Printemps 2017 (volume 27, numéro 1)
Imagerie de la spondylarthrite : que doit savoir le rhumatologue?
Par Walter Maksymowych, FRCPC Télécharger le PDF
Cas : Le patient était un homme de 23 ans qui avait été recommandé à cause d'antécédents de douleurs dans le dos pendant trois ans après avoir soulevé de l'équipement lourd au cours de son travail comme encadreur. Après que sa douleur aiguë a disparu, il a continué à se plaindre d'une douleur dans le bas du dos et la fesse gauche à tel point qu'il n'a pas pu reprendre le travail et a soumis une demande d'indemnisation à la Commission des accidents du travail. Son médecin de famille lui avait prescrit une analyse sanguine B27, qui était positive, et une radiographie du bassin et du rachis lombaire, qui était normale d'après le rapport. Le médecin de la Commission des accidents du travail avait prescrit en outre une imagerie par résonance magnétique (IRM) du bassin et du rachis lombaire. Le rapport de l'IRM du bassin indiquait une « contusion osseuse non spécifique » dans l'os iliaque gauche dans une « séquence sensible à l'eau », tandis que l'écho de spin pondéré en T1 (ES T1) présentait une « sclérose non spécifique ».
Deux ans plus tard, le patient recevait toujours des prestations d'invalidité pour ce qui était considéré comme une dorsalgie liée à une blessure subie au travail. Avec la recommandation de la Commission des accidents du travail, une nouvelle radiographie du bassin a révélé « une légère irrégularité du cortex iliaque gauche dans l'articulation sacro-iliaque gauche et un pincement de l'interligne articulaire léger et non spécifique du côté droit ». Une nouvelle IRM du bassin a également été prescrite et n'a rien présenté de remarquable d'après le rapport.
Le patient décrivait des symptômes dans le dos et la fesse droite qui étaient plus intenses lorsqu'il se levait de son lit, une raideur le matin pendant une heure, et des symptômes exacerbés par l'activité, mais pas soulagés non plus par le repos. Il se réveillait tôt le matin avec une douleur et une raideur dans le dos, et ses symptômes n'étaient pas soulagés par l'ibuprofène et le naproxène en vente libre, ni par les agents anti-inflammatoires prescrits par son médecin de famille. Toutefois, il ne tolérait pas ces médicaments pendant plus de quelques jours en raison de maux d'estomac. Son dossier médical mentionnait des antécédents de tabagisme de seulement quatre paquets par an. L'examen physique n'a révélé qu'une légère sensibilité musculaire dans le bas du rachis lombaire. Le résultat de l'épreuve de dépistage de la protéine C-réactive était normal.
L'examen des deux IRM du bassin dans le contexte de cette présentation clinique a indiqué un diagnostic de spondylarthrite, dont les caractéristiques étaient plus typiques sur la première IRM (Figures B et C). Les images ont été examinées avec le patient, et il a été informé que l'apparition de sa maladie en même temps que son entorse du dos subie au travail était une coïncidence, sans lien de cause à effet, mais qu'elle correspondait à la présentation habituelle de cette maladie dans la troisième décennie de la vie. Étant donné que son score à l'indice d’activité de la spondylite ankylosante de Bath (BASDAI) était de 6,9 et qu'il présentait une intolérance aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), un traitement par un inhibiteur du facteur de nécrose tumorale lui a été proposé. Il lui a été conseillé d'arrêter de fumer, car cela nuirait à sa réponse au traitement. Quatre mois après le traitement, ses symptômes se sont calmés, son score à l'indice BASDAI était de 2,6, et il a repris le travail.
L'IRM de l'articulation sacro-iliaque constitue un progrès important dans ce domaine, car elle permet non seulement de détecter l'inflammation rapidement après l'apparition de la maladie, mais aussi de décrire diverses lésions structurelles, même sans changements de la sacro-iliite visibles à la radiographie. L'évaluation clinique systématique combine des renseignements visualisés simultanément sur deux types d'examens IRM. La séquence ES T1 détecte les signaux dans la graisse, donc la moelle osseuse adulte des os iliaques et du sacrum est claire, car elle contient de la graisse. Les signaux de la graisse peuvent être supprimés pour permettre la visualisation de l'inflammation dans la moelle osseuse au moyen de séquences en suppression de graisse, comme la séquence STIR (short tau inversion recovery), qui est également une séquence sensible à l'eau. Un signal clair sur la séquence STIR indique donc la présence d'eau liée à un œdème et à l'infiltration cellulaire associée à l'inflammation. La substance corticale est foncée sur les deux séquences. Les deux séquences devraient être systématiquement prescrites dans le cadre d'un protocole d'imagerie propre à la spondylarthrite pour l'IRM, et un document à imprimer (en anglais) pour le service de radiologie peut être téléchargé dans la rubrique « Imaging Portal » du site www.carearthritis.com.
Lorsque la possibilité d'une spondylarthrite est envisagée au vu des observations cliniques, lorsque des décisions thérapeutiques importantes sont en jeu, lorsque des données probantes objectives seront essentielles pour faire changer la compréhension par le patient de sa maladie, et lorsque le rapport habituel des observations sur l'imagerie radiographique est négatif ou évasif, on fait appel au rhumatologue pour prescrire et évaluer l'IRM. La radiographie des articulations sacro-iliaques, un outil obsolète pour l'évaluation diagnostique de cette maladie, n'est pas fiable au stade précoce de la maladie, et le recours à la radiographie constitue l'un des principaux facteurs de retard du diagnostic. Il incombe au rhumatologue d'apprendre à déchiffrer l'IRM et de comprendre les aspects élémentaires de l'interprétation des images DICOM (Digital Imaging and Communications in Medicine) afin qu'il puisse avoir un dialogue éclairé avec le radiologue. Les radiologues reçoivent peu ou pas de formation à l'interprétation des caractéristiques de la spondylarthrite à l'IRM et ne connaissent souvent pas les principaux scénarios cliniques dans lesquels l'IRM peut faire changer la prise en charge des patients atteints de spondylarthrite.
Un module de formation en ligne basé sur le format d'image DICOM est accessible à partir de la rubrique « Imaging Portal » du site Web de CaRE Arthritis (www.carearthritis.com) pour fournir aux rhumatologues les connaissances essentielles de base sur l'interprétation des IRM de la spondylarthrite et des autres affections qui s'inscrivent souvent dans le diagnostic différentiel. Un outil simplifié de visualisation des images DICOM permet d'apprendre intuitivement à paramétrer une image DICOM. Chacun des 20 cas est abondamment annoté, et l'expérience de l'interprétation des IRM est rapidement acquise par l'apprentissage expérientiel, un moyen d'acquérir de nouvelles compétences qui a fait ses preuves. Ce module a été élaboré à partir des sept années d'expérience que mes collègues spécialistes en radiologie musculosquelettique et moi-même avons acquise en animant des ateliers de formation pratique destinés à des rhumatologues et à des radiologues dans le monde entier. Les participants aux ateliers se sont souvent dits satisfaits d'avoir acquis une nouvelle compétence grâce à cette technique de l'apprentissage expérientiel. Le maintien des compétences est renforcé par la présentation d'un cas par mois, provenant des images soumises dans la rubrique « Imaging Portal » aux fins d'examen en vue d'obtenir un second avis.
L'IRM a un rôle indispensable dans la prise en charge des patients atteints de spondylarthrite, et un rhumatologue qui ne maîtrise pas l'interprétation élémentaire de l'IRM ne peut pas exercer de manière adéquate. Il n'est ni approprié ni réaliste de confier l'entière responsabilité de l'interprétation au radiologue. Le cas présenté illustre les conséquences potentielles de cette stratégie.
Walter Maksymowych, FRCPC
Professeur de médecine,
Département de médecine,
Division de rhumatologie,
Université de l'Alberta
Edmonton (Alberta)
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