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Été 2016 (volume 26, numéro 2)

Rhumatologue émérite :
Dr Ronald Laxer

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Pourquoi avez-vous choisi de devenir rhumatologue? Quels événements ou personnes vous ont influencé en cours de route?
C’est principalement dû à Arthur, un garçon de cinq ans à qui j’avais été affecté vers la fin de ma première année de résidence pédiatrique à l’Hôpital de Montréal pour enfants. Il souffrait d’arthrite juvénile idiopathique (AJI) systémique et était très malade. Nous n’avions pas de rhumatologue dans notre équipe et soigner Arthur n’était pas simple. C’est à ce moment-là que j’ai décidé que je deviendrais un rhumatologue pédiatrique et que je reviendrais à Montréal pour fournir d’excellents soins aux patients. Je me suis rendu à Vancouver pour ma formation postdoctorale, mais on ne m’a jamais offert de poste à Montréal.

Qu’est-ce qui capte autant votre intérêt dans la maladie auto-inflammatoire? Quels changements avez-vous observés dans le domaine au fil du temps depuis vos débuts en recherche?
Lorsque j’ai quitté mon « purgatoire » administratif pour me remettre à la rhumatologie à temps plein en 2009, je voulais relever un nouveau défi clinique et j’ai donc décidé d’ouvrir une clinique pour les patients présentant des maladies auto-inflammatoires. Ces affections sont particulièrement intéressantes parce que, dans la plupart des cas décrits jusqu’à présent, la biologie a du sens sur le plan clinique (c.-à-d. qu’une mutation génétique modifie la réponse inflammatoire). Pour de nombreux patients, il existe maintenant des traitements efficaces qui peuvent changer leur vie. Notre équipe a contribué à la découverte génétique pour quatre nouvelles maladies auto-inflammatoires. Avec les possibilités actuelles de séquençage de nouvelle génération, de plus en plus de maladies pourront être découvertes, leurs voies pourront être décrites et comprises et, espérons-le, des traitements seront développés. Beaucoup d’anciennes maladies, comme la goutte et la péricardite récidivante, sont maintenant considérées avoir une importante composante auto-inflammatoire et le traitement pour les maladies auto-inflammatoires traditionnelles pourrait être applicable à certaines de ces maladies plus courantes aussi. J’aime aussi beaucoup le défi clinique de pouvoir véritablement établir un diagnostic chez des patients présentant une maladie multisystémique.

Certaines sources près de nous affirment que vous faites l’allée-retour jusqu’au travail à pied et que vous êtes un fervent adepte de Fitbit. Pourquoi est-ce aussi important pour vous de faire autant de pas chaque jour?
Nous avons déménagé plus près de l’hôpital et de nos enfants il y a six ans; mon trajet quotidien d’au moins 45 minutes en auto est alors devenu un trajet de 15-20 minutes. Mais j’habite à 16 minutes de marche du métro, alors j’ai commencé à voyager en métro et j’ai éventuellement pu me départir d’une de nos autos. Par une belle journée ensoleillée, j’ai décidé de marcher de l’hôpital jusqu’à la maison, puis j’ai eu l’idée de marcher jusqu’au travail chaque matin (près de 8 km). Lorsque je finis de
travailler à une heure raisonnable (rare), je marche aussi pour revenir à la maison, ce que je fais plus souvent l’été. Je suis conscient de l’importance de faire de l’exercice, même si je n’aime vraiment pas en faire; mais j’adore marcher, surtout avec les nombreux excellents balados que je peux écouter en chemin.

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Un moment poétique avec la Dre Claire Bombardier, le Dr Ron Laxer et le Dr Cory Baillie.

En 2009, vous étiez le deuxième Canadien à recevoir le prix du
« Clinicien-chercheur distingué » de l’American College of Rheumatology (ACR). À votre avis, pourquoi la recherche pédiatrique passe-t-elle si souvent inaperçue? Qu’est-ce que cet honneur représentait en termes de validation de votre intérêt pédiatrique?

D’abord, nous sommes très peu nombreux comparativement à nos collègues pour les adultes. Deuxièmement, nous commençons tout juste à acquérir une certaine maturité en tant que domaine de spécialisation. Je crois qu’être oubliés parce que nous sommes des rhumatologues pédiatriques est maintenant chose du passé. Tout travail d’excellence conforme à un ou l’autre des piliers académiques (créativité, activité professionnelle, recherche, enseignement et éducation) devrait être, et a récemment été, reconnu, peu importe sa provenance.

En deux phrases, qu’est-il arrivé à l’équipe des Canadiens cette année?
Meilleur gardien de but au monde.
Blessure catastrophique.
Saison des Canadiens démolie.

On a proclamé que vous étiez « la force motrice qui a lancé, soutenu et encouragé la croissance de la Division de rhumatologie » à l’Université de Toronto. Que pensez-vous de cette distinction?
Je suis très fier de la Division, mais je ne peux pas revendiquer tout le mérite pour son développement. Elle a commencé avec la Division de l’immunologie sous la direction du Dr Erwin Gelfand. Le Dr Len Stein avait reçu sa formation en rhumatologie pédiatrique à Ann Arbor et est ensuite venu à Toronto pour faire de la recherche avec Erwin. Je me suis joint à Len en juillet 1984 et le Dr Earl Silverman s’est joint à nous deux en novembre 1984.

D’abord Len, puis Erwin, sont repartis au cours des années qui suivirent, laissant Earl et moi-même travailler avec le Dr Abe Shore, un rhumatologue pédiatrique dûment formé qui était aussi membre du personnel de l’hôpital pour enfants de Toronto (SickKids). Nous avons constitué une division distincte en 1990. Tragiquement, Abe est décédé en 1991. Notre équipe compte maintenant 10 rhumatologues, tous (à part Earl et moi) diplômés de notre programme de formation postdoctorale, dont deux, le Dr Rayfel Schneider et le Dr Brian Feldman, qui sont devenus mes patrons en tant que chefs de division. Tous ont apporté de remarquables contributions, faisant du programme SickKids un des meilleurs programmes en rhumatologie pédiatrique au monde.

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Entouré par les amis et les collègues.

Quelle a été votre première pensée en apprenant que vous alliez recevoir ce prix?
J’ai été submergé par une forte réaction émotionnelle, avec des sentiments de fierté et d’humilité. J’étais fier des progrès réalisés par notre équipe et notre domaine de spécialisation et aussi de voir que mes efforts pour faire avancer le domaine étaient reconnus par mes pairs. Ce prix a été décerné aux géants de la rhumatologie canadienne et de me joindre aujourd’hui à ce groupe d’élite est très touchant.

Quel est le plus grand défi professionnel que vous avez rencontré et comment l’avez-vous relevé?
J’ai passé plus de six années comme vice-président d’un hôpital responsable d’un énorme dossier incluant l’ensemble du personnel médical. Diriger des domaines dans lesquels je n’avais aucune expérience (p. ex. les laboratoires d’hôpital, la qualité et la gestion des risques, entre autres) s’est avéré être un défi de taille. Lorsque j’ai été en mesure de reconnaître qui dans les différents groupes étaient les meilleures personnes pour assurer un leadership, j’ai senti que la situation était sous contrôle. Reconnaître le talent, traiter les gens avec respect, assumer un solide rôle de supervision, n’intervenir que lorsque cela était nécessaire et permettre aux gens de mettre leurs talents à profit sont quelques-uns des moyens qui ont assuré mon succès dans cette fonction.

Nous avons entendu dire que votre mémoire était phénoménale et une source fréquente d’émer-veillement pour vos stagiaires. Qu’est-ce que cela a représenté pour votre carrière d’avoir une capacité de rappel aussi précise et détaillée? D’un autre côté, y a-t-il déjà eu un moment où vous auriez souhaité pouvoir oublier quelque chose?
J’ai effectivement été béni (et peut-être maudit) d’une excellente mémoire. Cela m’a souvent permis de citer des passages d’articles lus longtemps auparavant et de me rappeler de ce qui était arrivé à des patients. Je me
souviens de patients que nous n’avions pas pu diagnostiquer et j’ai fait revenir certains d’entre eux des années plus tard pour confirmer un diagnostic soupçonné. Y a-t-il des choses que je voudrais oublier? Oh que oui! Ces années comme vice-président d’un hôpital en font partie! Mais avec le temps, je commence à oublier de plus en plus.

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D’un grand éducateur à l'autre.

Au cours de votre vie, dans combien de villes avez-vous vécu et quelle a été votre favorite?
J’ai vécu à Montréal, à Vancouver et à Toronto. Ce sont toutes mes villes favorites. J’ai grandi, étudié et été formé à Montréal, une ville avec une joie de vivre comme nulle autre au Canada à cette époque. C’est là que je me suis marié et que nous avons eu notre première fille. J’ai vu les Canadiens remporter 10 Coupes Stanley, assisté au match d’ouverture des Expos de Montréal et assisté à de nombreux événements des Jeux olympiques d’été en 1976. Pour ma formation postdoctorale, je suis allé à Vancouver qui offre la splendeur naturelle des montagnes et de l’océan. Nous y avons trouvé des amis pour la vie dont nous sommes encore proches et notre deuxième fille y est née. Toronto est maintenant notre lieu de résidence; une ville dynamique et culturellement diversifiée qui m’a ouvert la porte à d’incroyables occasions universitaires et qui est la ville où est née notre troisième fille. Nous ne bougerons plus puisque nous ne prévoyons pas avoir d’autres enfants!

Ronald M. Laxer, MDCM, FRCPC
Professeur, départements de pédiatrie et de médecine,
Université de Toronto
Rhumatologue titulaire,
The Hospital for Sick Children
Toronto (Ontario)

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