banner

Automne 2017 (volume 27, numéro 3)

Du bruit des sabots d'un cheval à ceux d'un zèbre : mon père, le rhumatologue

Par Catharine Dewar, Ph. D., M.D., FRCPC

Télécharger la version PDF

Mon père, David Lloyd George Howard, est décédé en 20151. J'étais très jeune quand il a commencé à me faire participer à son travail. Il m'emmenait avec lui quand il se rendait chez ses patients. Je l'attendais habituellement dans la voiture sauf s'il pensait que cela allait être long. Une belle aquarelle des chutes Bow qui m'est chère orne mon mur. C'est un legs de mon père qui l'avait reçue en cadeau de l'un de ses patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) grave. Mon père m'emmenait quand il allait faire sa tournée à l'hôpital. Je jouais avec les ballons médicinaux en cuir dans le « gymnase » jusqu'à ce qu'il ait terminé. Je regardais passer le défilé du Stampede de Calgary de la fenêtre de son cabinet, assise sur la table d'examen. Mes frères et sœurs et moi-même faisions l'envie de nos camarades d'école. Non seulement notre père était-il docteur, mais en plus son cabinet offrait une vue plongeante sur le défilé annuel! Incroyable.

Quand nous nous promenions ensemble, mon père me demandait : « Que remarques-tu chez cet homme, Catharine? Vois-tu comment il marche? » Voilà comment il m'a appris ce qu'était la claudication de Trendelenburg. « Tu vois cet homme qui tourne son corps d'un seul bloc? » Ce fut ma première leçon sur la spondylarthrite ankylosante. « Tu vois la femme qui a les lèvres bleutées et qui semble siffler? » J'ai ainsi appris ce qu'était la respiration lèvres pincées et la maladie pulmonaire chronique. Comme bien des rhumatologues de la première heure au Canada, mon père a exercé à la fois en médecine interne et en rhumatologie la majeure partie de sa carrière. Il a reçu sa formation en rhumatologie à la Clinique Mayo au début des années 1950. Il m'a raconté qu'un de ses mentors l'avait réprimandé parce qu'il n'avait pas remarqué un clonus... d'une rotule! Il m'a raconté l'histoire d'un garçon dont les « crises » avaient mystifié de nombreux médecins. Un spécialiste avait été appelé et, comme par hasard, une crise est « survenue » alors qu'il examinait l'enfant. Le médecin a giflé le garçon sans perdre une seconde et lui a dit : « Bon, j'en ai assez. Arrête ce cirque IMMÉDIATEMENT! » Le garçon n'a plus jamais eu de crises, et tous les médecins étaient remplis d'admiration pour l'éminent spécialiste. Pas parce qu'il avait giflé le garçon (!), mais parce qu'il avait fait preuve de perspicacité. Que d'histoires racontées par mon père me reviennent à l'esprit quand j'utilise son marteau à réflexes ou son stéthoscope avec mes patients!

Né à Harris, en Saskatchewan, mon père était le fils d'un couple issu d'une lignée de fermiers. Ne comprenant pas pourquoi papa « voulait s'enrichir sur le dos des malades », grand-père avait décidé que ce serait ses deux fils aînés qui s'occuperaient de la ferme. Papa s'est donc tourné vers le médecin du village en qui il a trouvé un mentor. Il a quitté l'Université de la Saskatchewan pour aller faire sa médecine à Toronto, puis a suivi une formation en recherche à l'Université McGill sous la supervision du Dr Hans Selye2. Sur les sages conseils d'Edward Dunlop3, mon père s'est ensuite expatrié pour aller étudier à la Clinique Mayo sous la direction du Dr Philip Hench4, grâce à une bourse de La Société canadienne contre l’arthrite et le rhumatisme (CARS). La formation qu'il y a suivie ne serait pas offerte au Canada avant de nombreuses décennies.

C'est un parcours impressionnant pour un jeune homme qui avait dû laisser la ferme qu'il aimait derrière lui. J'ai eu le bonheur d'avoir mon père dans ma vie longtemps puisqu'il avait 93 ans quand il est décédé. J'ai donc pu bénéficier de son enseignement durant de nombreuses années. Et j'ai eu le privilège de sa compagnie lorsque l'Université de Toronto, son alma mater, m'a décerné le prix du médecin enseignant de l'année en 2000 à titre professeur de rhumatologie. Et nous nous sommes encore plus rapprochés lorsque ma mère a commencé à souffrir de PR alors qu'elle avait 66 ans5. Elle est décédée juste avant le début de l'ère des traitements biologiques que papa trouvait fascinants. Je dois toute ma carrière à mon père rhumatologue, mon tout premier mentor.

Références :

1. Dr David « Red » Howard, M.D. (18 janvier 1922-19 août 2015). Accessible à l'adresse : http://www.legacy.com/obituaries/timescolonist/obituary.apx?pid=175739581. Consulté le 12 septembre 2017.

2. Hans Selye. Accessible à l'adresse : https://en.wikipedia.org/wiki/Hans_Selye. Consulté le 12 septembre 2017.

3. Edward Arunah Dunlop Jr. Accessible à l'adresse : https://en.wikipedia.org/wiki/ Edward Arunah_Dunlop,_Jr. Consulté le 12 septembre 2017.

4. Lloyd M. Philip Showalter Hench 1896–1965. Rheumatology 2002; 41:582-4.

5. Réflexions sur les mains rhumatoïdes. Accessible à l'adresse : http://www.craj.ca/archives/2016/French/Printemps/Dewar.html. Consulté le 12 septembre 2017.

Catharine Dewar, PhD, MD, FRCPC
Chef, Département de rhumatologie
Hôpital Lions Gate

Dr Red Howard, 1948.

Dre Catharine Dewar

Dr Red Howard alors âgé de 82 ans.

Skyscraper

Le code d'accès pour accéder à ce site est disponible à la page 4 du dernier numéro du Journal de la Société canadienne de rhumatologie (JSCR) ou dans la partie supérieure du plus récent courriel de diffusion de la version en ligne du JSCR que vous avez reçu. Les professionnels de la santé peuvent également obtenir le code d'accès en envoyant un courriel à l'adresse suivante : CRAJwebmaster@sta.ca.

Mémoriser