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Printemps 2014 (volume 24, numéro 1)

La vaccination dans les maladies
rhumatismales juvéniles

par Suzanne E. Ramsey, M.D., FRCPC

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Parmi vos patients, vous comptez : un enfant de 3 ans atteint d’arthrite idiopathique juvénile (AIJ); une adolescente de 14 ans atteinte de lupus érythémateux disséminé (LED) qui est traitée par la prednisone et manifeste une asplénie fonctionnelle; un bambin de 17 mois ayant reçu des immunoglobulines intraveineuses (IgIV) pour traiter la maladie de Kawasaki; un enfant de 10 ans atteint de dermatomyosite juvénile qui a récemment cessé le traitement par les IgIV et le méthotrexate (MTX). Sur le plan de la vaccination, quelles sont les préoccupations dans le cas de ces patients?

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Dre Ramsey est une professeure clinicienne bien respectée dans le domaine des maladies rhumatologiques pédiatriques.

Vu l’arrivée de plusieurs nouveaux traitements immunosuppresseurs et l’évolution des calendriers d’immunisation établis par les provinces1-4, nous révisons chaque année nos lignes directrices avec nos collègues en vaccinologie et prenons en considération les lignes directrices internationales5. Les doses de rappel des vaccins inactivés courants devraient être administrées. En revanche, les vaccins à virus vivant sont en général contre-indiqués chez les enfants immunodéprimés; ces vaccins devraient être administrés avant l’intensification du traitement immunosuppresseur ou lors d’une pause dans l’immunosuppression. Les corticostéroïdes (CS) à forte dose (prednisone à 10 mg ou 20 mg par jour ou à 0,2 mg/kg par jour pendant plus de deux semaines) ainsi que les antirhumatismaux qui modifient l’évolution de la maladie (ARMM) et les modificateurs de la réponse biologique (MRB) risquent d’amoindrir la réaction au vaccin, et il en est de même de la maladie inflammatoire active. Les CS à effet général sont un des plus importants facteurs de risque d’infection chez les patients atteints de maladies rhumatismales6; par ailleurs, les ARMM et les MRB influent de façon variable sur le risque d’infection et d’autres études doivent être menées pour évaluer leur effet sur ce plan.

Vaccins antiviraux

Dès la première année de vie, on devrait établir un calendrier de vaccination pour que l’enfant reçoive deux doses du vaccin contre la rougeole, les oreillons, la rubéole et la varicelle (RORV). Le vaccin RORV peut être administré dès l’âge de 12 mois et la deuxième dose, dans les trois mois suivants1. On croit que ce vaccin est sans danger chez les patients atteints d’AIJ traités par le MTX à dose faible (< 10 mg/m2), mais son profil d’innocuité n’a pas été établi chez des patients qui reçoivent des traitements plus intensifs7. Il existe des données limitées sur le profil d’innocuité du vaccin contre le virus varicelle-zona (VZV) chez les patients atteints de maladies rhumatismales. On peut difficilement extrapoler les résultats observés chez des enfants atteints d’un cancer hématologique parce que l’immunosuppression rhumatologique est en général chronique. Chez des patients ayant déjà été vaccinés qui présentent un statut indéterminé pour le VZV ou qui sont séronégatifs pour le virus de l’hépatite B, un vaccin de rappel additionnel pourrait améliorer l’état immunitaire2,3. La prophylaxie secondaire contre le VZV pourrait être nécessaire. Les patients atteints de maladies rhumatismales pourraient obtenir des bienfaits de la vaccination antigrippale annuelle, tant personnelle que familiale. Le vaccin vivant contre l’influenza renfermant des souches adaptées au froid et administré par vaporisation intranasale est plus efficace que le vaccin inactivé administré par injection; toutefois, il n’existe pas de données sur l’innocuité chez les enfants immunodéprimés. La vaccination de la fratrie pourrait être une précaution suffisante, à moins que le patient soit gravement immunodéprimé; le cas échéant, on ne devrait pas administrer de vaccins vivants aux personnes de l’entourage immédiat du patient2.

La vaccination à l’aide de vaccins vivants est reportée chez les enfants traités les IgIV, car ces dernières renferment des anticorps anti-ROR et anti-VZV en concentrations suffisantes pour inactiver les vaccins. Plus précisément, dans le cas de patients atteints de la maladie de Kawazaki, on doit attendre 11 mois après la fin du traitement par des IgIV à forte dose (2 g/kg) avant d’administrer les vaccins RORV. Ce délai peut être moins long lorsque les patients sont traités par des doses d’IgIV moins fortes et par d’autres produits sanguins1. En cas de projet de voyage à l’étranger, il importe de consulter un professionnel en santé publique ou en médecine des voyages, car les vaccins destinés aux voyageurs, par exemple les vaccins contre la fièvre jaune et le vaccin oral contre la typhoïde sont contre-indiqués chez les patients immunodéprimés1.

Vaccins antibactériens

Les infections à microorganismes Gram positifs accroissent le risque de morbidité et de mortalité. Les enfants non vaccinés devraient recevoir les vaccins antipneumococciques, bien qu’on ne connaisse pas le moment le plus propice pour ce faire durant l’évolution de la maladie. Pour les enfants immunodéprimés n’ayant pas été vaccinés antérieurement, les lignes directrices recommandent d’administrer le vaccin antipneumococcique conjugué (VPC) (p. ex. PrevnarMD13) suivi, après un délai d’au moins huit semaines, du vaccin antipneumococcique polysaccharidique (VPPS)
(p. ex. PneumovaxMD23)1. Une attention particulière doit être accordée aux patients aspléniques (par splénectomie chirurgicale ou par maladie autoimmune); ainsi, il est recommandé d’administrer les vaccins contre le pneumocoque, contre Hemophilus influenzæ et contre le méningocoque avant une splénectomie non urgente et, par la suite, la prophylaxie antibiotique contre le pneumocoque8.

Considérations additionnelles

Après l’arrêt de l’immunosuppression, on devrait établir un protocole propre à chaque enfant. Bien qu’il puisse exister un risque faible de poussée de la maladie ou d’une manifestation indésirable en cas de vaccination, en général, les rapports risque-avantage appuient fortement le recours à l’immunisation. Toutefois, il est en général admis qu’il est préférable de ne pas administrer un vaccin ayant déjà déclenché une poussée de la maladie et de ne pas vacciner un patient durant une phase très active de la maladie2.

Références :

1. Guide canadien d’immunisation. Disponible à l’adresse : http://www.phac-aspc.gc.ca/publicat/cig-gci/index-fra.php

2. Silva CA, Aikawa NE, Bonfa E. Vaccinations in Juvenile Chronic Inflammatory Disease: An Update. Nat Rev Rheumatol 2013; 9(9):532-43.

3. Heijstek MW, Ott de Bruin LM, Bijl M, et coll. EULAR Recommendations for Vaccination in Pediatric Patients with Rheumatic Diseases. Ann Rheum Dis 2011; 70(10):1704-12.

4. Le Saux N. Biologic Response Modifiers to Decrease Inflammation: Focus on Infectious Risks. Paediatr Child Health 2012; 17(3):147-50.

5. Rubin LG, Levin MJ, Ljungman P, et coll. 2013 IDSA Clinical Practice Guideline for Vaccination of the Immunocompromised Host. Clin Infect Dis 2014; 58(3):309-18.

6. Beukelman T, Xie F, Chen L, et coll. Rates of Hospitalized Bacterial Infection Associate with Juvenile Idiopathic Arthritis and its Treatment. Arthritis Rheum 2012; 64(8):2773-80.

7. Heijstek HW, Pileggi GC, Zonneveld-Huijsson E. Safety of Measles, Mumps and Rubella Revaccination in Children with Juvenile Idiopathic Arthritis. Ann Rheum Dis 2007; 66(10):1384-7.

8. Price VE, Dutta S, Blanchette VS, et coll. The Prevention and Treatment of Bacterial Infections in Children with Asplenia or Hyposplenia: Practice Considerations at the Hospital for Sick Children. Pediatr Blood Cancer 2006; 46(5):597-603.

Suzanne E. Ramsey, M.D., FRCPC
Professeure agrégée de pédiatrie
Rhumatologue pédiatrique
Centre de santé IWK,
Université Dalhousie
Halifax, Nouvelle-Écosse

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