Été 2018 (Volume 28, numéro 2)
Prix du jeune chercheur : Dre Évelyne Vinet
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Qu'est-ce qui vous a incitée
à devenir rhumatologue et
scientifique médicale?
Mon intérêt et ma fascination pour
le lupus et d’autres maladies du tissu
conjonctif remontent au moment où
j’ai été en contact, pour la première
fois, avec ces affections. Lorsque j’étudiais
la médecine, la première patiente
que j’ai eu à soigner souffrait
de lupus érythémateux disséminé. Et
c’est ici que le verbe « souffrir » prend
tout son sens. C’était une femme de
50 ans chez qui le lupus était apparu
lorsqu’elle avait été en âge d’avoir
des enfants. Comme l’essentiel des
complications de sa maladie s’étaient déjà manifestées alors
qu’elle était une jeune adulte et qu’elles avaient considérablement
nui à sa vie, elle ne s’était jamais mariée et n’avait
pas eu d’enfants.
Un jour que j’effectuais ma ronde, son état s’est rapidement
détérioré. Elle me répétait de ne pas la laisser mourir
pendant que j’appelais l’équipe des soins d’urgence. J’ai essayé
de la ressusciter, mais elle est morte. Cette femme et
sa maladie m’ont beaucoup impressionnée. Depuis, rien ne
me satisfait plus que d’essayer de mieux comprendre ces
affections. Ce faisant, j’ai l’impression que, d’une certaine
manière, je ne la laisse pas tomber.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant
qui songe à devenir chercheur dans le domaine
des maladies rhumatismales?
Le même conseil que le Dr Henri Ménard m’a donné : « Sors
des sentiers battus ». Au début, j’avoue que ce qu’il m’a dit
m’a décontenancée, mais j’ai fini par
comprendre ce qu’il avait voulu dire :
pour faire de réelles découvertes, il
faut réfléchir différemment et trouver
des façons novatrices d’aborder
les problèmes. Ce n’est pas facile, par
contre!
Quels moments forts avez-vous
vécus jusqu'à maintenant
dans votre carrière? Quels défis avez-vous dû
surmonter? Quels moyens
avez-vous dû prendre?
Un des faits saillants de ma carrière
est le mentorat extraordinaire que
j’ai reçu. J’ai été extrêmement privilégiée d’avoir comme
mentores deux femmes incroyables et chercheuses accomplies,
les docteures Sasha Bernatsky et Ann Clarke. Je suis
particulièrement reconnaissante envers Sasha, qui a toujours
été là pour moi. Il ne fait aucun doute que, sans son
soutien généreux et sa patience infinie, je n’aurais pas eu le
même succès. Elle s’est dévouée pour m’aider à réussir ma
carrière et je n’aurais pas pu souhaiter avoir une meilleure
mentore. Il m’arrive de la taquiner, en lui disant qu’elle est
mon maître Jedi, qu’elle me montre le chemin de la Force et
qu’elle me garde loin du Côté obscur, comme Yoda, mais en
plus jolie. Je lui serai toujours redevable.
Je me rappelle d’un défi particulier, que j’ai dû surmonter
très tôt, avant même d’entamer ma carrière. J’étais une
résidente et on m’a dit que la recherche ne serait pas pour
moi, car j’étais une femme qui désirait avoir des enfants.
Heureusement, j’ai persévéré et j’ai été assez chanceuse de
trouver deux mentores dont j’ai pu m’inspirer. Ann et Sasha
m’ont prouvé qu’il était possible de réussir une carrière de chercheuse, tout en étant mère. Elles ont toutes deux été d’un très grand soutien lorsque j’ai eu mes deux filles.
En fait, mes filles, Capucine et Éloïse, sont les points
culminants de ma vie. Elles ne connaissent rien des Instituts
de recherche en santé du Canada (IRSC) et s’en moquent
complètement, mais elles m’inspirent et me réconfortent
dans les moments difficiles en m’aidant à prendre du
recul, surtout après des critiques négatives et les refus de
subvention.
En m’étant si indispensables, mes filles m’ont rendue
consciente de l’importance d’aider nos patients atteints de
maladies rhumatismales à être en mesure d’avoir la famille
qu’ils désirent. C’est ce sur quoi j’axe mon travail depuis
les dernières années. En étant une femme qui voulait des
enfants, c’est cet objectif que j’ai poursuivi. Ce désir n’a pas
limité mes possibilités de recherche : il m’a aidée à trouver
mon créneau.
La Dre Évelyne Vinet recevant son prix des Drs Joanne Homik et Christian Pineau.
Évelyne Vinet, M.D., Ph. D., FRCPC
Professeure adjointe,
Divisions de rhumatologie et
d’épidémiologie clinique
Centre universitaire de santé McGill
Montréal (Québec)
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