Été 2019 (Volume 29, numéro 2)
Prix du rhumatologue émérite : Dr Edward Keystone
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Pourquoi êtes-vous devenu rhumatologue? Quels sont les facteurs ou les personnes qui vous ont inspiré à entreprendre cette carrière? Après une année de recherche en laboratoire sur la polyarthrite rhumatoïde (PR) dans le cadre de ma bourse de recherche en allergologie, les docteurs Murray Urowitz, Hugh Smythe et Metro Ogryzlo m’ont invité à entrer dans le domaine de la rhumatologie. Je n’ai pas pu résister. Qui aurait pu? C'est la meilleure décision que j’aie jamais prise.
Pourquoi est-il important pour vous de travailler comme consultant auprès de l’industrie pharmaceutique et biotechnologique et comme membre de nombreux conseils consultatifs biopharmaceutiques? Malgré le concept voulant que l’industrie soit le « côté obscur », j’en suis venu à réaliser que c’était l’industrie pharmaceutique et biotechnologique qui générait toutes les nouvelles thérapies qui allaient révolutionner le domaine. J’adorais l’idée
d’être à l’avant-garde de la nouvelle vague de thérapies qui
allaient améliorer considérablement la vie de nos patients.
Vous avez reçu de nombreuses distinctions au cours de votre carrière, y compris le titre d'« Alumnus of Influence »
(ancien élève influenceur) du Collège universitaire de l’Université de Toronto en 2012 et celui de « Rhumatologue de l’année » de l'Ontario Rheumatology Association en 2014. Quelle a été votre première pensée lorsque vous avez appris que vous remportiez ce prix de la SCR? J’ai été ravi que mes pairs m’aient choisi comme chef de file au sein d’un groupe de collègues respectés qui se consacrent à améliorer la vie des patients.
En 2003, vous avez créé le Rebecca Macdonald Centre for Arthritis and Autoimmune Disease, un centre consacré à la recherche en génomique ainsi qu'aux traitements et aux résultats dans le domaine des maladies articulaires inflammatoires auto-immunes. En tant que directeur du centre et chef de la division des traitements de pointe, qu’est-ce qui vous a amené à concentrer vos recherches sur les nouveaux traitements de la PR? Au moment où j’ai choisi de me lancer dans le domaine de la thérapeutique, je me suis rendu compte qu’avec l'avènement des produits biologiques, le domaine de la rhumatologie était en pleine mutation. En tant qu’immunologiste, j’ai été particulièrement enthousiasmé par le concept de ciblage sélectif des molécules inflammatoires spécifiques à l’origine de la maladie dans la PR.
De concert avec la Dre Katherine Siminovitch, vous travaillez actuellement à développer le Centre for Excellence in Personalized Medicine in Arthritis and Autoimmune Disease à l’Hôpital Mount Sinai. Qu’espérez-vous du développement de ce programme et quel sera son impact sur le domaine de la rhumatologie? Je crois qu’une meilleure compréhension des influences génétiques de nos maladies auto-immunes
est la seule façon de mieux comprendre la pathogenèse de ces maladies en vue de prédire qui en sera atteint, quelle en sera l'issue et, surtout, quelle est l'approche à privilégier pour choisir le bon médicament pour la bonne personne et au bon moment, grâce à une médecine personnalisée.
Quels changements majeurs dans le paysage de la rhumatologie avez-vous observés au cours de votre carrière? J’ai eu beaucoup de chance d’être témoin de la naissance du concept de ciblage sélectif des molécules pathogènes dans l’arthrite au moyen de produits biologiques et de nouvelles
petites molécules ciblées sous la forme d’inhibiteurs des kinases JAK. Il s'agit de l'événement le plus incroyable de l’histoire du traitement des maladies rhumatismales. Nous sommes passés de 40 lits réservés aux patients hospitalisés en rhumatologie dans les hôpitaux de Toronto dans les années 70 à seulement
3 lits réservés dans la ville en 2019. Voilà qui en dit long.
Quel est le défi organisationnel et professionnel le plus important auquel vous avez été confronté et comment êtes-vous parvenu à le surmonter?
Recueillir suffisamment de fonds pour créer un programme
de médecine personnalisée à notre centre d’excellence de l’Hôpital Mount Sinai. Jamais je n'ai renoncé, et j'ai relevé le défi!
Comment votre travail a-t-il aidé à façonner le domaine
de la rhumatologie ici et ailleurs? Mon travail a été consacré à améliorer l’acquisition de nouvelles thérapies au Canada et à enseigner à mes collègues la façon d’optimiser les meilleures méthodes pour améliorer les résultats.
Selon vous, quels seront les défis que les rhumatologues canadiens devront affronter dans l’avenir, et qu’est-ce que la SCR et eux peuvent faire pour les surmonter? J’estime qu’il est très difficile d’inciter les rhumatologues
canadiens à se lancer dans la recherche fondamentale en laboratoire sur le terrain en raison de la diminution des ressources provenant du gouvernement et d’ailleurs. Avec l’avènement des biosimilaires, le financement de l’industrie est également érodé au détriment des études initiées par les chercheurs et des bases de données d’observation.
Compte tenu de votre longue expérience du domaine des maladies rhumatismales, à votre avis, quels changements connaîtra la recherche clinique au cours de la prochaine décennie? La recherche translationnelle du laboratoire au chevet du
patient pour comprendre les principes fondamentaux du processus pathologique à l’origine des maladies et la mise en application de ces principes pour améliorer les résultats en utilisant des approches médicales personnalisées.
Votre jumeau identique est également un médecin de renommée mondiale. Comment cette relation a-t-elle
influencé votre carrière médicale? Ma carrière a été fortement influencée par mon frère qui m’a convaincu que je pouvais être professeur dans le domaine
médical. Nous avons réussi des cours de premier cycle en
travaillant ensemble et en essayant de rivaliser l'un avec l'autre au plus haut niveau. En tant que médaillé d’or de la Faculté de médecine de l’Université de Toronto et récipiendaire de l’Ordre du Canada, mon frère Jay m’a imposé des normes élevées à respecter. En fin de compte, nous sommes tous les deux devenus éducateurs dans le domaine de la thérapeutique. C’est à la fois étonnant et très gratifiant.
Deux « règles de Keystone » sont souvent citées lorsqu’on discute des résultats des essais sur la PR. Comment
avez-vous créé ces règles? Est-ce que des traitements
permettront un jour d’améliorer les résultats cités dans ces règles? Si oui, lesquels? Les « règles de Keystone » sont nées de mon intérêt pour la thérapeutique. Alors que je parcourais la littérature portant sur les nouvelles thérapies, j’ai réalisé que ces règles s’appliquaient aux réponses à tous les nouveaux agents. Ce fut vraiment une révélation! Les plus récents inhibiteurs des kinases JAK amélioreront les résultats établis par les règles fondamentales. J’en suis fort heureux!
On sait que vous vous intéressez beaucoup aux animaux, en particulier aux chevaux. Avez-vous appris quelque chose des animaux qui vous aide dans votre vie quotidienne de médecin?
Ma femme m’a fait connaître les chevaux pendant que je
travaillais en recherche à Londres, en Angleterre. Nous avons appris à sauter, mais je passais au-dessus de la barre plus que mon cheval, ce qui m'a beaucoup appris sur l’humilité. L’équitation a été une grande source de détente (une fois que j’ai eu appris à monter) et un moyen de me réfugier à la campagne pour échapper à la foule.
Qu'aimez-vous le plus du fait de vivre en Ontario? La possibilité de vivre à proximité de la ville tout en profitant de la beauté de la campagne.
Quelle est votre destination de vacances de rêve? Simplement vivre sur ma ferme, avec ma famille, et m'amuser avec mes trois chiens, mes deux chats et mon cheval qui courent partout.
Quel livre emporteriez-vous sur une île déserte? Je n’irais pas sur une île déserte. Je suis un mauvais nageur, mais j’adore l’idée.
P.S. Je ne lis jamais de livres outre ceux portant sur la médecine – je n’ai pas le temps!
Edward C. Keystone, M.D., FRCPC
Professeur de médecine,
Université de Toronto
Directeur,
The Rebecca MacDonald Centre for Arthritis
and Autoimmune Disease
Consultant rhumatologue,
Mount Sinai Hospital
Toronto (Ontario)
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