Printemps (Volume 28, numéro 1)
Nouveau programme de collaboration en cardio-rhumatologie : améliorer les résultats cardiaques en rhumatologie
Par Lihi Eder, M.D., Ph. D., Shadi Akhtari, M.D., FRCPC et Paula Harvey, BMBS, Ph. D.
Télécharger la version PDF
La notion voulant que l’inflammation soit néfaste pour les artères et que nos patients en rhumatologie présentent des risques élevés d’événements cardiovasculaires est aujourd’hui bien acceptée du milieu de la rhumatologie. Cependant, les connaissances sur les mécanismes sous-jacents des maladies cardiovasculaires chez les patients atteints de maladies rhumatismales comportent toujours de nombreuses lacunes, et cela donne lieu à des recommandations variables et contradictoires sur la prise en charge des risques cardiovasculaires chez ces patients. Les outils standards d’évaluation des risques cliniques, qui tiennent compte des facteurs de risque cardiovasculaire classiques, sous-estiment le risque cardiovasculaire chez les patients atteints de maladies rhumatismales inflammatoires. Nous avons donc besoin d’outils plus précis pour évaluer le risque cardiovasculaire dans cette population.
De même, il existe d’importantes lacunes dans nos connaissances sur la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire chez les patients atteints de maladies rhumatismales. La sensibilisation des rhumatologues à l’augmentation du risque cardiovasculaire n’a pas donné lieu à une observation des recommandations en matière de traitement. De fait, une proportion importante de patients présente des facteurs de risque cardiovasculaire non diagnostiqués et insuffisamment traités. Ces lacunes dans les soins peuvent s’expliquer du fait que les visites chez les rhumatologues sont, tout naturellement, consacrées à la prise en charge de la maladie rhumatismale proprement dite, ce qui laisse peu de temps pour la prévention primaire des événements cardiovasculaires. Cette situation pourrait être aggravée par le fait que de nombreux médecins de famille et même de cardiologues ne savent peut-être pas que ces patients présentent un risque cardiovasculaire accru. Les connaissances limitées sur les stratégies de prévention cardiovasculaire, et les désaccords au sein de la communauté rhumatologique sur le rôle des spécialistes par rapport à celui des omnipraticiens dans la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire, sont d’autres éléments qui pourraient expliquer les lacunes en matière de soins.
Le programme de cardio-rhumatologie du Women’s College Hospital a été créé en juillet 2017 dans le cadre d’un vaste réseau de collaboration au sein de l’Université de Toronto, avec la participation de médecins du Mount Sinai Hospital sous la direction de la Dre Bindee Kuriya.
Dre Lihi Eder
Dre Shadi Akhtari
Le programme est dirigé par la Dre Lihi Eder, rhumatologue et chercheuse au Women’s College Research Institute, et la Dre Paula Harvey, cardiologue et chef du service de médecine au Women’s College Hospital. En collaboration avec la Dre Shadi Akhtari, cardiologue, qui dirige la clinique hebdomadaire de cardio-rhumatologie, l’équipe s’est fixé comme objectif d’améliorer la prise en charge du risque cardiovasculaire chez les patients atteints de maladies rhumatismales.
Dre Paula Harvey
Paula Harvey collabore à la recherche dans le domaine de la cardio-rhumatologie depuis son arrivée au Canada, en 1999, au moment où elle est arrivée d’Australie pour mener des recherches post-doctorales dans un domaine qui présente pour elle un intérêt particulier, celui des maladies cardiovasculaires chez les femmes. Cet intérêt a mené à l’établissement d’une étroite collaboration dans les domaines des soins cliniques et de la recherche avec le programme sur le lupus de l’Université de Toronto. L’intérêt de Lihi Eder pour la morbidité cardiovasculaire associée aux maladies rhumatismales s’est développé durant ses recherches post-doctorales dans le cadre du programme sur la polyarthrite psoriasique de l’Université de Toronto, où elle a étudié les effets des médicaments biologiques sur la progression de l’athérosclérose chez les patients atteints d’atteinte psoriasique. Cet intérêt commun pour la médecine cardiovasculaire chez les patients en rhumatologie a mené à la mise en place du présent programme de collaboration.
Ce programme vise à améliorer la prévention primaire des événements cardiovasculaires chez les patients atteints de maladies rhumatismales, par l’élaboration de nouvelles
approches de stratification du risque cardiovasculaire en se basant sur les facteurs de risque classiques, des biomarqueurs et l’imagerie cardiovasculaire. La clinique hebdomadaire
reçoit les patients âgés de 40 ans et plus, qui sont atteints de polyarthrite rhumatoïde, de polyarthrite psoriasique et de spondylarthrite ankylosante mais qui n’ont pas d’antécédents de maladies cardiovasculaires, et qui sont dirigés vers la
clinique. Les patients subissent une évaluation exhaustive,
notamment une évaluation par un cardiologue, des analyses de laboratoire, des épreuves d’effort non invasives s’il y a lieu, une tomodensitométrie cardiaque avec calcul du score calcique, ainsi qu’une échographie carotidienne pour quantifier les dépôts de plaque dans les carotides. Les patients sont ensuite stratifiés selon les résultats de cette évaluation détaillée, en fonction de leur risque cardiovasculaire prévu, et des recommandations sont formulées au sujet de la pharmacothérapie et des interventions sur le mode de vie requises pour réduire ce risque. L’équipe de recherche prévoit faire un suivi des patients de la clinique dans le cadre d’une étude longitudinale ayant pour but de déterminer les résultats à long terme de ces interventions et d’étayer l’élaboration de lignes directrices fondées sur des données probantes.
Ce modèle de collaboration est une approche qui pourrait peut-être réduire les comorbidités chez les patients atteints de maladies rhumatismales. Des modèles de soins semblables existent déjà pour les patients atteints de diabète et de néphrpathies chroniques. De tels modèles exigent toutefois des ressources locales et pourraient ne pas pouvoir s’appliquer à l’extérieur des centres universitaires. La sensibilisation des médecins à l’augmentation du risque cardiovasculaire chez les patients atteints de maladies rhumatismales inflammatoires, et l’élaboration d’autres modèles de partage des soins entre les médecins de famille, les rhumatologues et les cardiologues, sont d’autres objectifs à long terme de ce nouveau programme de collaboration. Enfin, l’éducation des patients en rhumatologie sur leur risque cardiovasculaire accru et sur l’importance de suivre les recommandations sur les habitudes de vie favorisant la santé cardiaque doit être un élément clé de toute stratégie visant à améliorer les résultats cardiovasculaires dans cette cohorte.
Grâce à un programme de soins coordonné entre le patient, le rhumatologue, le cardiologue et le médecin de famille, nous espérons répondre aux besoins non satisfaits en matière de soins cliniques et de recherche, afin de détecter tôt l’athérosclérose chez les patients atteints de maladies rhumatismales et d’améliorer les résultats sur la santé de ces patients.
Lihi Eder
Professeure agrégée de médecine,Université de Toronto,
Rhumatologue et chercheuse, Women’s College Research Institute, Women’s College Hospital,
Toronto (Ontario)
Shadi Akhtari
Cardiologue associée, Division de cardiologie,
Women’s College Hospital,
Toronto (Ontario)
Paula Harvey
Professeure agrégée de médecine, Université de Toronto,
Médecin-chef et chercheuse, Women’s College Research Institute,
Women’s College Hospital,
Toronto (Ontario)
|