique occupé. Il n’y a pas de mauvaise question, et les apprenants doivent sentir qu’ils peuvent sans crainte poser leurs questions ou tenter de comprendre le raisonnement qui sous-tend la réponse. La clé pour que les apprenants retiennent ce qui leur est enseigné est de simplifier et de promouvoir la compréhension plutôt que la mémorisation. Ce principe est illustré à merveille par un grand nombre de nos professeurs talentueux qui enseignent l’immunologie à nos stagiaires. Il s’agit de l’un des sujets les plus difficiles à maîtriser, mais essentiel pour tous les stagiaires en rhumatologie et les meilleurs éducateurs l’enseignent avec passion, clarté et simplicité à l’aide d’applications cliniques associées (« causeries » tenues par des experts/professeurs versés en immunologie). En même temps, j’ai appris des meilleurs éducateurs qu’il faut reconnaître ses propres limites et accepter de ne pas connaître la réponse, même si on est membre du corps enseignant. Toutefois, vous pouvez établir un plan avec vos apprenants pour explorer la question, examiner la littérature publiée, vous regrouper et en discuter de nouveau. Il est tout aussi important de faire preuve de flexibilité dans son enseignement et de tenter de l’adapter au style d’apprentissage qui convient le mieux aux stagiaires. L’objectif final est de développer la pensée critique et autonome et d’amener les apprenants à donner le meilleur d’eux-mêmes, tout en leur rappelant qu’il est important de partager leurs connaissances avec d’autres.

Avez-vous le souvenir d’un professeur qui vous a inspirée et qui a orienté votre propre parcours vers l’enseignement?
J’ai eu la chance d’être entourée d’une multitude d’extraordinaires et talentueux éducateurs tout au long de ma formation et de ma carrière. À la manière d’un anthropologue lors d’une sortie sur le terrain, j’aime prendre le temps d’observer et d’assimiler les méthodes utilisées par les éducateurs érudits pour enseigner et produire des recherches, et je tâche d’intégrer leurs précieux conseils à ma pratique.

Vous participez actuellement à l’élaboration des activités professionnelles confiables (APC) et des jalons à l’échelle nationale par l’intermédiaire du Collègue royal, en préparation de la mise en oeuvre de la compétence par conception (CPC). Pouvez-vous nous expliquer en quoi consistent les APC et quelle sera leur incidence sur l’environnement de formation médicale?
Les APC sont en phase avec les concepts de médecine de précision ou de médecine personnalisés dans les soins aux patients. Les APC s’éloignent de l’approche temporelle pour passer à une compétence plus personnalisée sur le plan des connaissances, des compétences et des habiletés clés que les résidents acquièrent à mesure qu’ils progressent tout au long des étapes de développement de leur programme de formation en rhumatologie. À chaque étape, il y aura des tâches précises, ou APC, dont les résidents devront faire la démonstration de façon autonome. Chaque APC est séparée en plusieurs petites tâches, ou jalons, que les résidents peuvent perfectionner pour rendre le processus plus facile à gérer et obtenir une rétroaction et un encadrement, mais également pour progresser en fonction de leur compétence. En parallèle, j’aiderai les enseignants et les évaluateurs à se concentrer sur les activités cliniques précises et sur les compétences que doit posséder le résident en fonction de son stade de formation et à personnaliser le soutien et les attentes en fonction du développement, de la progression et de la compétence de chaque résident. Finalement, les APC visent à s’assurer que les résidents diplômés sont compétents, possèdent les aptitudes nécessaires et adoptent les comportements voulus pour répondre aux besoins en évolution des patients et optimiser les résultats chez les patients.

Quels sont les projets qui vous enthousiasment actuellement et quels sont les projets que vous aimeriez entreprendre dans le futur?
Je travaille actuellement à différents projets cliniques, éducatifs et d’amélioration de la qualité. Dans le domaine éducatif, je m’intéresse beaucoup à l’utilisation de la technologie pour enseigner à différents apprenants, y compris les stagiaires en médecine, les fournisseurs de soins de santé ainsi que les patients et leurs familles. Ainsi, mes projets éducatifs comprennent des modules d’apprentissage de la rhumatologie pédiatrique en ligne, l’élaboration et l’utilisation de vidéos éducatives et l’exploration de la réalité virtuelle dans l’environnement d’apprentissage clinique. Je m’intéresse également à l’utilisation de la ludification comme outil d’apprentissage et à l’amélioration de l’engagement de l’apprenant.

Depuis que vous êtes devenue directrice de programme dans le cadre du programme de formation en rhumatologie pédiatrique à l’Université de Toronto en 2007, comment la nature de la formation des médecins dans ce domaine a-t-elle changé?
Les domaines de la rhumatologie et de la formation médicale ont été très fluides et le programme de formation s’est adapté pour répondre aux avancées et aux changements continus. Le programme d’enseignement et l’environnement clinique ont été transformés pour garder les stagiaires au fait des changements, notamment en assurant une meilleure compréhension des maladies rhumatismales (p. ex. élargissement du spectre des maladies auto-inflammatoires), des cibles thérapeutiques (y compris les agents biologiques et les petites molécules), des applications d’imagerie novatrices (p. ex. techniques d’imagerie vasculaires, IRM du corps entier, échographie POCUS) et de l’intégration de la médecine personnalisée et de précision (utilité des données, biomarqueurs, gènes, entrevues motivationnelles, prise de décisions partagée). En ce qui concerne la formation médicale, nous avons créé une structure visant la formation de médecins complets par l’intermédiaire des compétences CanMEDS du Collège royal, en portant attention à l’amélioration de la qualité et aux initiatives favorisant la sécurité des patients, pour éventuellement passer à une nouvelle approche de CPC. En outre, pour nos apprenants autochtones « numériques », nous avons mis en oeuvre une variété de technologies dans l’environnement clinique et de formation, y compris l’apprentissage en ligne, des vidéos éducatives, des ressources en rhumatologie en ligne, des simulateurs d’injection intra-articulaire, des plateformes de santé en ligne et des applications médicales. Nous avons également multiplié les occasions pour les stagiaires de poursuivre leurs travaux en recherche clinique, en recherche fondamentale/translationnelle, en formation/enseignement, en amélioration de la qualité, en échographie musculosquelettique et en leadership au cours de leur programme postdoctoral de base ou des années de formation supplémentaires.

Avez-vous un talent caché que peu de gens connaissent?
J’adore faire des activités avec ma famille. Nous faisons du karaté en famille depuis près de 12 ans maintenant. Nous sommes tous ceinture noire troisième dan, et oui, je sais me servir de toutes les armes utilisées par les Tortues ninjas. J’ai même remporté la première place lors d’un tournoi de karaté... dans la catégorie des femmes d’âge mûr, mais le trophée est toujours fièrement exposé dans mon bureau.

Quel est le premier concert de musique auquel vous avez assisté?
Je dois avouer que j’ai un faible pour les « boy bands ». C’est depuis toujours ma musique de prédilection pour étudier, écrire ou simplement me détendre. Mon premier concert de « boy band » a été celui du groupe canadien Glass Tiger. Il ne m’a fallu que 20 ans de plus pour finalement applaudir les célèbres New Kids on the Block et Backstreet Boys (tournée NKOTBSB). Heureusement, à ce stade plus avancé de ma vie, j’avais les moyens de m’asseoir dans les premières rangées, près la scène.

La D^re Shirley Tse recevant son prix de la D^re Vandana Ahluwalia.

Shirley Tse, M.D., FRCPC
Professeure agrégée,
Département de pédiatrie,
Université de Toronto
Rhumatologue et directrice de programme,
The Hospital for Sick Children
Toronto (Ontario)