Printemps 2014 (volume 24, numéro 1)
Dix points essentiels que les
rhumatologues devraient connaître, mais ne connaissent peut-être pas à propos de la tuberculose
par Michael Gardam, M.D., C.M., M. Sc., FRCPC,
et Kamran Khan, M.D., MPH, FRCPC
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Notre clinique de tuberculose (TB) accueille un très grand nombre de patients orientés par des rhumatologues. Ces demandes de consultation sont faites principalement pour des patients candidats à un traitement immunosuppresseur par des inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale-alpha (TNF-α) ou par d’autres médicaments. Nous recevons aussi, quoique en moins grand nombre, des patients atteints de TB active des os et des articulations. À la lumière de notre expérience des 10 dernières années, nous avons retenu 10 points essentiels que nous jugeons importants de partager avec nos collègues rhumatologues.
1. Test cutané à la tuberculine
Le test cutané à la tuberculine (TCT) manifeste un taux de sensibilité élevé chez les sujets immunocompétents et nous le considérons comme l’épreuve de choix pour le diagnostic de l’infection tuberculeuse latente (ITL) chez ces patients. Toutefois, ce test doit être exécuté, interprété et noté correctement parce que des résultats faussement positifs et négatifs risquent d’avoir des conséquences graves. Une induration dont le diamètre est de ≥ 5 mm établit un résultat positif pour ITL chez des patients candidats au traitement par un anti-TNF-α ou qui reçoivent déjà ce traitement. Par contre, chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) qui sont traités par des antirhumatismaux qui modifient l’évolution de la maladie (ARMM) non stéroïdiens classiques comme le méthotrexate, le diamètre de l’induration doit être d’au moins 10 mm.
2. Tests de libération d’interféron gamma
Il se pourrait que la spécificité du TCT soit amoindrie chez des sujets ayant reçu le vaccin bacille de Calmette-Guérin (BCG), en particulier s’ils ont été vaccinés après l’âge de cinq ans. Les tests de libération d’interféron gamma (TLIG) pourraient donc être utilisés dans ces cas en raison de leur taux de spécificité plus élevé que celui du TCT.
3. Résultats positifs au TCT
En général, l’immunisation par le vaccin BCG durant la première année de vie n’explique pas des résultats positifs au TCT à l’âge adulte. Étant donné qu’on administre ce vaccin immédiatement après la naissance dans de nombreux pays, nous ne tenons que rarement compte de ce facteur lorsque nous interprétons un TCT positif.
4. Sensibilité des tests
Le taux de sensibilité du TCT est moindre chez les sujets immunodéprimés. Le test T-Spot-TB (TLIG) est plus sensible que le TCT, mais il est indisponible dans de nombreuses régions. Comme c’est le cas pour le TCT, la sensibilité du test Qantiferon Gold (TLIG) n’est pas optimale chez des sujets immunodéprimés.
5. Infection tuberculeuse latente
Il n’existe pas d’épreuve diagnostique de référence pour dépister une ITL. Lorsque le TCT et le TLIG produisent des résultats contradictoires, il importe de les interpréter en tenant compte du contexte épidémiologique et des facteurs de risque cliniques de TB.
6. Facteurs de risque
Le diamètre d’au moins 5 mm de l’induration en réaction au TCT choisi comme valeur seuil pour établir un diagnostic d’ITL chez les patients candidats au traitement par des anti-TNF-α pourrait soulever certains problèmes : de nombreux patients soumis à ce test de dépistage ne présenteront aucun facteur de risque de TB, mais ils devront néanmoins se soumettre au TCT avant de recevoir un traitement anti-TNF-α. On déconseille en général de procéder à un dépistage chez des patients n’ayant aucun facteur de risque, car la valeur de prédiction positive est extrêmement faible (c.-à-d. que la plupart des TCT positifs ne témoigneraient pas d’une ITL). Les conclusions d’une analyse décisionnelle récente appuient ce principe, même si nous sommes conscients qu’il existe des considérations médico-légales qui motivent le dépistage dans cette population de patients.
7. Corticostéroïdes
Le traitement à l’aide de corticostéroïdes (CS) accroît également le risque de réactivation de la TB. L’administration d’une dose de CS équivalente à 15 mg de prednisone durant plus d’un mois devrait être considérée comme accroissant le risque de réactivation de la TB. Si possible, ces patients devraient subir un test de dépistage de l’ITL avant d’entreprendre un traitement immunosuppresseur.
8. Infection tuberculeuse latente
En cas d’infection tuberculeuse latente (ITL), l’isoniazide (à 5 mg/kg jusqu’à la dose maximale de 300 mg par jour) pendant 9 mois ou la rifampine (à
10 mg/kg jusqu’à la dose maximale de 600 mg par jour) pendant 4 mois sont considérées comme des traitements adéquats. Ces deux modalités de traitement nécessitent une surveillance régulière par des épreuves de la fonction hépatique, en particulier chez les patients qui reçoivent des médicaments hépatotoxiques en concomitance. Il est vital d’écarter un diagnostic de TB active avant d’instaurer le traitement de l’ITL.
9. Préoccupations thérapeutiques
Parce qu’elle est un puissant inducteur du cytochrome P450, la rifampine accroît le métabolisme des CS de manière significative et elle risque de déclencher une crise de la maladie d’Addison chez certains patients qui reçoivent un traitement de longue durée par les CS.
10. Diagnostic juste
Pensez à la TB comme une cause de l’arthrite monoarticulaire progressive chronique lorsque le contexte évoque une telle étiologie (p. ex. un patient né dans un pays où la TB est endémique). Ordonner des cultures mycobactériennes des liquides ou des tissus, ou des deux peut grandement aider à établir le diagnostic.
Lectures suggérées :
1. Société canadienne de thoracologie et l’Agence de santé publique du Canada. Normes canadiennes pour la lutte antituberculeuse, 7e édition. Disponible à l’adresse : http://www.lignesdirectricesrespiratoires.ca/normes-antituberculeuse-2013.
2. Farhat M, Greenaway C, Pai M, et coll. False-positive tuberculin skin tests: what is the absolute effect of BCG and non-tuberculous mycobacteria? Int J Tuberc Lung Dis 2006; 10(11):1192-204.
3. Diel R, Goletti D, Ferrara G, et coll. Interferon-γ release assays for the diagnosis of latent Mycobacterium tuberculosis infection: a systematic review and meta-analysis. Eur Respir J 2011; 37(1):88-99.
4. Hazlewood GS, Naimark D, Gardam M, et coll. Prophylaxis for latent tuberculosis infection prior to anti-TNF therapy in low-risk elderly patients with rheumatoid arthritis: A decision analysis. Arthritis Care Res (Hoboken) 2013; 65(11):1722-31.
Michael Gardam, M.D., C.M., M. Sc., FRCPC
Professeur agrégé de médecine,
Université de Toronto
Consultant en maladies infectieuses,
Directeur,
Prévention et contrôle des infections,
University Health Network et Women's College Hospital
Directeur,
Ignite Consulting
Directeur médical,
Clinique de la tuberculose,
Hôpital Toronto Western
Toronto, Ontario
Kamran Khan, M.D., MPH, FRCPC
Professeur agrégé,
Département de médecine,
Division des maladies infectieuses,
Université de Toronto
Clinicien-chercheur,
Département de médecine,
Division des maladies infectieuses,
Li Ka Shing Knowledge Institute,
Hôpital St. Michael's
Toronto, Ontario |