Automne 2014 (volume 24, numéro 3)

L’arthrite, l’art et la maternité : main dans la main

par Linda Del Fabro Smith, M.Sc., B.Sc.(OT)

Télécharger le PDF

En tant qu’ergothérapeute, j’étais curieuse de savoir quelles répercussions l’arthrite pouvait avoir sur les activités d’une mère. Afin de satisfaire aux exigences de recherche et de thèse pour ma maîtrise ès sciences, j’ai donc entrepris une étude narrative basée sur des travaux artistiques et d’autres modes de collecte de données avec huit femmes souffrant d’arthrite. En me basant sur des entrevues, mes observations et des photos de famille, j’ai élaboré des récits de l’expérience de chacune de ces femmes en utilisant autant que possible leur propre langage et leur ton. Chacune des participantes avait un certain nombre d'histoires à raconter; celles-ci ont été comparées et utilisées pour élaborer un méta-récit. Une autre méthode utilisée dans cette étude narrative consistait à demander à chaque participante de peindre une image simple en réponse à la question : « Quelles sont les choses qui ont le plus d’importance dans le fait d’être une mère? » Mentionnons qu’aucune des participantes n’avait la moindre formation artistique. Il n’a pas été surprenant de constater que les peintures appuyaient le méta-récit :
« Juste parce que je ne peux pas faire certaines choses, cela ne veut pas dire que je ne suis pas une maman. » Les toiles reflétaient aussi les récits individuels de chaque femme. J’ai été surprise de voir comment le fait de revendiquer fermement le titre de « mère » comme identité avait permis à ces femmes de demeurer non seulement fortes et positives, malgré une invalidité chronique, mais leur avait également fourni un moyen de prospérer dans leurs vies quotidiennes durant l’accomplissement de leurs tâches de mère. L’identité occupationnelle, de certaines façons, s’est élevée au-dessus des effets de l’arthrite. Voici quelques-unes de leurs toiles et les descriptions qui les accompagnaient.

« Et bien, dans les quatre coins, il y a quatre cercles de couleur. Le rose pâle représente B, ma fille de huit mois; le bleu pâle représente M, ma fille de dix ans; le bleu plus foncé, c’est moi et le vert est mon mari. Alors, il y a une sorte de tourbillon qui est supposé être ma journée : le début de ma journée commence par une période de paix. Il y a une partie rouge; le rouge représente la douleur et ma couleur est entremêlée avec le rouge. Il y a quelques jaunes, et ça devient plus brillant au fur et à mesure que la journée devient plus occupée. Puis, encore le rouge qui représente la douleur. Cela fait des cercles, mais je ne sais pas pourquoi j’ai choisi des cercles; je pense que c’est peut-être parce que nous sommes une famille bien équilibrée et que nous sommes comme un peu tous fusionnés ensemble. »

« La toile est censée exprimer ce que c’est que d’être une mère, alors j’ai pensé faire un portrait de la famille. Je ne suis pas bonne avec les visages. En premier, quand j’ai peint ceci, les mains ne se touchaient pas, mais nous nous tenons toujours par les mains alors je voulais montrer ça : nous, main dans la main, parce qu’une des choses que j’aime du fait d’être mère est de pouvoir tenir mes enfants par la main chaque jour. Nous aimons marcher et faire de la randonnée, alors j’ai pensé faire une scène extérieure. Pour ce qui est de comment cela reflète mon arthrite, je ne suis pas vraiment certaine, sauf que ma famille et mon mari m’ont toujours apporté beaucoup de soutien et d’aide. Ceci nous montre tous ensemble et montre comment ma famille m’a aidé avec
cela. »

« Je suppose que l’arbre me semblait être une bonne image parce que je me sens un peu comme l’arbre de la famille. Je soutiens la famille et les choses ne seraient tout simplement pas les mêmes sans moi. Les feuilles du côté de la maternité sont un peu plus claires et fraîches, alors que celles du côté de l’arthrite sont plutôt fatiguées et dormantes, parce qu’elles doivent aller dormir dans le bas. J’ai ajouté une lueur derrière les nuages du côté de l’arthrite, parce qu’il y a des choses positives. Ce n’est pas juste du mauvais; je suis à la maison avec mes enfants, et ça, c’est définitivement un plus. Je suis moins stressée. Dans la toile, les branches paraissent un peu fatiguées et brisées, parce que c’est comme ça que je vois mes membres. Les racines sont un peu plus fortes du côté de la maternité; du côté de l’arthrite, je ne me sens pas aussi stable. »

« J’ai mis du soleil parce que je me sens toujours tellement bien quand le soleil est sorti. L’arc-en-ciel a un peu l’air d’une glissade et je suppose que c’est pour dire que parfois les choses vont vers le haut, et parfois, elles vont vers le bas. J’aime à penser que je me tiens sur la courbe de l’arc-en-ciel, de sorte que je ne me sens pas trop... vous savez, super bien ou super mal; j’essaie de me maintenir au milieu, je suppose. Et la main est pour tellement de choses. La main est pour être mère; oui, je sais qu’il y a des femmes qui ne peuvent pas se servir de leurs mains et elles sont des mères quand même, mais je ne sais pas comment elles font. Pour moi, la main est tellement une partie essentielle de moi et de ce que c’est que d’être une mère. La main donne tout : elle donne la discipline, elle donne l’amour, elle donne l’encouragement, mais aussi, maintenant, la main symbolise l’arthrite en plus. »

« Et bien, c’est juste les mains de mes trois enfants et moi-même; en gros, ça dit que nous sommes tous connectés, tous joints je suppose, avec moi, la mère, qui est le point focal et tous les enfants sont rassemblés. Ma main est sur le dessus, un peu comme la base, la mise à la terre, ce qui les garde ensemble, l’ancre. À cause de l’arthrite, je ne peux plus mettre ma main à plat et ce serait exactement ça, un grand trou au milieu (rire). Cela aurait été mieux si elle pouvait se mettre à plat; cela aurait montré plus de connexion, plus d’ancrage et de rapprochement. »

Référence :

1. Del Fabro Smith L, Suto M, Chalmers A, Backman CL. Belief in doing and knowledge in being mothers with arthritis. OTJR: Occupation, Participation and Health 2011; 3(1)1:40-8.

Linda Del Fabro Smith, M.Sc., B.Sc.(OT)
Ergothérapeute,
Vancouver Coastal Health
Corps professoral clinique,
Département de sciences du travail et d'ergothérapie,
Université de la Colombie-Britannique
Vancouver, Colombie-Britannique