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Été 2019 (Volume 29, numéro 2)

Prix du chercheur émérite :
Dre Diane Lacaille

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Vous êtes reconnue comme une pionnière dans l’utilisation des données administratives pour améliorer la qualité des soins et la recherche pharmacoépidémiologique. Qu’est-ce qui vous a amenée à vous concentrer sur ces domaines d’intérêt?

Les questions de recherche auxquelles je tente de répondre dans le cadre de mon programme de recherche sont habituellement inspirées par ma pratique clinique. J’ai commencé à exercer en 2000, à une époque où de nouveaux traitements et de nouvelles approches ont complètement changé le paysage de la polyarthrite rhumatoïde (PR) et ouvert la porte à de nouvelles possibilités de maîtriser cette terrible maladie et de prévenir les dommages articulaires, d’une manière qui n’avait jamais été possible auparavant. Mais, ce qui m’a frappée, dès le départ, c’est que certains patients ont été complètement exclus du jeu. Ils accédaient aux soins trop tard. Il ne sert à rien de disposer des médicaments les plus efficaces si les patients n’ont pas accès aux soins. C’est ce qui m’a incitée à m’intéresser à l’évaluation de la qualité des soins à l’échelle de la population, à la capacité d’examiner tous les patients à l'échelle de la province, et pas seulement ceux que nous voyons régulièrement en consultation.

Je m’attendais à ce que les soins ne soient pas parfaits, mais j’ai été choquée lorsque j’ai reçu les résultats de ma première étude, qui montraient que seulement la moitié des patients de la Colombie-Britannique désignés comme étant atteints de PR par leur médecin de famille étaient dirigés vers des rhumatologues ou commençaient à prendre un antirhumatismal modificateur de la maladie (ARMM). Au début, je ne croyais pas à ces résultats. Toutefois, peu de temps après en avoir pris connaissance, je me souviens d’avoir vu, dans une clinique d’une région rurale, un patient présentant des difformités caractéristiques de la PR avancée qui n’avait jamais pris d’agent modificateur de la maladie. Je savais que je tenais quelque chose de réel. Depuis, d’autres ont constaté des résultats semblables dans d’autres provinces. Les choses vont mieux maintenant, mais la situation n'est pas optimale. Le problème, c’est qu'on ne connaît pas ce qu'on ne voit pas. Nous devons concevoir des méthodes pour mesurer systématiquement la qualité des soins reçus par tous si nous voulons comprendre les lacunes dans les soins et améliorer les choses.

En quoi ces travaux ont-ils eu une incidence sur le paysage local de la PR au Canada?

Je pense que ces résultats ont ouvert les yeux de nombreuses personnes. En Colombie-Britannique, le ministère de la Santé et les intervenants du domaine de l’arthrite se sont lancés dans une stratégie de prise en charge de maladie chronique pour l’arthrite. Des lignes directrices locales sur la PR à l’intention des médecins de famille ont été élaborées. Ces résultats ont joué un rôle déterminant dans la sélection de la PR comme cible d’un programme provincial de soutien à la pratique, qui intègre des outils utiles dans la pratique des médecins afin d'appuyer la prise en charge de la PR par les médecins de famille. À l’échelle nationale, nos recherches et celles d’autres intervenants, qui ont permis de cerner des lacunes semblables en matière de soins, ont suscité de l’intérêt pour l’élaboration d’autres modèles de soins et de systèmes permettant d’évaluer l’incidence de ces modèles de soins. L’Alliance de l’arthrite du Canada a fait beaucoup de travail à cet égard.

Vous avez exploré l’impact de la recherche communautaire (p. ex. auprès des communautés des Premières nations) pour élaborer et évaluer des programmes sur l’arthrite conformes aux approches autochtones en matière de santé. Pourquoi la recherche « communautaire » est-elle importante dans le domaine de la PR?

Lorsqu’on travaille en partenariat avec les communautés autochtones, une approche communautaire en recherche est absolument essentielle. Pour que la recherche ait un impact réel et réponde adéquatement aux besoins de la communauté, il faut que la recherche menée soit acceptée. Pour ce faire, la communauté doit participer activement tout au long du processus : établir les priorités de recherche, déterminer les besoins, formuler des commentaires et s’assurer que les services créés pour les patients atteints d’arthrite sont conformes à leurs valeurs et priorités. Ces relations prennent du temps à établir et doivent être fondées sur la confiance et le respect. Il est à espérer que des services rhumatologiques conformes aux approches autochtones en matière de santé contribueront à réduire les inégalités en matière de santé observées dans les collectivités des Premières nations.

Pourquoi vous êtes-vous concentrée sur l’emploi et sur le développement de Making it WorkMC, le premier programme complet visant à prévenir l’incapacité au travail chez les personnes atteintes d’arthrite inflammatoire?

En tant que rhumatologue, je constate que les personnes atteintes d’arthrite ont souvent de la difficulté à continuer à travailler et je sais à quel point le travail est important pour nos patients. C’est bien plus qu’une source de revenus. C’est une partie importante de leur identité, de leur sens de la contribution à la société, de leurs interactions sociales et bien plus encore! Je suis constamment émerveillée par la capacité des gens à aller de l’avant malgré les défis qu’ils rencontrent au travail. Les gens sont si débrouillards! Leur résilience est ce qui m’inspire à poursuivre mes recherches et à trouver des moyens de leur permettre de continuer à travailler parce que cet aspect très important pour eux.

Quelles orientations futures souhaitez-vous poursuivre dans votre propre recherche? Quelles avancées générales aimeriez-vous voir dans le domaine de la rhumatologie et des soins de l’arthrite?

Je veux continuer à concevoir et à évaluer des stratégies pour améliorer la prestation des soins aux patients atteints d’arthrite et d’autres maladies qui surviennent comme complications de l’inflammation. Je pense que nous devons tirer parti de la technologie pour améliorer les soins à l’échelle individuelle, en utilisant les technologies de télésanté afin que les gens puissent participer davantage à leurs soins, comme l’application que nous avons conçue pour permettre aux personnes atteintes de PR de surveiller elles-mêmes l’activité de leur maladie, ainsi qu’à l’échelle du système, en tirant parti des dossiers médicaux électroniques et d'autres sources de données pour mesurer et donner une rétroaction en temps réel, afin d’améliorer continuellement la qualité. Je pense que la technologie de la télésanté va transformer la façon dont nous fournissons des soins dans une mesure que nous ne pouvons même pas imaginer pour l’instant.

Quel conseil donneriez-vous à une personne qui souhaite mener une carrière de rhumatologue universitaire?

Je dirais que c’est une carrière très enrichissante. Oui, cela exige beaucoup de travail et de persévérance et il y a de nombreux défis à relever, surtout dans le contexte de financement actuel. Il faut apprendre à ne pas se laisser abattre par les demandes de bourse qui sont rejetées et les manuscrits qui doivent être soumis à nouveau. Il faut essayer d'en tirer des leçons, puis aller de l’avant et essayer à nouveau. Il est également essentiel d’avoir un bon mentor, quelqu’un qui peut vous aider à naviguer dans le système et vous donner des conseils judicieux; quelqu’un qui a votre meilleur intérêt à coeur et peut vous ouvrir des portes. Finalement, il est très important de ne pas trop s’engager dans le travail clinique. Les patients passent toujours en premier, mais il faut se garder du temps pour la recherche pour réussir.

Mais malgré tous les défis, cela en vaut la peine! Je trouve mon travail toujours stimulant et intellectuellement enrichissant. J’adore la diversité de mes journées. Lorsque les projets se concrétisent enfin, il est très satisfaisant de voir ou de ressentir l’impact du travail accompli. Certains de mes moments les plus mémorables ont été d’entendre des participants du programme Making it Work décrire à quel point ce programme avait changé leur vie et à quel point il était important pour eux.

Quel est votre plaisir coupable à la télévision?

Je ne regarde jamais la télé! Seulement les Jeux olympiques et les bulletins d’information.

Quel est votre endroit préféré pour voyager?

Ce que je préfère, c’est de partir sur notre voilier vers le nord, le long de la côte, vers des endroits où seuls les bateaux peuvent aller, loin des routes, où l’on n’entend aucune voiture. Je chéris le moment où nous coupons le moteur, laissons le vent remplir les voiles et ne faisons qu’un avec l’océan. Peu importe où nous sommes, j’adore être à l’ancre la nuit dans une baie tranquille, regarder la nuit tomber et les étoiles apparaître dans le ciel.

John Esdaile et Kam Shojania ont fait jouer une vidéo hilarante au Gala de la SCR pour présenter votre prix. Quel genre de collègues de travail sont-ils?

Ils sont extrêmement intelligents, aussi rapides et pleins d’esprit que dans la vidéo et d’un soutien incroyable! Je n’aurais pas pu demander un meilleur mentor et un chef de division plus solidaire.

La Dre Diane Lacaille recevant son prix de la Dre Vandana Ahluwalia.

Diane Lacaille, M.D., FRCPC, MHSc
Chaire de rhumatologie Mary Pack–Société de l’arthrite
Professeure de rhumatologie,
Université de la Colombie-Britannique
Chercheuse scientifique principale,
Directrice scientifique associée,
Arthritis Research Canada
Richmond (Colombie-Britannique)

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