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Printemps 2014 (volume 24, numéro 1)

Un appel à l’action pour la vaccination des adultes : Les patients immunodéprimés exposés à un risque accru

par Carolyn Whiskin, R. Ph., B. Sc. Phm, NCMP,
Derek Haaland, M.D., M. Sc., FRCPC,
William Bensen, M.D., FRCPC, et
Vivien Brown, M.D., C.M., CCFP, FCFP, NCMP

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L’enjeu

Au Canada, la vaccination de la population pédiatrique bénéficie de taux d’adhésion élevés en raison des protocoles bien établis, de l’appui des autorités de la santé publique et des programmes en milieu scolaire. On ne peut en dire autant de l’immunisation de la population adulte. En effet, pour les adultes, il n’existe pas de « point de contrôle » qui créerait l’occasion d’administrer les vaccins requis; selon le Rapport national sur l’immunisation au Canada, 2006, la plupart des adultes canadiens sont sous-immunisés dans le cas de tous les vaccins. On a déjà proposé que le moment opportun de discuter de ce volet de la santé préventive soit vers l’âge de 50 ans, lorsque commencent les épreuves de dépistage des cancers du côlon et du sein, entre autres.

Cette pratique n’est pas encore établie au Canada; par conséquent, lorsque les patients ont besoin de traitements qui risquent de compromettre le système immunitaire, les médecins spécialistes qui prescrivent ces traitements ne peuvent présumer que la vaccination a bel et bien été renouvelée comme il se doit. Lors de l’instauration d’un traitement, la question suivante se pose donc : « Qui est responsable de vérifier que les vaccins ont été administrés? » Bien que ce soit en général le médecin de famille qui soit chargé de conseiller ses patients en matière de vaccination, les spécialistes qui instaurent un traitement immunosuppresseur partagent une partie de la responsabilité de discuter de la vaccination et de veiller à ce que le patient reçoive les vaccins pertinents avant d’entreprendre le traitement. Lors de la réunion scientifique annuelle de la SCR en 2013, les rhumatologues ont répondu à un sondage sur la vaccination. Les résultats montrent que même si la majorité des rhumatologues interrogés considère que la discussion sur la vaccination est importante, elle ne s’inscrit pas dans les pratiques courantes. Parmi les raisons citées pour expliquer cette lacune, les rhumatologues ont souligné nombreuses autres explications à donner au patient sur le diagnostic et les choix de traitement, la trop abondante information que doit absorber le patient, le manque de temps et de soutien infirmier. Bien qu’il importe de souligner que la vaccination de l’adulte ne joue pas un rôle aussi important dans la prévention des maladies que la vaccination de l’enfant, elle contribue de façon importante à atténuer la gravité des maladies chez l’adulte, ainsi qu’à réduire les taux de morbidité et de maladie. Les statistiques récentes sont fort éloquentes : le taux des décès attribuables à des maladies évitables par la vaccination est 100 fois plus élevé chez les adultes que chez les enfants.

Quelle est la situation dans la population à risque?

Aux fins d’une étude de cohorte rétrospective, on a répertorié une population de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) âgés de
66 ans et plus à l’aide d’une base de données administrative sur la santé en Ontario pour la période allant du 1er avril 1992 au 1er mars 2010. Au moment de leur inclusion dans l’étude, tous les patients devaient avoir été traités au moins une fois par un antirhumatismal modifiant la maladie (ARMM), par un médicament biologique ou par un glucocorticoïde pour la voie orale. Les taux d’infection se sont révélés plus élevés dans cette population que dans la population générale, et les taux d’incidence les plus élevés touchaient la pneumonie bactérienne, le zona et les infections de la peau ou des tissus mous. Lorsque les vaccins ne sont pas administrés avant le traitement par des immunosuppresseurs, le patient déjà vulnérable n’est pas protégé contre les infections. La conséquence d’être atteint d’une pneumonie ou du zona est plus grave que le fardeau de l’infection même, car les patients doivent interrompre leur traitement principal jusqu’à la résolution de l’infection. Ils sont ainsi exposés à un risque de rechute de la maladie traitée par l’immunosuppresseur; dans le cas des ARMM biologiques, l’omission de doses de médicament risque d’accroître l’immunogénicité, de réduire l’efficacité du traitement et d’augmenter les effets indésirables. Des patients ont décrit la perte de la rémission et un plus lourd fardeau de la maladie chronique bien après la résolution de l’infection secondaire. Dans une clinique de Hamilton, Ontario, où on administre des ARMM biologiques, six cas de zona ont été diagnostiqués en moins d’un mois et dans tous les cas, on a dû interrompre le traitement de fond. La névralgie postherpétique (NPH) et les poussées d’arthrite ont eu de graves conséquences pour ces patients. Aucun de ces six patients n’avait reçu le vaccin contre le virus varicelle-zona (VZV) ni n’avait eu une discussion sur la vaccination avec médecin avant le début du traitement immunosuppresseur.

La pneumococcie invasive causée par la bactérie Streptococcus pneumoniæ entraîne le plus haut taux d’incidence chez les jeunes patients ainsi que chez les patients âgés de plus de 50 ans; le risque de décès causé par la pneumococcie invasive augmente en fonction de l’âge. Durant sa vie, un patient court un risque de 30 % d’être atteint du zona et ce risque aussi s’accroît avec l’âge. Le plus inquiétant est le pourcentage de patients qui souffrent de NPH pendant plus d’un an; des données probantes montrent que les taux passent de 15 % chez les patients âgés de 50 ans à 40 % chez ceux âgés de 70 ans et plus. Par conséquent, il nous faut répondre non pas à une mais à deux questions : « Quel est le coût de la vaccination? » et « Quel est le coût de l’absence de vaccination? »

Un appel à l’action

La SCR a publié des lignes directrices pour l’emploi optimal des vaccins avant et pendant le traitement par des ARMM classiques et biologiques. En 2013, le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) a mis à jour ses recommandations touchant les patients immunodéprimés. Toutefois, pour être efficaces, les recommandations doivent être mises en pratique. Au Charlton Centre for Specialized Treatment à Hamilton, Ontario, Mme Carolyn Whiskin et le Dr Jay Keystone ont élaboré un protocole fondé sur ces recommandations; ce protocole est entré en vigueur en avril 2013. Depuis, tous les médecins qui orientent leurs patients à cette clinique reçoivent les versions imprimées et électroniques du protocole (voir l’Annexe I). La directrice des programmes de pharmacie de la clinique, madame Carolyn Whiskin, a ensuite rencontré chaque médecin orienteur pour discuter de l’intégration du protocole dans leurs pratiques cliniques. Certains rhumatologues ont intégré les recommandations du protocole à leur note d’orientation au médecin de premier recours; en outre, ils remettent maintenant un exemplaire au patient pour qu’il puisse le remettre à son médecin traitant lors de la prochaine consultation. D’autres spécialistes ont inclus une discussion à propos de la vaccination dans la liste de vérification à l’intention de leurs nouveaux patients; ils ont également inclus ce sujet dans les dossiers médicaux électroniques. Par ailleurs, des rhumatologues ont décidé de prescrire les vaccins non remboursés par les régimes publics (p. ex. le vaccin antipneumococcique conjugué [PPV13] et le vaccin contre le VZV), car ces deux vaccins sont fortement recommandés dans le cas des patients candidats au traitement par les ARMM biologiques. Dans des conditions idéales, la discussion à propos des vaccins devrait avoir lieu à l’annonce du diagnostic au lieu d’être reportée au moment où le médecin prescrira un ARMM biologique. Au Charlton Centre, les patients sont interrogés sur leur statut vaccinal lorsqu’ils reçoivent une ordonnance pour un ARMM biologique. Si cette discussion a été omise, une autre occasion se présentera pour administrer les vaccins requis en attendant que la demande de remboursement soit traitée. Lorsque le médecin spécialiste qui prescrit le traitement immunosuppresseur et le patient le demandent, la clinique envoie le protocole de vaccination et une lettre d’accompagnement au médecin traitant.

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Même si certains cabinets de rhumatologues ont quelque peu tardé à adopter le protocole, d’autres rhumatologues qui ne mentionnaient jamais la question des vaccins en sont venus à renseigner tous leurs patients et à faire le suivi auprès de leurs médecins traitants. Aucun régime d’assurance médicaments provincial ne rembourse le coût du vaccin contre le VZV; même s’il confère un bienfait chez l’enfant, le vaccin PPV13 est remboursé seulement dans le cas des patients à risque, et ce, à travers le Canada. Soulignons toutefois que les règlements provinciaux sont régulièrement réévalués. Étant donné que certains vaccins entraînent des frais pour le patient, la décision de poursuivre la vaccination revient au patient, car seulement 30 % des régimes privés remboursent ces frais.

La prévention des maladies infectieuses par la vaccination des patients immunodéprimés est logique du point de vue biologique, car une réduction du risque relatif conférera le plus grand avantage dans un groupe ayant d’emblée un risque d’infection élevé. Cela étant dit, le risque d’infection ainsi que les réponses aux vaccins chez un patient donné sont déterminés par de nombreux facteurs reliés aussi bien à la maladie qu’aux médicaments. En fait, pour ce qui touche le risque d’infection, des données probantes ont montré que la maladie active pourrait jouer un rôle plus important que le traitement par les ARMM chez les patients immunodéprimés. Par conséquent, la maîtrise de la PR par le traitement immunosuppresseur pourrait de manière un peu paradoxale se révéler le seul et le plus important facteur de réduction du risque d’infection.

Des études multicentriques devront être réalisées pour évaluer les effets cliniques de la vaccination chez les patients immunodéprimés. Des études sur l’immunogénicité des vaccins chez ces patients seront certainement pertinentes, mais il sera encore plus important de mener des études de suivi clinique de longue durée auprès d’un très grand nombre de patients pour déterminer les taux d’incidence des infections.

Le moment est venu d’agir. Le rôle des rhumatologues prend une nouvelle ampleur et l’emploi des médicaments immunosuppresseurs ne peut se faire sans que le patient soit non seulement parfaitement informé, mais aussi vacciné de manière optimale pour réduire le risque inhérent et évitable. À la lumière des lignes directrices du CCNI et de la SCR en matière de vaccination, force est de reconnaître que la norme de soins au Canada comprend la prévention énergique des infections chez les patients immunodéprimés. Nous avons la responsabilité de promouvoir et de faciliter la vaccination et, ultimement, de vacciner nos patients si nous voulons obtenir les résultats thérapeutiques qui modifient l’évolution de la maladie chez nos patients adultes à risque.

Lectures suggérées :

1. Ruibin LG, Levin MJ, Ljungman P, et coll. 2013 IDSA Clinical Practice Guideline for Vaccination of the Immunocompromised Host. Clin Infect Dis 2014; 58(3):309-18.

2. Listing J, Gerhold K, Zink A. The risk of infections associated with rheumatoid arthritis, with its comorbidity and treatment. Rheumatology (Oxford) 2013; 52(1):53-61.

3. Agence de santé publique du Canada. Une déclaration d’un Comité consultatif (DCC) – Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) : Mise à jour sur l’utilisation du vaccin contre le zona. 2014. Affiché à : http://www.publications.gc.ca/collections/collection_2014/aspc-phac/HP40-92-2014-fra.pdf

Carolyn Whiskin, R. Ph., B. Sc. Phm, NCMP
Directrice du programme de pharmacie,
Charlton Centre For Specialized Treatment
Hamilton, Ontario

Derek Haaland, M.D., M. Sc., FRCPC
Professeur adjoint de clinique,
Université McMaster
Divisions de l'immunologie clinique, d’allergie et de rhumatologie
Shanty Bay, Ontario

William G. Bensen, M.D., FRCPC
Professeur de clinique,
Division de rhumatologie,
Département de médecine,
Université McMaster
Hamilton, Ontario

Vivien Brown, M.D., C.M., CCFP, FCFP, NCMP
Professeure adjointe,
Département de médecine familiale et communautaire,
Université de Toronto
Vice-présidente,
Affaires médicales,
Medisys Corporate Health
Toronto, Ontario

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