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Automne 2018 (Volume 28, numéro 3)

Mentorat de rhumatologues milléniaux

par Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR

« Les personnes de la génération Y ne veulent pas être prises en charge; elles aiment être guidées, conseillées et encadrées. Cette génération est fougueuse et prête à se lancer. Êtes-vous prêts à changer le monde? » – Farshad Asl, auteur du livre The “No Excuses” Mindset

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Les personnes de la génération Y, appelées aussi « milléniaux », et la façon de les soutenir sont des sujets de plus en plus répandus dans les nouvelles et publications médicales. De récents articles ont été publiés dans The Journal of the American Medical Association (JAMA)1 et dans le Journal de l’Association médicale canadienne (JAMC)2. Ils portent sur les différents styles d’apprentissage et de communication des personnes de la génération Y, sur le fait qu’elles ne sont pas réellement accros aux tartines à l'avocat (j’ai remarqué que ce plat faisait partie du menu d’un traiteur lors de l’Assemblée scientifique annuelle [ASA] 2018 de la SCR à Vancouver) et qu’elles sont souvent incomprises par les générations précédentes. L’exemple du résident en chirurgie de la génération Y, jugé par erreur comme ayant joué à un jeu vidéo sur son téléphone alors qu’il se préparait pour une intervention chirurgicale en visionnant en fait une vidéo sur l’intervention chirurgicale prévue, illustre bien le problème.

En tant que baby-boomer ayant la chance de côtoyer mes deux jumeaux de la génération Y et leurs partenaires, j’ai personnellement de l'expérience dans cette situation. Les téléphones sont omniprésents, même s’ils sont rarement utilisés pour des appels. Les messages textes, la messagerie instantanée et les médias sociaux favorisent nos relations. Il est de rigueur d’échanger des liens portant sur des points d’intérêt communs, comme les équipes sportives de Toronto, les absurdités juridiques, les escroqueries en matière d’assurance-automobile, le trafic de billets et les médecins dans le pétrin ou au cœur de controverses en matière d’éducation sexuelle en Ontario. Je dois seulement adopter davantage les baladodiffusions et remplacer mon BlackBerry par un iPhone pour m’harmoniser véritablement avec ma famille de la génération Y en pleine expansion.

Au travail, je me sers de ce que j’apprends à la maison pour personnaliser mes interactions avec les patients. Maintenant, les personnes avec qui la communication est la plus facile sont celles de la génération Y et leurs parents, étant donné que nous partageons les mêmes préoccupations. Il y a dix ans, je partageais davantage d'expériences avec les jeunes diplômés du secondaire (qu’on voit rarement dans un cabinet de rhumatologie pour adultes) et leurs parents. Il y a 25 ans, il s’agissait des parents de jeunes enfants. À une époque caractérisée par un roulement élevé de patients, du temps limité et une résistance permanente appropriée envers la médecine de chaîne de montage dépersonnalisée, les expériences et les intérêts communs sont essentiels pour établir un lien avec les patients stressés qui se battent contre les maladies chroniques que nous traitons.

J’ai toujours adoré enseigner. Étant donné que les possibilités de soupers-conférences classiques dans le secteur de la formation médicale continue (FMC) s’amenuisent, les possibilités de mentorat auprès de rhumatologues en début de pratique ont explosé. Dans de telles situations, l’apprentissage est véritablement bidirectionnel. J’ai récemment passé une superbe matinée en clinique auprès d’un rhumatologue qui pratique depuis maintenant deux ans dans une clinique privée locale. Il n’avait certainement pas besoin que je lui enseigne la physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde (PR). Étant donné que nous utilisons le même système de dossiers médicaux électroniques (DME), les éléments les plus utiles que je pouvais lui enseigner étaient des astuces et des trucs que j’ai découverts ou créés pour accélérer la documentation ou la rendre plus exhaustive, ainsi que des formulaires et des modèles que j’ai créés pour gérer les tâches répétitives désagréables (rejet d’une demande de consultation, rejet d’une demande de renouvellement d’ordonnance, demande de renseignements supplémentaires à propos d’une demande de consultation, etc.). Des phrases utiles pour commencer ou conclure des rencontres cliniques et pour gérer les incertitudes liées au diagnostic et au traitement faisaient également partie de mon programme. Dans l’autre sens, j’ai appris les difficultés liées à la pratique moderne en milieu hospitalier, quelques raccourcis Windows et la façon de brancher adéquatement un nouveau clavier d’ordinateur. Du temps bien investi des deux côtés.

Une autre occasion s’est récemment présentée à moi, au cours de laquelle j’ai pu passer une soirée en compagnie d’un groupe de six rhumatologues de la génération Y qui pratiquent depuis un à cinq ans. L’idée de départ était de discuter de cas difficiles, et cela pourrait se reproduire. Pour la première séance, j’ai préparé environ 25 diapositives portant sur des conseils liés à la pratique, la gestion de patients et de situations cliniques difficiles et des stratégies pour rester à l’écart des problèmes par rapport aux collèges de réglementation provinciaux. J’ai également préparé des diapositives sur la stratégie « marathon par rapport à sprint » en matière de longue carrière médicale ainsi que des études de cas sur des sujets inhabituels. Elles comprenaient mes trois rencontres personnelles avec l’organisme de réglementation provinciale, les leçons tirées du fait d’être un expert médical pour l’Association canadienne de protection médicale (ACPM) ainsi que les mises en garde tirées de l'expérience de trois rhumatologues ontariens qui ont perdu leur permis de pratique au cours de ma carrière, dont un qui est allé en prison. Cependant, nous avons eu une discussion si animée qu’après 90 minutes, nous n’en étions qu’à la cinquième diapositive! Lorsque je fais une présentation, je dis toujours que je ne tiens pas à tout prix à passer à travers toutes les diapositives, mais cette fois, cette séance s'est avérée véritablement naturelle et utile pour nous tous.

J’ai beaucoup d’empathie pour les rhumatologues de la génération Y. En tant que baby-boomer, j’ai profité de frais d’études médicales de 800 $ par année, je n’avais pas de dettes à la fin de mes études (grâce à mes parents), j’ai également profité d’un bien meilleur ratio entre le nombre de postulants et de postes au sein du Canadian Resident Matching Service (CaRMS), de nombreuses possibilités de pratique après le stage ainsi que d’un barème d’honoraires plus convivial, qui s’est effectivement accru au fil du temps, du moins au début. Les maisons coûtaient moins cher, après avoir surmonté le choc de prix lié au déménagement de Montréal à Toronto. Plus tard au cours de ma pratique, j’ai tiré profit d’un programme gouvernemental de subvention aujourd’hui disparu pour l’acquisition et le maintien d’un système de DME.

Si vous êtes dans la même situation que moi, je vous encourage à vous investir dans le mentorat de nos plus jeunes collègues de rhumatologie. La SCR offre de nombreuses possibilités, y compris des bourses d’études d’été et des possibilités de mentorat au sein de l’ASA, à laquelle j’ai participé plusieurs fois et que je recommande vivement. En Ontario, la Dre Thanu Ruban est à la tête de l’initiative Emerging Rheumatologists of Ontario (ERO) de l’Ontario Rheumatology Association (ORA) visant à établir des liens entre les mentors et les mentorés aux fins d’apprentissage, de possible suppléance et de possibilités de pratique permanente ainsi qu’à créer un manuel de pratique propre à la rhumatologie. Il existe peut-être des initiatives semblables dans d’autres associations régionales de rhumatologie au Canada. Les Dres Mary Bell et Gillian Hawker sont d’éminentes rhumatologues canadiennes, qui sont des pionnières et qui ont reçu des prix pour leur travail de mentorat en médecine universitaire. L’initiative Future Leaders in Rheumatology Training (FLIRT), menée par la Dre Janet Pope, s’inscrit dans ce même ordre d’idées.

Pendant que je rédigeais cet article, l’American College of Rheumatology (ACR) a annoncé la mise en route d’un autre programme à l’intention des personnes de la génération Y : « Creating Adult Rheumatology Mentorship in Academia » (CARMA) est un programme de mentorat favorisant le perfectionnement professionnel, la prise de décisions judicieuses et la satisfaction des stagiaires en rhumatologie et des jeunes enseignants dans leur transition vers l’indépendance après un stage.

Les membres établis de l’ACR agiront comme mentors en offrant des conseils à distance en matière de perfectionnement professionnel aux jeunes chercheurs en rhumatologie. » Vous pouvez envoyer un courriel à l'adresse carma@rheumatology.org pour obtenir de plus amples renseignements. Je vous assure que le mentorat est une façon utile et appréciée de redonner à la grande communauté de la rhumatologie et je suis persuadé que vous apprendrez au moins autant que vos mentorés.

Références :

1. Waljee JF, et coll. Mentoring millennials. JAMA 2018; 319(15): 1547-48.

2. Mercer C, et coll. How millennials are disrupting medicine. CMAJ 2018; 190(22): E696-E697.

Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR
Rédacteur en chef du JSCR
Scarborough (Ontario)  

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