Printemps 2015 (volume 25, numéro 1)
ACR 2014
par Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR
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« You wanna be where you can see, our troubles are all the same / You wanna be where everybody knows your name. »
– Gary Portnoy, « Where Everybody Knows Your Name » (paroles de chanson, Portnoy & Angelo), trame sonore de Cheers, 1982.
Boston 2014 était pour moi une troisième participation au congrès de l’American College of Rheumatology (ACR) à Beantown. La première fois, je me souviens avoir logé en plein centre-ville, avec le congrès qui se tenait au Hynes Convention Centre. Les déplacements étaient plutôt cauchemardesques en raison du projet Big Dig de Boston visant la restructuration et l’enfouissement des autoroutes... projet qui s’est achevé avec plusieurs années de retard et en dépassant le budget, mais qui en valait la peine finalement. J’avais compensé à la situation en participant à plusieurs visites à pieds guidées à travers la Back Bay, le Boston Common et le Freedom Trail. L’ACR avait l’habitude de les offrir à coût modique par le biais du « Programme pour les conjoints » du congrès... vestiges d’une époque révolue.
Lors de ma deuxième visite à Boston, nous étions au Boston Convention and Exhibition Center (BCEC) dans le Seaport District revitalisé, le plus gros édifice de la Nouvelle-Angleterre. C’était en 2007, et le sujet de l’heure parmi les participants canadiens était la force de notre huard qui volait bien haut à 1,10 $ de valeur en dollars américains. Tout était à bas prix pour nous, y compris les billets pour assister à un match de hockey entre les Canadiens de Montréal et les Bruins de Boston au TD Centre.
Mes attentes cette année pour Boston était un congrès tranquille, en compagnie de mon épouse, à gérer l’inévitable cirque à trois pistes des sessions de réunion, du réseautage et des événements concernant la SCR, le tout entremêlé de quelques visites touristiques des principaux attraits de Boston, notamment le Harvard Yard, l'Institut d'Art Contemporain et le musée du Boston Tea Party. N’étant pas un participant régulier à la revue en rhumatologie de Harvard, mes visites à Boston sont plutôt sporadiques.
Cette notion d’un congrès relaxant a évidemment été balancée par-dessus bord dès que j’ai appris qu’un des résumés que nous avions soumis avait été accepté pour une présentation orale à l’ACR. Merveilleux, sauf qu’en tant que premier auteur, la responsabilité de présenter l’étude me revenait, ce qui, après 30 ans en rhumatologie, était pour moi une grande première! Bien sûr, au fil des années, j’avais présenté des affiches scientifiques, dont la première à l’ACR 1986. Je me souviens d’avoir mis les différentes parties en très gros caractères sur des feuilles de papier standard, de les avoir collées sur des morceaux de carton contrastants, de les avoir mises dans une enveloppe brune et d’avoir eu besoin de 24 punaises pour tout installer sur le panneau d’affichage. Le tout portait sur le sujet de l’impact des injections intra-articulaires de stéroïdes sur les concentrations de salicylate en contexte de PR. Possiblement un des rapports ayant eu le plus faible impact dans l’histoire de la recherche en matière de rhumatologie, mais qui a tout de même fini par mener à la publication d’un article après le congrès. En fouillant dans mes articles en rhumatologies dernièrement, j’ai même retrouvé la lettre d’acceptation d’affiche du Dr Ronald Messner m’avisant que notre affiche était l’une des 300 affiches retenues. Évidemment, l’envergure de cet événement était loin des milliers d’affiches présentées à l’ACR 2014.
Par la suite, j’avais présenté différentes affiches à des congrès sur la douleur et la rhumatologie, généralement avec mon épouse comme coauteure. La production s’est intensifiée lorsque je me suis joint au registre BioTRAC (Biologic Rheumatology Registry Across Canada) à titre d’investigateur et que nous avons alors accueilli un nombre important de patients permettant l’analyse de multiples questions scientifiques dans un contexte canadien d’observation dans le monde réel. Cela a mené à de nombreuses occasions de me tenir devant des affiches scientifiques à différentes rencontres de la SCR, de l’ACR et de l’EULAR (European League Against Rheumatism), culminant en la présentation d’une affiche lors d’une des Tournées de présentation d’affiches de l’ACR à San Diego en 2013. Je pensais bien avoir atteint l’apogée de ma contribution au monde de la recherche.
Cette présentation orale s’accompagnait d’occasions additionnelles de me retrouver dans des situations embarrassantes. Je ne voulais pas qu’on garde de moi le souvenir de celui qui s’était évanoui durant sa présentation, ce que j’avais déjà eu l’occasion de voir à un congrès antérieur. Je ne voulais pas non plus être confronté au test de mémoire qu’avait subi le Dr Ed Keystone (deuxième auteur pour notre étude) lorsqu’une panne d’électricité était survenue au cours de sa présentation. Il avait heureusement brillamment relevé le défi sans se laisser intimider, ayant mémorisé tous les chiffres inclus dans ces diapositives jusqu’à la deuxième décimale.
Heureusement, notre article comptait 14 coauteurs, incluant une excellente équipe de biostatisticiens, et l’appui d’un commanditaire dévoué. Des grandes lignes initiales, nous avons rapidement progressé à travers cinq ébauches. Puis le Dr Keystone a changé l’ordre de nos diapositives, remaniant le tout pour en accroître la simplicité et la cohérence. Mon fils a veillé à m’inculquer quelques notions de base en statistique, incluant le test du chi-carré, le coefficient de corrélation de Pearson et les courbes ROC, et notre groupe de biostatisticiens m’a montré comment expliquer la justification de nos choix de modélisation. Je me suis pratiqué à notre Club du journal et à d’autres événements d’EMC avec des présentations sur le sujet des indices composés en contexte de polyarthrite rhumatoïde (PR). Comme j’ai pu le constater il y a quelques années lors du Grand débat de la SCR, 10 à 12 minutes est fort peu de temps pour transmettre une présentation logique et compréhensible. Je tiens à remercier tous ceux qui ont écouté et commenté mes présentations. Dr Jacques Brown, Dre Claire Bombardier, Dre Dafna Gladman, Dr Bob Josse et Dr Keystone m’ont tous fourni de judicieux conseils sur la façon de traiter les questions et de présenter dans de grandes salles sombres où il est pratiquement impossible de voir l’auditoire. Mon plan d’attaque était de remplir la salle de collègues et amis canadiens et de laisser le moins de temps possible pour les questions complexes.
Une nouvelle crise de nervosité a fait surface avec la publication du programme final du congrès de l’ACR. Notre présentation était prévue en après-midi, en même temps que neuf autres séances simultanées, et on me réservait la plus grande des neuf salles, suggérant que notre article ferait partie d’une séance pour laquelle beaucoup d’intérêt était anticipé. Je me suis dit que la deuxième plus grande salle attirerait certainement une partie de mon auditoire, étant donné que les coprésentateurs n’étaient nul autre que le Dr Iain McInnes et la Dre Vivian Bykerk, toujours très populaires. Au moins, je n’avais plus à m’inquiéter d’avoir une main tremblante sur le pointeur laser, puisque je n’en utiliserais pas dans une aussi grande salle avec de multiples écrans de projection.
Mais finalement, tout s’est bien passé. Notre présentation a été jumelée à une autre du registre DANBIO portant aussi sur le sujet des résultats liés aux patients dans les mesures composées d’activité de la maladie et à laquelle j’ai pu faire référence en présentant notre étude. Nos diapositives étaient bien visibles dans la grande salle et personne n’a posé de questions sur les statistiques. L’écart Canada-É.-U. en matière d’examen physique a été mis en évidence par les questions portant sur notre confiance à l’égard des examens d’articulations sans recours à l'échographie de chevet.
Une fois cette affaire classée, j’ai pu profiter du reste de la rencontre, incluant notamment les réunions très animées du conseil de la SCR et du conseil du JSCR, ainsi que de nombreux déjeuners, dîners et soupers avec des collègues. La soirée du Canada au Club Harvard, au 38e étage d’un gratte-ciel du centre-ville, a été excellente : des collègues familiers et agréables accompagnés de leurs familles, un délicieux repas et des vues spectaculaires malgré la température pluvieuse. Le Dr Andy Thompson et son équipe de www.rheuminfo.com nous ont fourni des suggestions éclairées sur les séances à ne pas manquer avec leur nouveau site Web www.rheumreports.com. Merci à la Dre Janet Pope, une des journalistes du Dr Thompson, pour les statistiques suivantes sur les auteurs canadiens particulièrement prolifiques à l’ACR 2014 :
D.D. Gladman (39), E. Keystone (28), W.P. Maksymowych (26),
B. Haraoui (22), P. Rahman (20), J.S. Sampalis (20), V. Chandran (18),
B. Bensen (17), D. Choquette (17), E. Rampakakis (16), J. Pope (16),
V.P. Bykerk (16), C. Thorne (15). Cette liste représente le nec plus ultra de la rhumatologie canadienne dont nous pouvons tous être très fiers.
Je pensais que je m’en sortais bien avec mes neuf résumés, dont un conjointement avec mon épouse, mais nous jouons dans des ligues bien différentes!
La température a été représentative de ce à quoi on pouvait s’attendre au mois de novembre dans le Nord-Ouest et le Wi-Fi était plutôt intermittent au centre des congrès, mais dans l’ensemble, nous avons eu droit à un autre excellent congrès. J’ai bien aimé les présentations sur les nouvelles lignes directrices pour la pseudopolyarthrite rhizomélique, mais j’ai été un peu déçu par la mise à jour 2015 des lignes directrices pour la PR de l’ACR. Des données rassurantes ont été présentées sur les antipaludiques pour la réduction de la morbidité cardiovasculaire en présence de maladies rhumatismales et la possibilité d’administrer le vaccin contre le zona aux patients traités par des agents biologiques. Notre propre Dr Ron Laxer a été l’expert présentateur pour un CPC sur l’ostéomyélite multifocale chronique récurrente (OMCR), une maladie auto-inflammatoire qui touche principalement les enfants. Le Dr Earl Silverman a reçu un prix de l’ACR pour l’excellence de son mentorat en recherche. De nouveaux traitements ciblant l’IL-17 en contexte d’arthrite séronégative et les transporteurs d’acide urique 1 (URAT1) en contexte de goutte ont été mis en évidence, ainsi que des traitements ciblant l’interféron en contexte de lupus.
En fin de compte, nous avons eu droit à une visite de Harvard guidée par un étudiant de deuxième année et nous avons exploré le Freedom Trail. L’aquarium, l’Institut d’Art Contemporain et le musée du Boston Tea Party devront attendre une prochaine visite. L’alcool coulait à flot, mais nous n’avons pas eu la chance de nous rendre au fameux bar de Cheers non plus.
Évidemment, aucun voyage ne saurait être complet sans quelques désagréments de voyageur. Nous sommes restés jusqu’à la fin du congrès, le mercredi à midi, et avons atterri à Toronto à 16 h, au beau milieu d’une tempête de neige automnale. Résultat : deux heures d’attente pour un taxi au sein d’une foule indisciplinée qui a nécessité la présence de la police pour maintenir l’ordre. Nous nous sommes retrouvés dans la file d’attente avec le Dr Rayfel Schneider, un rhumatologue pédiatrique que je n’avais encore jamais rencontré. Jaser avec lui a fait passer le temps plus vite et m’a aussi donné quelques idées pour de futurs articles dans le JSCR. Finalement, nous avons partagé un taxi, ce qui n’a pris que deux heures de plus pour traverser un embouteillage monstre et nous ramener chacun chez nous. Cela m’a rappelé quelques souvenirs de la rencontre de la SCR en 2008 à
Mont-Tremblant, quand nous avions dû passer la nuit à l’Aéroport Trudeau de Montréal, mais en un peu moins pire quand même.
J’ai déjà hâte à l’ACR 2015 à San Francisco, mais je ne peux même pas y penser pour le moment. Il y a d’abord la SCR 2015 qui s’annonce, et ensuite l’EULAR! Un cycle sans fin...
Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR
Rédacteur en chef, JSCR,
Scarborough, Ontario |