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Automne 2016 (volume 26, numéro 3)

Faire face aux frustrations dans les relations entre pharmaciens et rhumatologues

Par Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR

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« La définition de la folie, c’est de refaire toujours la même chose, et d’attendre des résultats différents. »
– Albert Einstein

Personnellement, je n’ai jamais envisagé une carrière en pharmacie, mais je dois admettre que cette option a maintenant certains attraits. La portée de cette profession polyvalente en soins de la santé s’étend du milieu hospitalier au milieu industriel, de la possibilité de gérer une petite entreprise à la création de formulaires pour des millions de patients, de la recherche universitaire à la distribution communautaire et de la possibilité d’œuvrer au niveau des soins de longue durée à la direction de régimes de médicaments gouvernementaux. De plus en plus, en vertu des nouveaux modèles de soins, les pharmaciens deviennent des membres importants de nombreuses équipes de rhumatologie.

Cependant, l’estime que j’ai, en théorie, à l’égard des pharmaciens ne cesse de se heurter aux réalités quotidiennes des interactions médecin-pharmacien que je rencontre en pratique clinique. Est-ce eux ou est-ce moi? Par exemple, je crois fermement au bien-fondé de prescrire les médicaments d’entretien non narcotiques en fortes quantités et avec de multiples renouvellements, soit, généralement, une quantité suffisante pour trois mois avec cinq renouvellements. À mon avis, cela évite au patient des frais d’ordonnance et des visites à la pharmacie. Grâce à mes dossiers médicaux électroniques (DMÉ), je peux voir à chaque visite si une prescription aura besoin d’être renouvelée avant la prochaine visite ou non. Pourtant, je continue à recevoir des télécopies de pharmacies demandant des renouvellements d’ordonnances qui n’ont pas encore expiré selon mes dossiers. C’est quoi le problème?

Peut-être le patient a-t-il changé de pharmacie et a maintenant besoin de toute une série de nouvelles ordonnances? J’ai demandé à plusieurs patients dont la pharmacie demandait souvent de tels renouvellements si c’était le cas, et ils m’ont assuré que non. D’ailleurs, un des plus précieux atouts d’une pharmacie est sa liste de clients et leurs ordonnances. Les annonces des pharmacies vantent la simplicité de transférer nos ordonnances à une autre pharmacie. Le pharmacien dans mon complexe médical m’a confirmé que de nouvelles ordonnances et la participation du prescripteur ne sont pas nécessaires, à moins qu’il y ait d’autres renouvellements inscrits à l’ancienne pharmacie ou qu’il s’agisse de médicaments contrôlés. Le processus est plus simple que pour changer tous vos paiements préautorisés lorsque vous changez de banque.

Je me suis aussi demandé pourquoi je recevais des télécopies pour des renouvellements peu après la visite d’un patient lors de laquelle je lui avais remis une nouvelle prescription. Certains cas demeurent des mystères, mais certains ont été dus au fait que les patients n’avaient pas promptement remis leurs prescriptions à leur pharmacien, amenant alors le pharmacien à demander un renouvellement. Je dis maintenant à tous mes patients, même s’ils n’ont pas besoin de leurs médicaments immédiatement, ce serait une bonne idée de remettre leur prescription à leur pharmacie sans tarder pour prolonger leur période de renouvellement et pour éviter de la perdre entre-temps. Peut-être devrais-je commencer à envoyer toutes les prescriptions aux pharmacies par télécopieur au lieu de les remettre à mes patients dans le bureau. Éventuellement, les prescriptions électroniques devraient résoudre ce problème.

J’ai de nombreux patients qui sont autorisés à modifier les doses de leurs médicaments en fonction de leur état clinique, incluant des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), des stéroïdes et même des antirhumatismaux modifiant l’évolution de la maladie (ARMM) et des agents biologiques. D’autres ont des régimes médicamenteux à posologie régressive ou progressive où la durée précise de chaque étape d’adaptation à la hausse ou à la baisse est déterminée par des essais et des erreurs. J’indique une posologie PRN ou je spécifie que la dose pourrait varier à l’intérieur d’un certain intervalle, ou que la dose indiquée est une dose réduite ou augmentée par rapport à l’ordonnance précédente. Cela fonctionne bien la plupart du temps. Cependant, certains pharmaciens sont tout simplement incapables de gérer une dose incertaine. Un patient avec une ordonnance parfaitement valide pour du méthotrexate (MTX) 15 mg/sem est avisé d’essayer de réduire la dose à 12,5 mg/sem et de poursuivre avec la plus faible dose si tout va bien ou de revenir à la dose plus élevée si son état se détériore. Je n’ai pas besoin de recevoir une télécopie une semaine plus tard me demandant une nouvelle ordonnance à 12,5 mg/sem lorsque le patient dit au pharmacien qu’il se sent bien avec la plus faible dose.

Voici quelques-unes de mes autres bêtes noires à l’égard des pharmaciens :

1. Les préoccupations excessives et non fondées à propos d’interactions possibles entre le MTX à faible dose et les AINS ou les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). Ma solution est d’utiliser le message recommandé par la SCR, sur une base prophylactique, avec mes ordonnances pour le MTX. Voir le site Web de la SCR au www.rheum.ca/fr/the_cra/drug_updates.

2. Les feuilles d’information sur les médicaments destinées aux patients qui sont mal conçues, souvent tirées de bases de données américaines, et qui sont difficiles à comprendre et assez terrifiantes pour convaincre les patients de ne pas prendre les médicaments dont ils ont besoin. Ma solution est de leur remettre les fiches d’information de www.rheuminfo.com/fr/ pour les médicaments prescrits à l’avance, là encore à titre prophylactique, avant que le patient ne se présente à la pharmacie.

Enfin, alors même que je rédigeais ce texte, j’ai réalisé que même les patients sont parfois suffisamment insatisfaits de leurs pharmaciens pour en venir à exprimer leurs frustrations publiquement. Je lisais un de mes blogues financiers favoris écrit par un directeur des placements iconoclaste, Jamie Hymas. Au beau milieu de ses commentaires quotidiens sur le marché, il s’est senti suffisamment irrité par son pharmacien qui refusait de diviser ses comprimés en deux pour en parler longuement dans son texte. Vous pouvez lire ses doléances sur www.prefblog.com; recherchez la publication du 1er avril 2016.

On ne sait pas vraiment si Einstein est à l’origine de la citation sur la définition de la folie qui introduit cet éditorial. On sait toutefois pertinemment que les interactions médecin-pharmacien bénéficieraient d’un changement au modèle actuel pour obtenir de meilleurs résultats avec moins d’exaspération pour tout le monde. En espérant que cela se produira avant longtemps!

Philip A. Baer, M.D.,C.M., FRCPC, FACR
Rédacteur en chef, JSCR
Scarborough (Ontario)

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